Archive pour juillet 2005

Oracle Night

lundi 25 juillet 2005

Sidney Orr est écrivain. Au décours d’une longue maladie, il entreprend de se remettre à écrire – c’est un besoin, une tension impérieuse. Le hasard de ses pas dans Brooklyn le font entrer dans le minuscule magasin d’un papetier asiatique, où il tombe en arrêt devant un carnet bleu.

Rentré avec le carnet convoité et les stylos idoines, il s’assied à sa table et écrit, écrit. Bientôt ce carnet va s’avérer plus qu’un simple support : une véritable drogue, ou peut-être une passerelle vers des ressorts insoupçonnés de l’univers. Suspendu hors du temps, il perd le contrôle des mots et trace une histoire qui reflète étrangement la réalité qui l’environne. Entre peur et envie, il remplit le cahier…

C’est l’histoire de la mémoire des choses qui se sont produites, et de celles qui ne sont pas encore arrivées. C’est l’histoire de l’écriture qui témoigne et de l’écriture qui prédit. C’est l’histoire de l’histoire, et parfois elle est troublante. Ce sont aussi, comme souvent chez Paul Auster, des mots qui disent si bien pourquoi on ne peut s’empêcher de faire glisser sa plume sur un paquet de feuilles de papier.


Oracle Night de Paul Auster (2004), une critique pour le Biblioblog.

L’attracteur étrange

lundi 25 juillet 2005

Les années et les mers les séparent. Sur elles deux mon regard s’est posé. Sur mon épaule leurs yeux se sont fermés. C’était le soir. Au creux d’une nuit d’automne, au long d’un soir d’été, j’apprenais leur cœur à tâtons.

Petit à petit une porte s’est ouverte. Au-delà du voile, elles se sont racontées. Si éloignées, et si étrangement semblables. Elles m’ont confié en partage le poids de leurs blessures, de leurs corps meurtris et de leurs âmes volées. Deux anges déchus par la violence des hommes. Deux récits de vie que je recevais en silence en réchauffant leurs mains entre les miennes.

Pourquoi précisément elles ? Pourquoi précisément moi ? Est-ce l’odeur du sang qui se lit sur mon visage ? Est-ce la trace de la mort qui lie nos destins ? Est-ce l’écho d’un cri qui résonne dans nos cicatrices ?

Venez, compagnes d’infortune. Venez, vous les âmes déglinguées. Déversez sur mon corps votre trop-plein de larmes.

De l’autre côté du carnet

jeudi 21 juillet 2005

Alice reposa son pinceau de lumière. Elle venait de terminer un nouveau texte pour le Carnet, et prit un peu de recul pour embrasser du regard sa dernière création, un artefact ciselé que bientôt quelques amis fidèles ou inconnus de passage viendraient contempler. Alice mettait un soin particulier pour calligraphier les pages que la jeune fille aux grands yeux tristes, là, au-delà de la dalle de verre, lui dictait patiemment.

Ce jour-là, la jeune fille voulait offrir à ses lecteurs une visite guidée de quelques-uns des carnets qu’elle gardait précieusement au creux de sa Marmite à blogs. Elle dit à Alice : « je voudrais leur dire pourquoi j’ai mis ces noms-là, tu vois, sur le côté… » Alice traduisit : « les liens qui agrémentent la marge gauche de cette page ». Bien sûr, de son point de vue, de l’autre côté de l’écran, c’était logique, mais pour qui passait lire par-dessus l’épaule de la jeune fille, c’était de l’autre côté. Parfois elle oubliait ce détail, mais le mur translucide qui les séparaient et sur lequel elle traçait ses mots l’obligeait à jongler pour écrire dans le bon sens.

Alice remplaça sa « gauche » par une « droite » et la jeune fille vit que cela était bon.


Coïtus Impromptus, semaine 21

Intérieur zen

lundi 18 juillet 2005

Au cours des mois passé, plusieurs personnes qui ne se connaissent pas et qui découvraient mon chez-moi indépendamment m’ont fait la même remarque. Selon elles, l’endroit donnait l’impression que je venais tout juste d’emménager, en particulier parce que les murs sont toujours uniformément blancs.

