Obsédé-e-s textuel-le-s

3 mars 2005

Ça y est, j’ai plongé dans le grand bain de la blogosphère parisienne. Ce soir, c’était mon premier ParisCarnet, et j’ai rencontré tout plein de gens qui écrivent (ou imagent) (ou bruitent) compulsivement devant tout le monde. Bref, des blogueurs.

Arrivé presque à l’heure, frigorifié et avec une pointe d’appréhension tant cette première fois était un saut dans l’inconnu, c’est d’un pas résolu que j’ai franchi le seuil du Hall’s Beer Brewery. J’ai rapidement avisé une grande tablée bruyante composée de Cossaw, qui a dû capter le coup d’œil interrogateur que j’adressais à la cantonade à la recherche de mes camarades diaristes, puisqu’il y a répondu d’un haussement de sourcil qui en disait long. Il y avait là aussi Lewis Scarole, arrivé tôt aussi, avant que ne déferle le reste des troupes.

Je suis loin, bien sûr, timide comme je suis (sic) d’avoir parlé avec tout le monde. J’espère que Tilly ne m’en voudra pas trop de l’avoir assaillie d’entrée de jeu de questions de boulot, et qu’on prendra le temps la prochaine fois de parler un peu plus de musique et de chant. Pas loin, il y avait aussi les gentils garçons : Matoo, Gluon, Mr Peer et Ghalys. Ghalys dessine aussi bien que moi, mon carnet à spirale en conserve les stigmates. En parallèle, Mouche, assise sur la table, me faisait l’article sur Via Bloga, pendant que je sirotais ma (seconde) Guinness. Note pour plus tard : ne pas oublier l’idée du pense-bête. Penser aussi à extorquer de Mouche les photos de la soirée. Lolo² et FreakyDoll nous ont rejoints aussi.

J’ai migré un peu plus tard vers l’autre table, pour faire connaissance avec Veuve Tarquine, qui ne se laisse pas faire quand on la cherche, Chris, et quelques autres dont j’espère qu’ils me pardonneront de n’avoir pas mémorisé leur nom, étant arrivé à leur table alors que la conversation était depuis longtemps engagée dans son rythme de croisière. On évoquait les méandres de l’affaire Guillermito et un pot de Nutella accessoire à l’instance, facilement gagné par Veuve Tarquine au concours de pêche au troll.

J’ai aperçu aussi Kozlika, Laurent et quelques autres, avec qui j’espère causer plus longuement la prochaine fois.

Rendez-vous pris, chacun a regagné ses pénates. Fatigué mais heureux, plein de nouveaux copains, je vais rejoindre la douceur de ma couette chérie. Bonne nuit les petits.

On se croirait en nivôse

2 mars 2005

Encore un retour à la maison qui ne se passait pas comme prévu. Cette fois-ci, pas moyen d’aller dormir à Mitry-Claye. Mon RER s’était transformé en citrouille. Mais c’était un mal pour un bien.

Cette nuit, sur le boulevard Jourdan, il neigeait. Une voiture passait de temps en temps, déchirant à peine le velours épais du rideau cotonneux. Mon blouson blanchissait à mesure que les minuscules fragments de nuage glacé s’y écrasaient paresseusement.

La ville semblait vouloir me retenir dehors, me faire profiter encore un peu de la caresse aiguë de l’air hivernal. Elle voulait faire honneur au piéton esseulé. Elle a déroulé le tapis blanc.

Marque-pages

28 février 2005

Un ticket de bus
Un billet de train
La carte de visite d’un resto branché
La carte de visite de moi
Une photo de Nancy
Un papier important (retrouvé quelques mois plus tard, tranquillement endormi sur un rayon de bibliothèque)
Une feuille de PQ
Un barf bag Air France
Un signet publicitaire
Une enveloppe usagée (usage en compétition : liste des courses)
La carte de fidélité d’un CDAG

Ou juste corner la page (mais je n’aime pas meurtrir les livres).

Une première fois

25 février 2005

C’était un soir de septembre, il y a un peu plus de huit ans. Je sortais de prépa, je venais d’obtenir l’école dont je rêvais depuis tout môme. Lui, il était plus âgé. C’est un copain que j’avais rencontré grâce à nos centres d’intérêt communs d’alors : l’informatique libre, les bouffes et les glous entre potes. Ce soir-là, justement, je revenais d’un miam impromptu. J’habitais encore en banlieue, j’avais dû probablement rentrer par le dernier métro.

Il était à peu près la même heure que maintenant quand son message est arrivé : « Encore debout ? 🙂 » C’était avant l’époque où j’ai découvert IRC. Alors, c’est par mail que la discussion s’est poursuivie. Nous évoquions gaiement les derniers outrages qu’il faisait régulièrement subir à ses machines. Il a alors protesté de la grande douceur dont il savait faire preuve. Et m’en a proposé une démonstration.

