Archive pour avril 2006

Un lundi au soleil, fragment 5 — Sortie de route

jeudi 27 avril 2006

J’étais sur l’île pour six jours. Avant, ç’avait été Roissy, l’embarquement rocambolesque (va donc avitailler donc dix-sept personnes en frites et hamburgers en pleine aérogare cinq minutes avant l’heure limite d’enregistrement), après ce serait l’avion encore, le soleil de nouveau timide et la fraîcheur des printemps d’ici.

C’était juste un passage, un détachement seulement temporaire de ma vie habituelle, et rien ne m’avait laissé présager les rencontres que je ferais là-bas. Celles et ceux-là avaient quitté les climats tempérés des cieux de leur naissance, pour un mois, pour un an, certains pour plus encore. Devenus GO, instructeurices de plongée, ils avaient décidé de quitter un métier, une ville, un pays, des amis. Certains doutaient de jamais pouvoir se faire à l’idée de rentrer un jour.

Aurais-je eu leur courage, leur détermination ? Est-ce que ça pourrait m’arriver, de « tout plaquer », changer radicalement de direction et repartir… ailleurs, autrement ? Qu’y a-t-il dans ma vie d’ici qui me soit fondamentalement indispensable ? Paris ? Quelques ami-e-s infiniment précieux, et un endroit où faire nicher ma solitude chérie ?

À des milliers de kilomètres, en plein océan indien, j’ai été saisi par le vertige du chemin que j’avais parcouru. Le ruban tout tracé continuait devant moi, à perte de vue. Et jamais je n’avais pensé à couper à travers champs.

Un lundi au soleil, fragment 4 — Viens nous voir à Kanifinolhu

mardi 25 avril 2006

Dès notre arrivée sur l’île, on est baigné dans l’atmosphère Club Med. Ici, une règle d’or est respectée partout, tout le temps. Tu croises un GO (gentil-le organisateurice, le personnel du Club), il te sourit, te dit bonjour, et pour peu que tu ne sois pas en train de courir vers le bar, en retard pour le rendez-vous de l’apéro, te fera même un brin de conversation.

C’est le concept, le service formaté qui t’est vendu ici. Du sourire, de la convivialité, tout le monde se tutoie, c’est fête au village. « Tu as fait quoi toi aujourd’hui ? Oh, moi, balade sur la plage, sieste, beach volley, plongée, biffer la mention inutile… » Bien sûr certains, dès l’abord, épinglent la superficialité, l’artifice de la relation lisse avec ces « copains en service commandé » qui, même au bar pendant la soirée, sont toujours au boulot, là pour toi, toujours frappés de leur badge aux armes du Club.

Ce serait presque une évidence de trouver le procédé hypocrite et trompeur. Pourtant il y a là une expérience, peut-être plus intéressante qu’il n’y paraît, de psychologie sociale. Si c’était cela, justement, l’idée ? Faire naître chez l’humain une sorte de bien-être en le baignant simplement dans un microcosme où tout le monde lui sourit. Par simple mimétisme, par instinct animal, il se sentira mieux, il sourira lui-même. C’est contagieux. Et j’en ai profité sans honte aucune. Joué le jeu, parce que c’était bon. Et je suis rentré en emportant au fond de mon sac un peu de ce soleil et de tous ces sourires-là.

Un lundi au soleil, fragment 3 — Histoires parallèles

dimanche 23 avril 2006

Nous avons voyagé en groupe. Trente-neuf au total, collègues, époux-ses, enfants petits et grands. Chacun, sur l’île, tisse sa propre histoire, qui contient en elle-même une image de toutes les autres : je m’imagine leur vie, ils s’imaginent la mienne.

Et ainsi les temps filent, et nos histoires aussi. Chacun de son côté, on fait sa bulle, on fait sa vie. Il y en a, on ne les croise que le soir au dîner ; et si l’île ne fait que huit cents mètres sur deux cent cinquante, c’est déjà assez grand pour laisser une grande part de mystère sur ce que font les autres. Trente-neuf histoires parallèles se déroulent sans jamais se rejoindre.

Pourtant, parfois, les fils se croisent. Au clair de lune, bien avant les petites heures de l’aube, le bord de la piscine bruisse de confidences. Les bulles s’entr’ouvrent, les fils se croisent. Pour un court instant, Lachésis s’emmêle, les destinées se nouent par les secrets confiés.

