Physionomiste

13 octobre 2005

L’autre soir, Melie, Dorine et moi papotions, gaiement attablés à la terrasse d’un petit restaurant japonais du quartier latin. En grande conversation sur l’orgasme et les possibilités comparées de le simuler chez la femme et chez l’homme (avec une digression sur l’éjaculation [masculine] sans ou quasiment sans plaisir – peut-on la qualifier d’orgasme ?), nous sommes soudainement interpellés par l’un de nos voisins de table qui s’apprêtait à quitter l’établissement en compagnie d’une gracieuse demoiselle.

– Excuse-moi… Je crois qu’on se connaît… Hi hi, il a supris notre conversation… Hmmm, mais si j’avais fait des choses avec un beau garçon comme ça, je m’en souviendrais, quand même… Tu es bien Thomas ?
– Euh, oui… Bon, ça m’arrive souvent que des gens que je ne reconnais absolument pas se souviennent parfaitement, eux, de ma bobine. Jusqu’ici, tout va bien
– Et tu as fait ta scolarité à Gennevilliers, ta mère était institutrice !
– En effet… Hmmm, là, ça se corse. Je ne raconte pas usuellement ces vieilles années de mon enfance.
– On était à la maternelle ensemble. Je suis M… D… Argh. Oui, ce nom évoque quelque chose, là, tout au fond de ma mémoire.

À vingt ans de distance, je n’ai donc pas changé. De cela et du fait qu’il se soit souvenu de moi, je suis resté stupéfait. J’aurais été bien en peine de savoir que je l’avais déjà croisé, presque comme dans une vie antérieure.

Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a fait chaud au cœur. Un jour peut-être, je passerai lui faire un petit coucou, là-bas parmi ses livres, du côté de la tour d’Asnières.

Melie’s doll

7 octobre 2005

Samedi de l’autre semaine, Melie voulait me faire poser. Je suis arrivé vers cinq heures à l’appartement presque vide qui servait de studio. Elle était un peu tendue – il faut dire que la lumière était déjà en train de baisser. C’est la fin de l’été…

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Des défenseurs pour la Berryer !

7 octobre 2005

La conférence Berryer est un événement drôlatique, impertinent et jusqu’à présent périodique. C’est une joute oratoire autour d’un invité célèbre, organisée habituellement au Palais de justice par les secrétaires de la Conférence du stage du barreau de Paris. Les candidats y font concours d’éloquence et d’humour, tandis que les secrétaires s’acharnent à démonter leur argumentation, avant d’être eux-mêmes raillés sans pitié aucune par l’un de leurs anciens. Pour ceux qui n’ont jamais eu la chance d’assister à une Berryer, de nombreux enregistrements de conférences passées sont disponibles chez Raboliot.

Tout irait pour le mieux – les candidats déclameraient, les secrétaires démoliraient, leurs anciens les enterreraient – si la Berryer n’était pas menacée d’être refoulée hors des murs du Palais. Aussi, je me joins à Eolas et Raboliot pour vous inviter à diffuser largement cette information et à écrire à Monsieur le Premier président de la Cour d’appel de Paris pour lui demander d’autoriser de nouveau la tenue de la conférence Berryer dans ses murs.

Liens mis à jour le 2 avril 2006.

Des blogueurs sachant chercher

6 octobre 2005

Mercredi soir au Hall’s Beer, plein de gens qui cherchent plein de trucs.

Ron et Olivier, en terrasse, cherchent avec qui faire leur entrée dans les lieux. Il ne faisait pas bien chaud, alors on cherche à se réchauffer à l’intérieur du pub. Il y a déjà du monde.

Delphine cherche du contenu pour Yahoo mais ne cherche plus de boulot. Tant pis pour la chimie, tant mieux pour elle !

La Veilleuse cherche désespérément quelqu’un à qui parler. Valentin lui prête une oreille compatissante.

Franck et son caméraman, avec son gros engin, cherchent des gens à filmer pour le Journal du blog (France 5).

Cossaw cherche un actuaire (un vrai, siouplaît !) pour gérer son risque. Et puis il s’en va. Et puis il revient, il cherche ses clés.

Kozlika cherche qui signera pour le fil RSS chez Ron. Je réponds présent !

Fûûlion cherche à comprendre la différence entre empirisme et cartésianisme. Nous nous cherchons des pous dans la tête dans un débat philosophique de fort bonne tenue.

Fûûla cherche à refaire mon brushing.

Aurele cherche à se sortir de l’embarras.

Neuro cherche des adorateurs de Pazuzu.

Mel’O’Dye cherche une flûte à Kwak.

Alecska (@spirant @artiste) cherche du chocolat.

Et Sok semble ne plus chercher du tout.