Je ne suis pas sûr d’avoir de prime abord compris ce qu’il voulait dire. Puis je me suis demandé s’il me vannait. Mais il m’a répondu avec sincérité, avec justement toute cette douceur qu’il ne montrait pas souvent, que oui, je lui plaisais, que si cela me posait problème je n’avais qu’à le dire et qu’il n’insisterait pas. Je n’ai su que répondre. Mal à l’aise de l’avoir pris à la rigolade, dans un premier temps, j’ai essayé de rattraper la situation du mieux que je pouvais. On est restés copains.

Ce soir, par hasard (ou presque), je retombe sur ces mails que je croyais perdus. Je suis ému. À huit ans de distance, je m’en veux de ma réaction. J’étais jeune, naïf, pas préparé — j’espère du moins pouvoir me prévaloir de ces circonstances atténuantes. Je n’étais pas intéressé. Mais j’aurais aimé mieux me comporter vis-à-vis du premier mec qui m’a fait une déclaration.

La turbulence des fluides

22 février 2005

C’est un film québécois de Manon Briand, sorti en 2002, dans un genre de fantastique qui me rappelle un peu Simple mortel (onze ans plus tôt). Je suis tombé dessus par un vrai hasard, et le hasard fait parfois bien les choses.

L’histoire s’ouvre sur la science défiée, la science qui s’interroge, qui observe, analyse, la science poussée dans ses retranchements par une Nature facétieuse qui la met à l’épreuve. La marée s’est arrêtée, Alice se bat pour l’expliquer. Est-ce l’annonce d’un tremblement de terre ? ou seulement l’ancre d’un souvenir qui a amarré l’eau dans une bulle de temps ?

Un film de femme, de femmes, d’attraction, de mort aussi, mais aussi de désir. Alice est perdue, paumée, attirée par hasard par celle qui l’a toujours aimée dans un passé qu’elle croyait avoir laissé derrière elle. Colette veille, énigmatique, sur les nuits de Camille, petite fille perdue qui cherche, dans son sommeil…

Quelles sont les trois éléments fondamentaux de la Vie ?
« Désir, Désordre, Danger ».

Petit tracas quotidien du caféinomane

20 février 2005

Ce week-end, c’était décidé depuis longtemps, je devais ne rien faire. Cocooner, manger, dormir, geeker un peu en robe de chambre (juste un tout petit peu…) Il fallait bien cela pour me remettre des courtes nuits et du rythme effréné imposés par les vacances, le retour au boulot et la virée à Dublin. Or donc, fidèle aux techniques éprouvées d’auto-motivation, je décidai de récompenser d’un expresso de bon aloi l’idée brillante que j’avais eue de cliquer sur le truc, là, parce que du coup ça marchait beaucoup mieux.

Et c’est là que le drame se noua. Les fabriquants de café moulu sont vraiment des pervers. Ils s’arrangent toujours pour que, lorsqu’on arrive à la fin du paquet, il ne reste plus tout-à-fait assez de mouture pour une dose convenable. Je me retrouvai donc face au paquet agonisant et au dilemme cruel : « jeter les quelques grammes de café qui restent, ou bien tenter le mélange avec le paquet neuf qui trône juste là, mais qui n’est pas du tout de la même marque ? » J’enrageai intérieurement contre ces fourbes d’empaqueteurs qui pourraient avoir l’humanité de mettre dans chaque sachet un multiple entier de la petite cuiller doseuse.

Comme je suis un garçon intépide, je vais finalement tenter le mélange. Si c’est pas bon et que j’en meurs, ce sera leur faute.

Berceuse ferroviaire

17 février 2005

Je dors bien dans les trains. La tête posée contre la vitre, j’écoute la caresse des essieux bien huilés qui souffle doucement, le tac-tac des joints de rail qui bat, lancinant, et mes yeux se ferment tout seuls. C’est même tellement naturel que, la fatigue (et une soirée un peu trop arrosée ? ahem…) aidant, j’oublie parfois de me réveiller pour descendre.

Alors, j’ouvre les yeux. Mitry-Claye. Le train ne bouge plus, les voyageurs sont descendus, rentrés, couchés. Un peu vaseux, j’ai oublié un bout du trajet, je ne me souviens plus comment je suis arrivé à prendre le RER. Rien sauf peut-être un flash-back hors contexte, la rencontre avec le métal glacé d’une poubelle publique. Je descends.

Devant la gare sans vie, l’horloge affiche presque deux heures du matin. Pas une ombre qui bouge, tout est vide, tout est glacé. Pour échapper au froid, la seule solution consiste à remonter dans le train fantôme, endormi à quai. On n’entend plus que la respiration du gros serpent d’acier, le souffle tiède de la climatisation. Je me cale au fond de la banquette, je me rendors quelques heures, baigné de la clarté bleuâtre des néons fluos.

Cinq heures. Paris s’éveille, une femme vient s’asseoir en face de moi. Elle aussi a dormi dans le train. Le signal sonore retentit. Dans la banlieue encore noire, on file vers Gare du Nord.

On y sera dans une demi-heure. C’était juste un petit détour.