Le mur et un rayonnage

De fait, les quelques posters, affiches et autres planisphères que j’ai en stock sont toujours sagement roulés. Les tirages photograpiques dorment, soigneusement classées dans les pochettes numérotées chronologiquement. Jamais trouvé le système idéal pour accrocher les posters. Patafix qui fait des taches ? Punaises qui font des trous ? Sous-verres ? Cimaises coûteuses et compliquées ? Jamais su choisir non plus quelques photos à mettre au mur, surtout s’il faut faire tirer un agrandissement, exécuter une marie-louise de dimensions adaptées et monter le tout dans un cadre idoine.

La Plage - Simon Faizant

Alors, pour l’heure, la Plage immense et colorée demeure la seule image qui interrompt le désert blanc. Et je ne suis pas très motivé pour que ça change. J’aime cet espace vide, cet espace nu, l’élégance et la luminosité de ce Rien dépouillé qui constraste avec la chaleur du parquet de bois clair.

Non, je ne viens pas d’emménager le mois dernier. J’ai mis deux ans à peaufiner ce vide.

À l’ombre des diaristes en fleurs

jeudi 14 juillet 2005

Après le chouette après-midi de juin, on s’est dit qu’on allait remettre ça. Alors c’est décidé, on organise de nouveau un pique-nique de carnetiers à Paris le dimanche 31 juillet au Parc floral !

Je suis sûr que ce sera sympa, alors j’irai. Avec ma salade.

Chonchon au réveil

dimanche 10 juillet 2005

J’étais chonchon au réveil. Enfin, pour autant qu’on puisse parler de réveil quand on vient de passer deux ou trois heures plié en douze sur un coin de banquette arrière de Micra presqu’entièrement occupée par une rousse endormie, le dos meurtri par les machins de plastique saillant de la portière, tâchant tant bien que mal de trouver une position qui ne me vrille pas simultanément plus de trois articulations fragiles.

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La chimie amusante

jeudi 7 juillet 2005

Hier, j’ai passé la journée à Dijon pour les RMLL. En coup de vent, malheureusement. J’aurais été ravi de pouvoir participer aux Nocturnes. J’ai promis de revenir bientôt.

Il fallait, ce mercredi soir, que je sois à Paris sans faute, notamment parce qu’il était convenu avec Melie que je la traînerais au ParisCarnet. Parce que cette jeune fille de multiples talents n’aurait pas osé y aller sans être assurée de pouvoir se raccrocher à une figure connue. Je crois qu’elle a frisé l’envie de meurtre à mon encontre, d’ailleurs, au début de la soirée, lorsque je me suis absenté inopinément[1] pour satisfaire à un besoin naturel et pressant.

Moi qui ai longtemps été un grand sociophobe devant l’éternel, je suis surpris maintenant de me retrouver, en quelque sorte, de l’autre côté du miroir. D’ailleurs je crois que les ParisCarnet y sont pour quelque chose. Quand je suis arrivé un soir de mars au Hall’s Beer, je ne connaissais aucun des participants. Pourtant cette soirée, et celles qui ont suivi, ont prouvé que non seulement je n’avais rien à craindre, mais encore que tous ces ex-inconnus que j’ai recontrés étaient surtout un tas de gens chouettes. J’en profite pour leur dire merci et leur faire une bise.

Quant à la soirée d’hier, elle est encore passée trop vite, sans que je m’en rende compte. Je ne regrette pas d’avoir emmené ma petite bande (Melie, Aurele et puis Artefact), d’ailleurs c’est grâce à eux que j’ai eu l’agréable surprise de me retrouver à la table d’Hémisphère M et Hémisphère V. Non seulement j’adore ce qu’elles font et je ne me prive pas de le dire, mais au surplus elles sont de fort agréable compagnie, et surtout elles ne se sont pas offusquées de ce que, dans mon imaginaire de lecteur de leur blog, je me figurais que l’un des deux hémisphères était un homme. Imaginaire ajusté, donc.

Les divers mélanges de personnalités semblent avoir bien fonctionné, donc. Le tube à essais du ParisCarnet a encore une fois fait de jolies couleurs et des étincelles improbables et joyeuses. La chimie, c’est amusant comme tout. (Et d’ailleurs il faut embaucher des chimistes. Vite. Plein. Surtout des qui font des solides vaisselle roses du plus bel effet et offrent de jolies éponges pour orner les chapeaux des messieurs).

Notes

[1] sans qu’elle s’y attende