L’envie de quoi ?

1 octobre 2005

Dans le silence de l’appartement, je me laisse aller. Ce soir, c’est répit. Un peu de téloche en grignotant ce qu’il y a dans le frigo. Rangement minimal, on verra cela demain. Je n’ai plus de forces.

C’est la première fois que rejoindre les copains à une heure du mat’ pour un pot me paraît complètement irréaliste. Cela fait deux nuits que je dors bien, trop bien, et que pourtant la fatigue m’accompagne presque toute la journée. Et devant elle je baisse les bras.

La lassitude du corps vient avec celle de l’esprit. Je ne sais pas ce que j’ai fait de ma solitude ; je me trouve à la croisée de plein de chemins de vie, bourré de rêves d’ailleurs et d’un bonheur d’ici que je crains de cueillir comme je crains de le perdre.

La douche froide

27 septembre 2005

Cela fait maintenant deux semaines que le gaz est coupé.

Le réveil vient juste de m’arracher du sommeil. Je titube hors du lit, encore tout au souvenir de la douce chaleur de sous la couette. Dehors, l’aube est grise.

Le parquet de la chambre craque un peu sous mes pas. Puis le carrelage froid. L’air est glacé sur ma peau nue quand j’entre dans la salle de bain. L’éclat cru, impitoyable de la lumière électrique me hurle dans les yeux, m’arrache à la nuit et me appelle pour un jour encore la condition de celui qui va vivre.

J’entre dans la baignoire. Je sais ce qui m’attend. Je ne veux pas y aller, pas tout de suite, pas encore. J’attends une seconde ou deux. Je vole un minuscule répit.

Il faut pourtant le faire. C’est comme ça, pas le choix. J’ouvre le robinet. Ça y est, l’eau coule. Je passe la main sous le jet froid pour me convaincre de ce dont je suis déjà sûr. Nulle magie ici, nul défi à la thermodynamique. Je sais par cœur maintenant que ça ne va pas être agréable.

Sur les pieds, sur les jambes, elle griffe, elle saisit. Mais ce n’est que désagréable, ce n’est pas pire qu’une douleur soudaine à laquelle on s’est préparé. Sur les bras, elle mord, elle déchire, elle serre encore. Mais ce n’est encore que souffrir.

Alors je mouille mon sexe, mon ventre, mon dos. Et je manque m’évanouir, à chaque fois. Ma respiration se bloque, je la force à repartir, précipitée, désespérée. Je cherche l’air, je l’aspire aussi fort que possible, je me saoûle de lui pour supporter le froid et je sens un voile noir qui tombe sur mes yeux.

Je coupe l’eau. Le gel douche n’a pas du tout la même texture quand la peau est transie, dure de chacun des muscles qui frissonnent en-dessous. Je ne sens presque plus mon corps. Seulement cette impression pénétrante de froid à l’intérieur de moi. Le rinçage même est moins pénible, tant je ne perçois plus rien.

La serviette éponge est douce. Elle paraît presque tiède.

Parole de plombier

20 septembre 2005

Il avait dit « quinze heures ». J’ai été là, en avance, prêt à l’accueillir, sauveur qu’il était de ma tuyauterie défaillante. Je l’attendais, anxieux, plein d’espoir aussi. Presqu’une semaine déjà que ma douche était froide.

À quinze heures trente, je suis allé aux nouvelles. Il m’avait « oublié », il n’avait pas noté. J’étais déçu bien sûr, j’avais pris une demi-journée de congé. Spécialement pour lui, je sacrifiais mes vacances sur l’autel de l’artisanat parisien. Il m’a promis de me rappeler. Très vite. Une demi-heure tout au plus.

C’était à seize heures ce tantôt. Il fait maintenant nuit noire, et je sais que cet homme n’est pas sérieux. Il n’est pas professionnel. Il n’a pas de respect pour moi, son client, pas de respect pour son travail, pour son métier. Pas de respect pour lui-même non plus, tant il salit son âme à trahir ses mots, à cracher sur la parole qu’il a donnée.

Finalement je suis presqu’heureux qu’il ne soit pas venu. Je n’aurais pas voulu qu’il touchât ma chaudière.

Addendum – 21 septembre, 15:50, le téléphone sonne…

– Allô, bonjour, c’est pour l’entretien de la chaudière… [Non, c’était un dépannage sur une fuite de gaz. ]
– C’est un peu tard, vous deviez me rappeler hier avant seize heures pour convenir d’un rendez-vous, vous ne l’avez pas fait, j’ai contacté une autre entreprise.
Mais votre copine ou votre femme nous a dit de venir aujourd’hui !
– Je vis seul, Monsieur. Au revoir et bonne journée.