Archive pour mars 2006

Célibabstinence

lundi 27 mars 2006

Célibataire. C’est la liberté ? C’est pas de comptes à rendre ? Pouvoir draguer qui je veux, quand je veux ? C’est mon bordel chéri qui a le droit d’envahir l’appart’ sans que personne n’y puisse rien trouver à redire ?

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Soirée coton

vendredi 24 mars 2006

La semaine et les microbes m’ont crevé. Lessivé. Las, quelques courses encore pour manger ce soir. Il est tard et le supermarché se vide peu à peu. Bien sûr l’homme devant moi paiera ses courses, sept euros cinquante-six, en un monceau de petites pièces. Bien sûr, quand la faim et la fatigue se font prégnantes, il faut attendre encore un peu. Ce n’est pas grave, va. J’ai la soirée devant moi.

Le froid est humide, pénétrant, et je me réfugie loin sous terre. Un niveau après l’autre, comme tous mes frères voyageurs, je m’enfonce dans les entrailles tièdes de la ville. Le train s’ébranle, glisse dans le tunnel sombre. Je suis ailleurs, détaché, flottant dans l’engourdissement qui gagne tous mes membres. Le médicament commence à faire effet. Mon nez ne coule plus, mon cerveau s’éteint à petit feu, la torpeur douce s’installe. J’aime cette sensation cotonneuse.

Une station. Vite, descendre, maintenant. Je suis bientôt arrivé. Remonté à l’air libre, je marche vers le nid qui m’attend. La maison m’accueille, enfin la douce chaleur. Enfin, se poser. Nourrir et réchauffer le corps. Abreuver et rincer l’esprit. Débrancher l’intellect. Oublier tout. Ce soir, je ne vois personne. Je suis seul. Je suis bien.

Système granulaire

dimanche 19 mars 2006

Au commencement il y a le temps qui coule. Fluide, il m’emporte, parfois je veux m’accrocher un peu au bord et alors il roule contre moi et finalement m’entraîne de nouveau vers l’aval.

Dans le courant, un grain de sable. Du corps étranger dans un fluide en mouvement naît une zone de turbulence. Il suffit d’un mot, d’une phrase volée ici ou là, d’une sensation fugace au creux des tripes. Alors heure après heure, jour après jour, les limons s’amoncellent autour de l’aspérité originaire et l’idée prend corps, ridule sculptée quelque part sous mon crâne.

Ça percole tranquillement. Ça mûrit avec lenteur. Parfois bien sûr les mots débordent, s’épanchent et inondent l’un ou l’autre carnet avant que j’aie pu prendre garde de leur faire une digue. Hors les temps de vives eaux et les soirées d’orage, ils attendent sagement, sans faire trop de vagues. Je finis par m’asseoir, prêt enfin, seul et calme. J’écoute le silence de la ville et le café qui coule. Le breuvage brûlant, la mousse brune dans la tasse, c’est le signal. Les mots ici vont naître.

Coïtus Impromptus II, « Rituel d’écriture »

Résonance magnétique

jeudi 16 mars 2006

Étrange écho, encore. Emmurée de silence d’avoir été brisée, elle abandonne son corps en rédemption muette. Épars, les souvenirs enfouis emprisonnent ses mots. Elle s’écrie que c’est bon, conjure les effluves d’enfer écrits sur son passé. Épuisée, son orgasme se délite et se mue en sanglots étouffés.

Encrés en moi, les stigmates du désespoir.

Temps limite

jeudi 9 mars 2006

Ça commence à la croisée des regards. Un sourire au bord de l’âme échangé. On parle, on boit un peu aussi parce que le lieu et le rituel s’y prêtent, on parle encore et toujours on s’observe. Les mots anodins et la bière coulent dans nos gorges asséchées. Nos yeux se cherchent et la question qu’ils n’osent encore poser plane sans bruit, un instant. Elle s’en vient, elle s’envole.

Et puis encore des mots, et tandis qu’on parle les corps se cherchent, les mains se posent. L’air de rien elles explorent l’espace de l’autre et les voyeurs glosent sur la perte de séparation tandis qu’on discute d’art ou de philosophie.

Et puis survient l’instant du colloque singulier où la parole s’efface et les yeux nus se dévoilent. Les mots sont congédiés alors que ma gorge brûle, j’ai du feu dans la bouche d’être ici et maintenant. Présent à la frontière, dans la zone franche du temps explorée à tâtons. Ton regard me fait signe en silence. Il appelle et attend. Si près. Tes lèvres. Mes lèvres.

Carnet Latin

vendredi 3 mars 2006

Mercredi, c’était le trente-deuxième Paris Carnet, et on s’était donné rendez-vous au Bombardier, place du Panthéon. Il faut bien reconnaître, a posteriori, que ce n’était pas l’idée la plus lumineuse du siècle. L’endroit était bondé, à ras bord de footophiles venus voir le match de la soirée. La télévision monopolisait les yeux et les esprits, tandis que les haut-parleurs hurlaient à vous fendre la tête le commentaire de la rencontre. Je suis d’ailleurs passé à deux doigts de vandaliser l’installation de sonorisation, juste pour le salut de mes tympans endoloris.

Déconfits mais pas abattus, nous avons donc migré place de la Contrescarpe (sauf Artefact, appelée ailleurs par une dégustation de bières choisies, et quelques autres qui ont tôt rendu les armes) et atterri au Café Delmas.

Je ne parlerai pas du service détestable. Du chef de rang hautain qui a houspillé la douce Mitternacht alors qu’on était en train de deviser tranquillement, je ne dirai mot. Je tairai la terrasse glaciale et le serveur qui me présente la note avant le plat. Je passerai sous silence les toilettes sans lavabo pour se laver les mains. J’éviterai même d’évoquer l’attentat au chocolat chaud perpétré contre le vêtement de l’un des convives, car je n’en ai pas été témoin direct.

De toute cela donc, il ne sera pas question ici. Ce qui compte, c’est Alecska qui s’est fait prendre son pied par un inconnu, votre serviteur qui s’est fait prendre par Tatou (en photo) (d’ailleurs, Tatou, elles sont où, les photos ?). C’est la foule papillonnante et les conversations, les bises et les regards croisés. C’est Traou qui m’interpelle et ne sait pas plus que moi où ni comment on s’est déjà croisés. C’est un, deux, trois fous-rires avec Mel’O’Dye. C’est squatter impromptu l’accoudoir du fauteuil de Mitt’ ou celui de Veuve Tarquine. Quand les lumières de la gargotte se sont rallumées pour nous signifier sans ambiguïté que notre clientèle n’était vraiment plus la bienvenue, c’est enfin rentrer à la maison, fourbu mais heureux, avec la conviction que ce sont les gens, et vraiment pas le lieu, qui font une soirée réussie.