Quiche power

23 avril 2008

Nous avons survécu. Quatre quiches en week-end à Amsterdam. J’ai commencé très fort en perdant ma sacoche (incluant portefeuille, papiers d’identité, carte bleue…) dans le Thalys. Ç’a été un grand moment d’émotion et de solitude mêlées quand je me suis aperçu, dans le tram, que je ne l’avais plus avec moi. On a repris la direction de la gare, histoire de passer le plus tôt possible au bureau des objets trouvés. Ça tombait bien, d’ailleurs, vu qu’on s’était trompé d’hôtel (il y a pas moins de cinq Hotel Rembrandt à Amsterdam) et que le bon se trouvait à l’opposé de là où on était, par rapport à la gare.

Nos sacs enfin déposés dans la chambre, on s’est mis en quête de la maison d’Anne Frank, et devant la file d’attente on a finalement opté pour une pizza (calzone quatre fromages, spécialité locale de la Rembrandtsplein qu’on n’a retrouvée nulle part ailleurs) et un coffeeshop. En rentrant on chantait à tue-tête du Balavoine au bord du canal. On n’avait même pas froid, pourtant l’une d’entre nous avait oublié son pull au coffeeshop.

Levés tard dimanche, on s’est remis en route vers la maison d’Anne Frank après un petit café, en espérant que l’heure de midi serait moins fréquentée. Hélas, la file était encore plus longue que la veille, et nos pas se sont portés vers les clairs-obscurs du Rijksmuseum, après un détour par un hamburger en terrasse. Notre premier déjeûner dehors de la saison ! Ensuite, on est rentrés à l’hôtel, après une petite pause au coffeshop (avec récupération de pull). On a fait un tarot en se disant qu’on irait à la maison d’Anne Frank plus tard dans la soirée, puisque c’était ouvert jusqu’à vingt-deux heures. Finalement, on est allés voir les dames dans les vitrines du quartier rouge. M. a pris peur parce qu’elle pensait qu’on était suivis par des types patibulaires. On a filé manger un morceau. Après, il était tard, on est rentrés, et on a ouvert grand la fenêtre de la chambre pour ne pas déclencher le détecteur de fumée.

En fin de compte, on n’a pas vu la maison d’Anne Frank, j’ai récupéré presque tout le contenu de ma sacoche, et on s’est vraiment bien amusés.

Mad at you?

30 mars 2008

Are you mad at me? Elle m’a demandé ça avec un sourire au milieu de la foule sur le dance-floor noyé de gros son et de bière trop chère. Mad at you? Why so?

Avec l’Homme des Bois, on les avait retrouvées à dix-sept heures à Luxembourg, toutes les quatre, qui avaient déjà battu le pavé parisien toute la journée. On leur avait donné le dress-code de la soirée : casual sexy. Ça, en tous cas, c’était ma version. En italien, elles avaient traduit ça en medio abbagasciato con stile. Ça veut dire « moyen pute mais avec de la classe » — je n’y suis pour rien, c’est le terme consacré. (Sois prudent tout de même si tu réutilises la locution, des fois ça passe mais ça peut aussi ne pas passer. Tu es prévenu.) Elles ne s’étaient pas foutues de nous.

Je leur ai fait voir les bonnes adresses du quartier. Un chocolat chez Chocolat, quelques bières au Pantalon, et puis on est allés tous ensemble, avec les amis d’amis d’amis qui nous avaient rejoints, manger au Maharadjah. Elle à côté de moi et moi tout près, près comme mes doigts frôlent un peu tout le temps sa peau, là, tu vois ?

Alors plus tard naturellement sur le chemin de la Flèche d’or il faisait froid, elle avait froid et mon bras l’enveloppait pour la réchauffer un peu. Plus tard encore déchaînée sur le dance floor elle avait chaud et elle me donnait chaud aussi. Lascive lovée contre mon corps, mes mains, les siennes, deux souffles mêlés et la douceur de sa joue tiède que je sentais sur ma peau.

À cet instant du récit tu t’attends à mes lèvres qui cherchent ses lèvres qui cherchent ma bouche qui trouve la sienne… Mais en fait non. En fait, on s’en fout. On jouait à tourner autour du désir dans un corps à corps torride, et c’était bon. Moi, je n’étais pas sorti avec une check-list détaillée :

  • 1. talk to her
  • 2. make her laugh
  • 3. dance with her
  • 4. kiss her

J’ai pu la rassurer. I’m enjoying every bit of it, and no I’m not mad at you.

