Archive pour avril 2005

En bonne voix

jeudi 28 avril 2005

Je ne passe pas ma vie derrière un clavier. D’aucuns ont prétendu, par le passé, que j’étais un geek, mais ce ne sont rien que des mensonges pas vrais. Des fois, je sors le soir, et alors je rencontre des gens dans la Vraie Vie ! Par exemple, je chante[1] dans deux chorales, et nous aurons le plaisir d’être en concerts le mois prochain.

Ainsi, All that jazz se produira le mercredi mardi 17 mai à 20:00 au Swan’s bar[2], avec un programme jazz vocal, évidemment : Gerswhin, Ellington, Armstrong…

Dans des registres variés, j’oserais même parler d’un menu éclectique, la chorale AIME (Association International Musique Ensemble) sera pour sa part en concert à l’Église réformée des Batignolles[3] le vendredi 20 mai à 20:30. Nous présenterons un mouvement du Requiem de Brahms, des spirituals, des extraits de la comédie musicale South Pacific, un medley des Beatles, ainsi qu’une pièce originale de Paul Leavitt. (PAF 14 € / 10 €).

(ajouté le 10 mai) Paul donnera également un récital de piano au profit de l’AIME le samedi 21 mai à 20:00 à l’Église écossaise (The Scots Kirk) de Paris[4]. Il inteprètera son Moon song ainsi que Bach, Beethoven, Brahms et Chopin. (Libre participation).

South Pacific sera également présentée par le club Théâtre anglais de Télécom Paris les mardi 7, mercredi 8 et jeudi 9 juin à 20:00 à Télécom Paris[5]. (Entrée libre).

Si avec tout ça on prétend encore que je suis asocial, c’est à désespérer…

Notes

[1] ténor

[2] 165, bd du Montparnasse – Paris VIe – RER Port-Royal

[3] 44, bd des Batignolles – Paris XVIIe – métro Rome

[4] 17, rue Bayard – Paris VIIIe – métro Franklin-Roosevelt

[5] 53 49, rue Vergniaud – Paris XIIIe – métro Corvisart ou Glacière, RER Cité universitaire

Le cuistre

lundi 25 avril 2005

Avenue de l’Opéra, samedi soir de printemps. Un petit creux après le ciné, on est allés voir Garden State. Nous sommes installés en terrasse à l’Indiana. On pouffe comme des collégiens entre deux bisous et une gorgée de frozen margarita.

À la table voisine, il est là, ou plutôt il trône. La trentaine hautaine, le vilain brushing, créneau à la Tanguy, la gueule d’enfant sage, il pourrait vouloir dominer l’avenue d’un regard circulaire. Mirador de terrasse, il scrute le va-et-vient dans la lumière du soir, pas encore la pleine Lune, les genoux absurdement écartés dans une posture qui semble signifier : « admirez-moi ce matos ». Il vide, solitaire, des litres de bière blonde.

Passe alors une serveuse, frêle blonde pressée, et dans le feu de l’action, gling gling, sa monnaie lui échappe, se sème sur la terrasse. Roulement de tambour, le type va parler. Mieux, nous offrir un trait d’esprit. « Hé, ça ne pousse pas, ces choses-là. » Ran, plan, plan, fermez le ban.

Hin hin[1]. C’est tellement bon d’enfoncer le petit peuple. Elle, elle est déjà ennuyée de devoir ramasser au milieu des clients les quelques centimes d’euros qui se sont fait la malle. Il pourrait l’aider, serviable, ce serait élégant. À défaut, il pourrait juste avoir la délicatesse de ne pas ajouter l’insulte à la blessure.

Non, il ne fait que cracher le venin de sa bêtise. Si ça se trouve, être méchant, c’est un mode d’être chez lui. C’est peut-être le seul moyen qu’il a de parler aux gens.

Si ça se trouve, il s’appelle Hilarion.

Notes

[1] Rire jaune.

Contre l’attribution du nom de « Jean-Paul II » à un site parisien

mardi 19 avril 2005

Lettre ouverte à Monsieur Bertrand Delanoë, maire de Paris.