Et puis tout le monde passe à l’eau.

Un lundi au soleil, fragment 2 — Ça plane pour moi

vendredi 21 avril 2006

Petit, j’avais appris, comme tous les enfants d’homme, à marcher debout, en avant, en arrière, parfois sur le côté aussi. Mes horizons s’appelaient Nord, Sud, Est et Ouest, et la terre sous mes pieds me rappelait que c’étaient là les quatre seules directions par où mes pas iraient.

Mais cette semaine, j’ai accroché à mon dos un réservoir d’alu, chaussé des nageoires de plastique, et fait « un pas de géant ». Le sol s’est dérobé et l’eau m’a enveloppé, tiède. Partout présente.

Le gilet stabilisateur se dégonfle, je ne flotte plus, je glisse doucement vers le bas. Une troisième dimension d’espace vient de s’ouvrir : je peux enfin voler ! Oiseau, ou peut-être poisson, je découvre petit à petit comment monter, descendre, me poser en douceur sur le fond sablonneux. J’apprends à jouer avec mes poumons, pour flotter un peu plus, un peu moins. Je découvre aussi que je peux monter ou descendre d’un simple coup de palmes. Dans ce monde, je suis un nouveau-né : je fais connaissance avec une nouvelle façon d’être-là et de me déplacer.

J’avais oublié le temps. Maintenant, je redécouvre l’espace. Sous l’œil circonspect d’un requin à pointe blanche, d’une murène tachetée, j’apprends la liberté.

Un lundi au soleil, fragment 1 — L’envol du temps

mercredi 19 avril 2006

La journée n’avait pas été de tout repos. Le matin tôt, j’avais fermé la maison pour la semaine, et j’avais embarqué pour le bureau chargé comme un baudet, avec armes et bagages, et aussi cette pointe d’angoisse qui accompagne chaque départ pour une contrée lointaine. Une journée de travail remplie au maximum pour libérer ma tête des affaires en souffrance avaient finalement gommé la peur sournoise qui me nouait les tripes, et la fatigue l’avait même transmuée en une ivresse joyeuse et inoxydable. Tous ensembles nous partions pour un coin de paradis sur Terre.

À près de neuf mille kilomètres de là, nous descendons de l’avion. Sorti sur le tarmac en tenue parisienne, je marche quelque pas dans la moiteur brûlante avant de m’arrêter là, tant il est impérieux, par simple réflexe de survie, de quitter sur-le-champ pull et blouson. Le hall est heureusement climatisé. Nous confions nos bagages aux GO venus nous accueillir, et nous nous posons là, à la terrasse du bar, terrassés de chaleur.

Épuisé par la dette de sommeil des jours précédents conjuguée aux heures de sommeil tordu sur un siège de charter, hébété de lumière et de canicule, je ne sais déjà plus très bien quel jour on est. Je ne sais pas très bien non plus quelle heure il est, et à ce moment-là en vérité cela n’a pas vraiment d’importance. Je ne pense même pas à régler ma montre sur le fuseau horaire local. Tout cela me devient étrange, étranger, je sens confusément que j’ai perdu de vue ce que pouvaient signifier ces aiguilles qui se courent après sur mon poignet.

Pour un moment fugace, le temps se défile, sa trame se relâche, et je glisse entre les mailles.

Un lundi au soleil

mardi 18 avril 2006

Silence radio complet la semaine passée… car j’étais à neuf mille kilomètres de la maison, et hors d’atteinte de toute espèce d’accès Internet. J’ai ressorti les cahiers et les crayons, noté ce qui me passait par la tête, et surtout profité du soleil, du sable blanc et de l’eau turquoise du lagon. Dès demain, le soleil des Maldives s’invitera ici pour quelques pages du carnet de voyage.

Hors limites

lundi 10 avril 2006

Jamais avec les ex. Tu m’avais dit il y a longtemps qu’on renonçait au sexe quand l’histoire était finie. Les anciennes amours et les amantes de passage une fois perdues de vue, c’était zone interdite. J’ai fait mienne cette règle, fièrement intègre, droit dans mes bottes, jusqu’au jour où.
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