Archive pour janvier 2009

Médecin de nuit

dimanche 25 janvier 2009

Elle s’est tailladé la peau. Abattu et choqué, c’est lui qui m’a appelé. Il n’avait pas la force de faire ce qu’il y avait à faire.

J’ai appelé le 15. Il fallait quelqu’un, vite. Au moins pour nous rassurer. Puis ç’a été le standard des médecins de garde. On a peur qu’elle réitère. Elle voulait bien le voir, alors ils ont envoyé le médecin de nuit.

Je l’ai accueilli en bas. C’était plus simple que d’expliquer par l’interphone le dédale d’escaliers et de couloirs. Il trimballait son énorme sacoche brune. Une vraie sacoche de toubib, parée sans doute à soulager mille maux. Il est entré et il a demandé comme ça, bon, qui est-ce qui a fait des bêtises ? Il ne s’encombrait pas de formes. On s’est éclipsés tandis qu’il commençait à examiner les plaies. L’entrée en matière ne nous avait qu’à moitié convaincus. Il savait sans doute gérer le mieux une gastro foudroyante ou un bébé qui tousse, mais le mal du dedans de la tête, de sa tête à elle ?

On a attendu en bas sur le trottoir.

On a continué d’attendre. On s’est dit que c’était bon signe, finalement. Que ça devait parler, là-haut.

Une demi-heure plus tard, il est sorti de l’immeuble. Il est plus de minuit. Debriefing sur le trottoir. Il n’a pas peur pour elle. Elle n’a pas retenu les mots, il a écouté, saisi. Les lunettes demi-lune sur le bout du nez, il nous brosse le portrait qu’il s’est fait d’elle, pointe les lézardes qu’on connaît si bien et les bouées auxquelles la raccrocher. Il nous sourit. Je crois qu’il trouve ça bien, qu’on ait été là auprès d’elle.

Et puis il nous parle de ses enfants à lui, ils sont grands, ils sont partis de la maison… Ils doivent avoir à peu près notre âge. Ou nous le leur. Il prend ces cinq minutes de plus, en marge, au creux de la nuit qui commence, pour prendre soin de nous, aussi, un peu. Il est sans doute loin d’être couché. Mais je sens qu’il est profondément dans son élément. Au cœur des heures sombres, il veillera.

Il s’éloigne. Se retourne. Allez, bonne nuit, les garçons.

Évaporée un jour d’hiver

dimanche 18 janvier 2009

Il y avait la lumière, dehors, depuis ce matin. Pas tout le temps, mais par moment, et plongé dans mon bouquin, je me disais qu’il faudrait en profiter. J’ai fini par me décider à sortir prendre l’air. Il faisait encore clair. Presque prêt à sortir quand le message d’A. est apparu. Elle proposait un café. Ou quelques pas, quelque part. Les deux n’étaient pas incompatibles. On se retrouverait à la sortie du métro Couronnes dans vingt-cinq minutes, et puis on aviserait.

Je suis arrivé avec deux minutes d’avances, avec la satisfaction intérieure d’un timing impeccablement respecté. A. n’était pas là. La jeune fille blonde semblait elle aussi attendre quelqu’un qui n’arrivait pas. Qui n’en finissait pas de ne pas arriver. J’ai envoyé un message. Puis un autre. Le soleil déclinait insensiblement. J’ai fini par partir.

Seul, j’ai remonté les escaliers du parc de Belleville. Respiré à grandes goulées la ville déployée à mes pieds. Pris quelques photos du coucher de soleil délavé. Sans nouvelles. Seul, j’ai trouvé une table tranquille d’un bistrot de quartier. Ai sorti mon bouquin devant le double expresso brûlant. J’ai lu un long moment, le suspense m’interdisait de reposer le livre.

Je suis rentré. Toujours aucune trace d’A.