Monsieur le Maire,

J’apprends par les nouvelles[1] que, sur votre proposition, le Conseil de Paris a adopté le « principe d’un hommage à Jean-Paul II[2] par l’attribution de son nom à un site de la capitale française ».

Permettez-moi de vous faire part de mes plus vives réserves quant à cette attribution. Je ne conteste pas l’influence de la personnalité de Jean-Paul II dans le monde contemporain. À ce titre, et en tant que Jean-Paul II était le chef d’état en exercice d’une nation proche de la France, je comprends les hommages qui lui ont été rendus par la Nation, même si mes opinions personnelles sont autres que celles qu’il prêchait.

En revanche, il me paraît qu’inscrire cette personnalité de manière permanente dans la substance même de notre ville, en donnant son nom à un site parisien, n’est pas judicieux. Cette opération ne répond pas aux exigences d’une tradition républicaine constante. Elle n’intervient pas non plus en témoignage d’un lien particulier entre la Ville, ses valeurs d’ouverture et de tolérance, et la personne du pape défunt. Elle va, en revanche, à l’encontre de la sensibilité d’un grand nombre de parisiens, catholiques ou non, qui ont une opinion critique de l’action et la pensée de Jean-Paul II. Ce serait méconnaître et heurter profondément cette sensibilité que d’inscrire, non pas au titre d’un hommage ponctuel témoignant d’un événement grave, mais par une commémoration dans la substance des murs de la Cité, le nom de Jean-Paul II.

Aussi, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir reconsidérer l’opération en question,

Et vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de ma respectueuse considération.

Modification le 2 mai 2005 : corrigé le lien vers le document « Amendements et vœux présentés au conseil de Paris en formation de conseil municipal, avril 2005 »

Notes

[1] via Cossaw

[2] page 143

Photons corrélés

samedi 16 avril 2005

Il y a quelques jours je voulais dîner aux chandelles, et j’ai sorti du tiroir une de ces petites bougies du Monoprix, comme des bougies chauffe-plat, mais dans un petit godet en verre, avec de la gelée à la place de la cire et de petites étoiles dedans. Une boîte de six, il en restait quatre, alors j’en ai pris une, parce que je les trouvais jolies.

En la sortant, je me suis dit que ce n’était qu’une bougie. Qu’elle n’était jamais sortie de sa boîte, n’avait jamais voyagé, n’avait jamais éclairé un visage… Juste un objet qui venait du magasin et qui arrivait sur la table basse en face du canapé un soir de printemps, après tant de mois de sommeil banal dans un tiroir oublié.

Dans la pénombre du salon, j’ai frotté l’allumette, enflammé la mèche, et une faible lumière venue de par le temps a vacillé sur le plateau de verre. Là, par surprise, j’ai revu un instant perdu de ce halo jaune et fragile. Mes mains avaient creusé le sable de ce désert pour la protéger du vent. Assis sur le sol froid, au milieu de nulle part, je réchauffais ma solitude à la petite lueur, mon fil d’Ariane pour ce soir-là.

Je t’avais confié sa jumelle, elle brûlait aussi près de toi. Témoins l’une de l’autre, deux chaleurs solitaires seules et si loin tremblaient. Je lisais Kundera sous le ciel noir d’étoiles, je noircissais feuillet après feuillet, caressé par la lumière fragile. Malgré le vent, elle m’avait accompagné jusqu’à ce que le sommeil réclame mon corps épuisé.

Et comme dans ce lointain hiver, alors qu’elle avait brillé au milieu du désert, la faible lumière a lézardé la carapace de mon âme. Une larme a perlé dans la fêlure, et encore une fois dessiné sur ma joue une trainée brillante.

Les bulles de temps font parfois cela quand elles remontent à la surface.

Seul pleureur

lundi 11 avril 2005

J’ai oublié ce jour où j’ai pris le métro. Comme souvent, le trafic reprenait normalement sur la ligne 6. La rame a quitté Corvisart, ce devait être la fin d’une journée de printemps. Absorbé par mon trajet, je n’ai pas prêté attention à un je-ne-sais quoi d’inhabituel sur le viaduc qui surplombe le boulevard Blanqui.

