Archive pour février 2005

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lundi 28 février 2005

Un ticket de bus
Un billet de train
La carte de visite d’un resto branché
La carte de visite de moi
Une photo de Nancy
Un papier important (retrouvé quelques mois plus tard, tranquillement endormi sur un rayon de bibliothèque)
Une feuille de PQ
Un barf bag Air France
Un signet publicitaire
Une enveloppe usagée (usage en compétition : liste des courses)
La carte de fidélité d’un CDAG

Ou juste corner la page (mais je n’aime pas meurtrir les livres).

Une première fois

vendredi 25 février 2005

C’était un soir de septembre, il y a un peu plus de huit ans. Je sortais de prépa, je venais d’obtenir l’école dont je rêvais depuis tout môme. Lui, il était plus âgé. C’est un copain que j’avais rencontré grâce à nos centres d’intérêt communs d’alors : l’informatique libre, les bouffes et les glous entre potes. Ce soir-là, justement, je revenais d’un miam impromptu. J’habitais encore en banlieue, j’avais dû probablement rentrer par le dernier métro.

Il était à peu près la même heure que maintenant quand son message est arrivé : « Encore debout ? 🙂 » C’était avant l’époque où j’ai découvert IRC. Alors, c’est par mail que la discussion s’est poursuivie. Nous évoquions gaiement les derniers outrages qu’il faisait régulièrement subir à ses machines. Il a alors protesté de la grande douceur dont il savait faire preuve. Et m’en a proposé une démonstration.

Je ne suis pas sûr d’avoir de prime abord compris ce qu’il voulait dire. Puis je me suis demandé s’il me vannait. Mais il m’a répondu avec sincérité, avec justement toute cette douceur qu’il ne montrait pas souvent, que oui, je lui plaisais, que si cela me posait problème je n’avais qu’à le dire et qu’il n’insisterait pas. Je n’ai su que répondre. Mal à l’aise de l’avoir pris à la rigolade, dans un premier temps, j’ai essayé de rattraper la situation du mieux que je pouvais. On est restés copains.

Ce soir, par hasard (ou presque), je retombe sur ces mails que je croyais perdus. Je suis ému. À huit ans de distance, je m’en veux de ma réaction. J’étais jeune, naïf, pas préparé — j’espère du moins pouvoir me prévaloir de ces circonstances atténuantes. Je n’étais pas intéressé. Mais j’aurais aimé mieux me comporter vis-à-vis du premier mec qui m’a fait une déclaration.

La turbulence des fluides

mardi 22 février 2005

C’est un film québécois de Manon Briand, sorti en 2002, dans un genre de fantastique qui me rappelle un peu Simple mortel (onze ans plus tôt). Je suis tombé dessus par un vrai hasard, et le hasard fait parfois bien les choses.

L’histoire s’ouvre sur la science défiée, la science qui s’interroge, qui observe, analyse, la science poussée dans ses retranchements par une Nature facétieuse qui la met à l’épreuve. La marée s’est arrêtée, Alice se bat pour l’expliquer. Est-ce l’annonce d’un tremblement de terre ? ou seulement l’ancre d’un souvenir qui a amarré l’eau dans une bulle de temps ?

Un film de femme, de femmes, d’attraction, de mort aussi, mais aussi de désir. Alice est perdue, paumée, attirée par hasard par celle qui l’a toujours aimée dans un passé qu’elle croyait avoir laissé derrière elle. Colette veille, énigmatique, sur les nuits de Camille, petite fille perdue qui cherche, dans son sommeil…

Quelles sont les trois éléments fondamentaux de la Vie ?
« Désir, Désordre, Danger ».

Petit tracas quotidien du caféinomane

dimanche 20 février 2005

Ce week-end, c’était décidé depuis longtemps, je devais ne rien faire. Cocooner, manger, dormir, geeker un peu en robe de chambre (juste un tout petit peu…) Il fallait bien cela pour me remettre des courtes nuits et du rythme effréné imposés par les vacances, le retour au boulot et la virée à Dublin. Or donc, fidèle aux techniques éprouvées d’auto-motivation, je décidai de récompenser d’un expresso de bon aloi l’idée brillante que j’avais eue de cliquer sur le truc, là, parce que du coup ça marchait beaucoup mieux.

