Brasse coulée

12 juin 2006

Après une journée de boulot caniculaire, le cerveau et les yeux à bout de fatigue, un peu de motivation qui passait opportunément par là  c’était l’occasion rêvée d’enfin mettre en pratique mes bonnes résolutions. Je me réjouissais d’avance à l’idée de ce billet que je signalerais chez Adrien.

Dont acte. Piscine[1], semaine zéro : 1 km, en une quarantaine de minutes, plus 50 m de crawl (25 pendant lesquels je me disais woah, trop facile, quelle endurance, 25 autres interminables où c’était plutôt tendance pitain c’est long cinquante mètres, où il est le mur, rhaaaa ?).

Charmante surprise : croisé Édouard dans les douches, qui se trouve habiter non loin et fréquenter assidûment l’établissement.

Mauvaise surprise : arrivé à la maison, heu, où est mon sac à dos ? Mystère. On saura demain matin si c’est aux vestiaires ou dans le RER que je l’ai oublié. Si d’aventure (on ne sait jamais !) toi lecteur tu l’as trouvé, sache qu’il y a dedans un maillot de bain, des lunettes de piscine, un bonnet de bain en silicone pas trop usagé et un Moleskine plein de notes intimes qui sont d’un intérêt limité pour tout autre que moi mais auquel je suis affectivement attaché. C’est bête, hein. Alors je te propose un deal. Tu gardes le matos de piscine, c’est cadeau pour ta peine. Et tu me permets de récupérer le carnet par tout moyen à ta convenance. Ça me consolerait, vraiment.

Un jour j’achèterai un neurone qui ne s’arrête pas dès qu’on le trempe dans l’eau, aussi.


  1. Suzanne-Berlioux, au Forum des Halles, car elle est ouverte à mes heures le soir.

Banlieue chaude

11 juin 2006

L’après-midi se termine, écrasé de soleil. En face de moi, la vieille femme tricote un gilet de laine qui détonne par ce temps. Laide, trop maquillée. Le rouge s’étale en veinules capillaires dans les sillons des rides de sa bouche. Trop parfumée, c’est entêtant.

L’homme fatigué porte un costume sombre fatigué de forte laine. Comment fait-il pour tenir, par trente degrés à l’ombre, avec son chapeau épais ? C’est peut-être pour ça qu’il somnole. De son soulier s’échappe un lambeau de sac plastique de supermarché déchiqueté, en manière de chaussette. Il s’appuie sur sa béquille.

Des hommes et des femmes de toutes les couleurs tripotent leurs téléphones mobiles. Ça leur donne une contenance dans l’air surchauffé. L’enfant blonde raconte à sa mère blonde ses futurs voyages. Sa poupée blonde les observe, impassible.

Bus 304, Gennevilliers, juin 2006.

Cabaret

5 juin 2006

CabaretBerlin, début des années 30. Un écrivain désargenté amoureux d’une chanteuse de cabaret, leur logeuse fiancée à un marchand de fruits juif allemand. Comédie musicale sucrée-salée, où le brillant des années folles passe inexorablement avec la montée de l’ordre nouveau nazi.

Avant même les Folies-Bergères l’automne prochain, vous pouvez la découvrir cette semaine à l’École : c’est la nouvelle production du Théâtre anglais. Mardi 6 juin, mercredi 7 juin et jeudi 8 juin à 20:00 à Télécom Paris[1].


  1. 49, rue Vergniaud – Paris XIIIe – métro Corvisart ou Glacière, RER Cité universitaire

Électron périphérique

31 mai 2006

Arrivé à Lyon par le train du matin, bondé à l’orée du week-end prolongé, je les avais rejoints pour déjeûner, puis nous nous sommes mis en route pour la maison familiale, perdue dans la campagne, isolée au point qu’il y faut mille acrobaties subtiles pour trouver le lieu et l’orientation adéquats chaque fois qu’on veut utiliser son téléphone mobile.

Nous allions être ensemble quatre jours, retrouvailles des copains, dix ans déjà qu’on fait les quatre cents coups. Ensemble. Eux naturellement s’assemblent, s’agencent, me semblent trouver chacun intuitivement son rôle, sa fonction. Machine qui glisse presque sans bruit, cliquetante, onctueuse comme le doux glissement d’une mécanique fine. Merveilleux orchestre des grégaires qui savent vivre en parfaite symbiose, qui l’ont appris tandis que je n’ai jamais su que graviter autour du noyau, à plus ou moins de distance, singulier, attaché et éloigné à la fois.

Les uns s’occupent du barbecue, les autres en cuisine concoctent des sauces succulentes, d’autres encore prennent un apéro bien mérité au retour des courses matutinales.

Au milieu d’eux je me débats, je m’agite, je m’épuise à chercher comment prendre part à cela. Je désespère de ce sentiment d’inutilité profonde. Et ce n’est qu’à la nuit noire, dans le silence de la maison endormie, que je trouve enfin une place. Je range les derniers verres, la bouteille presque vide de vieux malt, je m’assure que ceux qui dans quelques heures se lèveront tôt trouvent une table propre et vierge. Farouche et solitaire, je n’existe que seul au cœur de la nuit.

Passage avide

23 mai 2006

Les premiers jours du printemps s’envolent à tire d’aile. À bouchées doubles d’heures, je dévore le temps des soirées encore fraîches. Je me remplis la vie par soif inextinguible. Avide d’apprendre toi, ce que tu as été, et de te raconter comment je t’attendais. Avide d’inventer nous et d’écrire un futur où demain prend un s.

À secrets échangés au cœur de la nuit noire, pierre après pierre, on construit ensemble ce qui sera mais que les mots retenus ne savent pas encore nommer. Peut-être se poseront-ils ici lorsque je les aurai apprivoisés.

Faire réduire à feu vif

14 mai 2006

Un après-midi de mai, l’un des premiers ensoleillés. J’avais même laissé mon pull dans la voiture. Tant pis, pour le cimetière, ce serait en t-shirt. Les morts ne m’en voudraient pas.

Le petit groupe s’est rassemblé autour de la bière de chêne clair. La chaleur nimbait la scène immobile. Un rayon de soleil brillait, brûlant, sur le scellé de cire rouge qui semblait sur le point de fondre de nouveau. Un dernier instant de silence. Pour mémoire. Étouffé de chaleur. La main de l’enfant s’est glissée dans la mienne et je l’ai serrée pour qu’elle ne soit pas seule. La cérémonie simple et grave a lentement concentré l’émotion en une substance épaisse qui devenait palpable.

La terre a englouti le cercueil. Les derniers mots d’adieu, solennels et clairs, sont tombés dans la fosse avec une pluie de roses jaune pâle. Les larmes de l’enfant ont ruisselé sur ses joues, sans que nulle parole ne vienne les entraver.

Les jolies voix de mai

9 mai 2006

Tiens, voilà le mois de mai qui revient, les premiers beaux jours un printemps pourri comme on les aime. Il pleut, donc il faut occuper les longs après-midi froids et les soirées solitaires. Pour y mettre un peu de chaleur et de musique, avec mes camarades de All That Jazz, on vous a donc concoctés, bande de petits veinards, un nouveau programme pour les prochains concerts.

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