Six gouttes d’eau dans l’océan

18 mars 2008

À la demande conjointe de GroM et d’Erasoft à sa suite, six choses insignifiantes.

J’ai pleuré à chaque rupture (d’un côté comme de l’autre).

J’ai pleuré au cinéma. La scène de l’accouchement de Justine, dans MR73. Comme chaque fois. Un film, un documentaire tourné dans une maternité, effet garanti. (J’ai pleuré en musique aussi, bien souvent, en écoutant Ma chouette.)

J’ai pleuré à l’Église quand je connaissais celle qu’on allait porter en terre. J’ai pleuré aussi quand je ne la connaissais pas et que la petite fille serrait fort ma main.

J’ai pleuré dans le schuss à cause de la vitesse et du vent dans mes yeux. Alors j’ai acheté un masque.

J’ai pleuré dans une cabine téléphonique de la caserne de Blois en annonçant à µ que j’étais déclaré apte au service national.

Sidéré, hébété. Je n’ai pas pleuré ce matin de novembre d’il y a seize ans. E. en a même pris peur.

Les six premiers lecteurs de cette note prendront le relais.

Comme elles disent

28 février 2008

L’une ne veut pas croire que je suis un mauvais garçon.
L’autre m’explique que je ne sais pas écouter, pas donner signe de vie, ni donner des nouvelles. Ou en prendre. Et dépose un baiser sur mes lèvres.
L’une rit que dans le bar mon regard vagabonde sur la brune au pull rouge de la table à côté. Joue à surprendre mon regard.
L’autre note que laisser mon regard glisser sur la brune à lunettes de la table à côté, vraiment, je ne devrais pas. Essaie de me consoler de toutes les vérités dures qu’elle sait qu’elle peut me dire.
L’une dépose un baiser sur mes lèvres.
L’autre voudrait me serrer dans ses bras.
L’une file au matin.
L’autre s’en va.

Et moi je reste là. Je ne sais pas qui j’attends.

Purée de pois

27 février 2008

Veuillez me pardonner cette interruption temporaire de nos émissions. Je m’en voudrais de vous (oui, vous, là, je sais qu’il y en a qui lisent !) servir la bouillie parano-misérabiliste qui me démange le bout des doigts les soirs de grande lassitude, alors je préfère laisser mon petit carré de bitume en jachère. On verra bien quelle folie le printemps arrivera à y faire pousser.

Les montagnes russes

10 février 2008

Ça semblait avoir bien commencé. De son regard elle m’a fait exister. De ses lèvres elle m’a emporté. Elles avaient un goût de menthe fraîche. Je m’étais confié, c’est une merveille, elle, et j’en tombe amoureux. C’était bien et terrible de réapprendre l’attente anxieuse d’un signe. Se rappeler la douleur exquise de l’être qui vous manque. Elle m’a emmené plus haut et plus bas que là où d’autres depuis si longtemps…

Mais elle n’a pas laissé à l’embrasement soudain le temps de la brûler. Pas même le temps de l’effrayer. J’ai l’impression qu’on a rien à se dire m’a-t-elle dit avant de m’avoir donné le temps de parler. Ça m’a fait mal comme rarement auparavant. Je ne suis pas prête à faire des efforts, à être disponible…

– Tant pis pour moi, alors…
– Tant pis pour nous.

La diva

2 février 2008

Elle faisait l’ouverture de la soirée « Cabaret ». Mixité, métissage, le folklore lusophone, le hip-hop parisien et le conte d’Afrique noire se donnaient rendez-vous. Le rideau s’est ouvert, elle est entrée en scène.

Le regard bien caché dans l’ombre de son panama, elle chantait presque juste sur les instrumentaux enregistrés par d’autres, ces accompagnements faits pour durer plus long mais qu’on coupe avant terme en fade out absurde. On applaudissait pourtant. Au moins pour l’effort de la prestation.

Un nouveau morceau commence. Elle engage le public à frapper dans ses mains. Trop tôt, trop vite. « Allez, tout le monde, avec moi ! » La mayo prend mollement. On y va pour la forme, plus pour lui faire plaisir qu’autre chose. La salle est loin d’être déchaînée.

D’un coup sa voix s’étiole. Encore davantage. S’étrangle dans une quinte. De toux. Elle s’excuse, c’est fini. Au milieu de son tour, elle abandonne la scène et la lumière des projecteurs. Sans doute ce public-là n’était-il pas assez bien pour elle.

Au moins, le spectacle continue.