Le lendemain, je suis monté à Glacière. J’arrivais sur le quai, direction Étoile, et la lumière du soleil coulait sur le ballast. Entre les rails, à l’entrée de la station pour les trains venant de l’Ouest, une étendue de poudre blanche était jonchée de bouquets de fleurs. J’ai levé les yeux.

Un homme était assis sur le quai opposé. Il n’est pas monté dans le train qui s’est arrêté devant lui. Le train est reparti. L’homme pleurait.

Paris Carnet à la Passerelle

vendredi 8 avril 2005

Au décours du dernier Paris Carnet, j’avais promis à plein de gens que je reviendrais. Je me l’étais promis à moi aussi, d’ailleurs, parce que c’était bien sympa. Hier au soir, alors que les onze coups de sept heures et demie sonnaient au beffroi de Saint-Germain-l’Auxerrois, j’ai donc débarqué à la Passerelle. Il y avait là, déjà attablés, Cossaw, Mouche « TV star », Tilly, et puis encore Neuro, qui m’a expliqué un peu l’étymologie improbable de son nom de domaine à coucher dehors. Plancton était là, je crois, pour la première fois ; j’espère ne pas l’avoir (trop) effrayée avec mes blagues à deux balles (mais elle avait l’air de tenir le coup !). J’ai eu le plaisir également de faire la connaissance de Batims, un jeune homme charmant à tous points de vue.

Au fur et à mesure de la soirée (relation faite ici sans ordre particulier autre que celui dans lequel je me remémore autant que me le permet ce qui me tient lieu de cervelle) :

  • j’ai pu papoter avec Maître Eolas, qui a eu la gentillesse de m’éclairer sur un point de droit canon qui me turlupinait depuis quelques jours ;
  • j’ai fait mon cabotin avec un beau chapô pour la photo des Fûûmants roses, sympathiques quoique parfois fort sonores ;
  • écouté Bap et Lunar[1] causer prêt-à-porter ;
  • échoué à donner à La Morue l’adresse de ce carnet, faute d’avoir eu un stylo sous la main ;
  • je suis convenu avec frsic que les Palms, c’était mieux avant.

Et puis j’ai longuement discuté avec Cossaw de son travail pour le CGL. En première ligne, il reçoit, il accueille, il écoute, pour pouvoir les orienter, les gens qui viennent au CGL avec leur histoire, leur situation, souvent leur détresse et leur questionnement. Pas tous les jours faciles, mais il a du courage.

J’espère avoir le temps une prochaine fois de causer plus amplement avec toutes celles et tous ceux que je n’ai qu’aperçus plus ou moins rapidement (Veuve Tarquine, Kozlika…), ceux que j’ai vus de loin mais que je n’ai pas eu l’occasion de saluer (à mon grand regret : Juliet, Nacara, Daniel), voire pas vus du tout (Lewis, tu étais là ? et Matoo, qui forcément ne devait pas trop pouvoir bouger avec sa gambette Robocop, mais qui nous a bien manqué).

Notes

[1] beaucoup plus mignon que sur la photo, et qui porte à merveille la jupe longue.

84 Charing Cross Road

vendredi 1 avril 2005

Ils partagent, à travers l’après-guerre et les sixties, un amour immodéré des livres et des mots. Elle écrit (un peu), elle lit (beaucoup, passionément), parfois elle pousse un coup de gueule parce que l’édition qu’il lui a envoyée est par trop expurgée. D’autres fois, en extase devant une édition originale, émue par un ex libris manuscrit d’un inconnu co-lecteur, elle lui témoigne une gratitude infinie.

Elle, c’est Helen Hanff, juive new-yorkaise, écrivain. Lui, c’est Frank Doel, de Marks & Co, antiquarian booksellers, 84 Charing Cross Road, London WC2. Leur correspondance, c’est vingt années de lettres pour l’amour des mots et des pages soyeuses des vieux bouquins aimés.

Elle a été adaptée au théâtre ; c’est un spectacle touchant et intime, qui m’a beaucoup ému. Jusqu’à dimanche au Sudden Theatre.