Et c’est là que le drame se noua. Les fabriquants de café moulu sont vraiment des pervers. Ils s’arrangent toujours pour que, lorsqu’on arrive à la fin du paquet, il ne reste plus tout-à-fait assez de mouture pour une dose convenable. Je me retrouvai donc face au paquet agonisant et au dilemme cruel : « jeter les quelques grammes de café qui restent, ou bien tenter le mélange avec le paquet neuf qui trône juste là, mais qui n’est pas du tout de la même marque ? » J’enrageai intérieurement contre ces fourbes d’empaqueteurs qui pourraient avoir l’humanité de mettre dans chaque sachet un multiple entier de la petite cuiller doseuse.

Comme je suis un garçon intépide, je vais finalement tenter le mélange. Si c’est pas bon et que j’en meurs, ce sera leur faute.

Berceuse ferroviaire

jeudi 17 février 2005

Je dors bien dans les trains. La tête posée contre la vitre, j’écoute la caresse des essieux bien huilés qui souffle doucement, le tac-tac des joints de rail qui bat, lancinant, et mes yeux se ferment tout seuls. C’est même tellement naturel que, la fatigue (et une soirée un peu trop arrosée ? ahem…) aidant, j’oublie parfois de me réveiller pour descendre.

Alors, j’ouvre les yeux. Mitry-Claye. Le train ne bouge plus, les voyageurs sont descendus, rentrés, couchés. Un peu vaseux, j’ai oublié un bout du trajet, je ne me souviens plus comment je suis arrivé à prendre le RER. Rien sauf peut-être un flash-back hors contexte, la rencontre avec le métal glacé d’une poubelle publique. Je descends.

Devant la gare sans vie, l’horloge affiche presque deux heures du matin. Pas une ombre qui bouge, tout est vide, tout est glacé. Pour échapper au froid, la seule solution consiste à remonter dans le train fantôme, endormi à quai. On n’entend plus que la respiration du gros serpent d’acier, le souffle tiède de la climatisation. Je me cale au fond de la banquette, je me rendors quelques heures, baigné de la clarté bleuâtre des néons fluos.

Cinq heures. Paris s’éveille, une femme vient s’asseoir en face de moi. Elle aussi a dormi dans le train. Le signal sonore retentit. Dans la banlieue encore noire, on file vers Gare du Nord.

On y sera dans une demi-heure. C’était juste un petit détour.

Le début du jour

mardi 15 février 2005

– Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entre-tuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?
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La nature a horreur du vide

vendredi 11 février 2005

Hier soir, après le ciné, on est allés manger des sushis. Pendant que je me délectais d’un bout de saumon frais sur son canapé de riz gluant, elle m’a dit qu’elle avait enfin évincé son ex de ses pensées. Pourquoi cette maïeutique avait-elle été si pénible et si longue ? L’attachement lui paraissait irrationnel aujourd’hui, puisque cela ne faisait que la rendre malheureuse. Pourquoi le quitter pour de vrai, pour de bon, avait-il été si difficile ?

Recouvrer sa liberté, c’est se retrouver seul devant sa glace le matin. Et le soir, aussi. Ça laisse un grand vide dans la vie, et le vide fait peur. Il fait peur parce qu’il attire, parce qu’il avale, il engloutit. Sortir d’une relation-prison, c’est faire le grand saut dans l’abîme de la liberté, et sans parachute. Cela peut faire peur, je le conçois, je le crois en tous cas. Quand de l’amour il ne reste plus que des souvenirs, qu’une souffrance dans la présence de l’autre, cette présence est encore quelque chose. Mettre fin à la souffrance, cela ne se fait qu’au prix du dernier sacrifice, de l’abandon, du deuil de cette présence. C’est peut-être là ce qui fait toute la difficulté d’une vraie séparation, toute indispensable qu’elle apparaisse.

Pour cesser de souffrir, il faut trancher dans le vif, briser ces chaînes qui sont autant des entraves qu’une ligne de vie, et prendre la responsabilité de plonger sans savoir s’il y a un filet en-dessous. (En général il n’y en a pas, de toute façon.) L’instant d’avant le saut, c’est celui du nœud dans l’estomac, celui où rien n’existe que le vertige. Et là, on hésite toujours, comme quand on est assis au bord de la porte ouverte d’un avion en vol.

Mieux vaut être seul que mal accompagné… ou pas.