Archive pour la catégorie Général

Le sablier

dimanche 23 octobre 2005

À l’heure de la nuit noire, j’écoute la pluie tomber. Je revois la journée passée seul, noué des angoisses sourdes qui annoncent l’hiver. La peur d’échouer, de ne pas être à la hauteur des responsabilités qui m’ont été confiées, et que j’ai acceptées, me hante plus que jamais. La peur de Melie, à cet instant, me paraît si parente…

C’est une peur obsédante qui profite des silences de l’appartement vide pour déchirer mon corps. Le temps inexorable s’écoule, goutte à goutte, et mon travail semble ne pas devoir avancer. Ça ressemble un peu à ces cauchemars de phobie scolaire qui ont hanté mes nuits pendant tellement d’années.

J’ai froid. L’heure avance. Il va falloir y aller. Bientôt. Serai-je prêt ?

Cinquième sens

mardi 18 octobre 2005

Je regarde les courbes de ton corps. L’arc de ton épaule, le creux de tes reins, la courbe de tes fesses.

Je les parcoure du bout des doigts. Je déchiffre le grain de ta peau. Je devine les zones délicates, les points sensibles.

Ce sont ceux où ta respiration s’accélère. J’entends ton souffle, tes murmures qui changent lorsque tes yeux se ferment.

Tu t’abandonnes, tu t’ouvres et je sens l’odeur de ta peau, l’odeur de ton sexe.

Ma langue s’insinue en toi, rencontre ton piercing. Je découvre le goût du métal.


Coïtus Impromptus, semaine 34

Physionomiste

jeudi 13 octobre 2005

L’autre soir, Melie, Dorine et moi papotions, gaiement attablés à la terrasse d’un petit restaurant japonais du quartier latin. En grande conversation sur l’orgasme et les possibilités comparées de le simuler chez la femme et chez l’homme (avec une digression sur l’éjaculation [masculine] sans ou quasiment sans plaisir – peut-on la qualifier d’orgasme ?), nous sommes soudainement interpellés par l’un de nos voisins de table qui s’apprêtait à quitter l’établissement en compagnie d’une gracieuse demoiselle.

– Excuse-moi… Je crois qu’on se connaît… Hi hi, il a supris notre conversation… Hmmm, mais si j’avais fait des choses avec un beau garçon comme ça, je m’en souviendrais, quand même… Tu es bien Thomas ?
– Euh, oui… Bon, ça m’arrive souvent que des gens que je ne reconnais absolument pas se souviennent parfaitement, eux, de ma bobine. Jusqu’ici, tout va bien
– Et tu as fait ta scolarité à Gennevilliers, ta mère était institutrice !
– En effet… Hmmm, là, ça se corse. Je ne raconte pas usuellement ces vieilles années de mon enfance.
– On était à la maternelle ensemble. Je suis M… D… Argh. Oui, ce nom évoque quelque chose, là, tout au fond de ma mémoire.

À vingt ans de distance, je n’ai donc pas changé. De cela et du fait qu’il se soit souvenu de moi, je suis resté stupéfait. J’aurais été bien en peine de savoir que je l’avais déjà croisé, presque comme dans une vie antérieure.

Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a fait chaud au cœur. Un jour peut-être, je passerai lui faire un petit coucou, là-bas parmi ses livres, du côté de la tour d’Asnières.

Melie’s doll

vendredi 7 octobre 2005

Samedi de l’autre semaine, Melie voulait me faire poser. Je suis arrivé vers cinq heures à l’appartement presque vide qui servait de studio. Elle était un peu tendue – il faut dire que la lumière était déjà en train de baisser. C’est la fin de l’été…

Lire la suite de cet article »

Des défenseurs pour la Berryer !

vendredi 7 octobre 2005

La conférence Berryer est un événement drôlatique, impertinent et jusqu’à présent périodique. C’est une joute oratoire autour d’un invité célèbre, organisée habituellement au Palais de justice par les secrétaires de la Conférence du stage du barreau de Paris. Les candidats y font concours d’éloquence et d’humour, tandis que les secrétaires s’acharnent à démonter leur argumentation, avant d’être eux-mêmes raillés sans pitié aucune par l’un de leurs anciens. Pour ceux qui n’ont jamais eu la chance d’assister à une Berryer, de nombreux enregistrements de conférences passées sont disponibles chez Raboliot.

Tout irait pour le mieux – les candidats déclameraient, les secrétaires démoliraient, leurs anciens les enterreraient – si la Berryer n’était pas menacée d’être refoulée hors des murs du Palais. Aussi, je me joins à Eolas et Raboliot pour vous inviter à diffuser largement cette information et à écrire à Monsieur le Premier président de la Cour d’appel de Paris pour lui demander d’autoriser de nouveau la tenue de la conférence Berryer dans ses murs.

Liens mis à jour le 2 avril 2006.

L’envie de quoi ?

samedi 1 octobre 2005

Dans le silence de l’appartement, je me laisse aller. Ce soir, c’est répit. Un peu de téloche en grignotant ce qu’il y a dans le frigo. Rangement minimal, on verra cela demain. Je n’ai plus de forces.

C’est la première fois que rejoindre les copains à une heure du mat’ pour un pot me paraît complètement irréaliste. Cela fait deux nuits que je dors bien, trop bien, et que pourtant la fatigue m’accompagne presque toute la journée. Et devant elle je baisse les bras.

La lassitude du corps vient avec celle de l’esprit. Je ne sais pas ce que j’ai fait de ma solitude ; je me trouve à la croisée de plein de chemins de vie, bourré de rêves d’ailleurs et d’un bonheur d’ici que je crains de cueillir comme je crains de le perdre.

La douche froide

mardi 27 septembre 2005

Cela fait maintenant deux semaines que le gaz est coupé.

Le réveil vient juste de m’arracher du sommeil. Je titube hors du lit, encore tout au souvenir de la douce chaleur de sous la couette. Dehors, l’aube est grise.

Le parquet de la chambre craque un peu sous mes pas. Puis le carrelage froid. L’air est glacé sur ma peau nue quand j’entre dans la salle de bain. L’éclat cru, impitoyable de la lumière électrique me hurle dans les yeux, m’arrache à la nuit et me appelle pour un jour encore la condition de celui qui va vivre.

J’entre dans la baignoire. Je sais ce qui m’attend. Je ne veux pas y aller, pas tout de suite, pas encore. J’attends une seconde ou deux. Je vole un minuscule répit.

Il faut pourtant le faire. C’est comme ça, pas le choix. J’ouvre le robinet. Ça y est, l’eau coule. Je passe la main sous le jet froid pour me convaincre de ce dont je suis déjà sûr. Nulle magie ici, nul défi à la thermodynamique. Je sais par cœur maintenant que ça ne va pas être agréable.

Sur les pieds, sur les jambes, elle griffe, elle saisit. Mais ce n’est que désagréable, ce n’est pas pire qu’une douleur soudaine à laquelle on s’est préparé. Sur les bras, elle mord, elle déchire, elle serre encore. Mais ce n’est encore que souffrir.

Alors je mouille mon sexe, mon ventre, mon dos. Et je manque m’évanouir, à chaque fois. Ma respiration se bloque, je la force à repartir, précipitée, désespérée. Je cherche l’air, je l’aspire aussi fort que possible, je me saoûle de lui pour supporter le froid et je sens un voile noir qui tombe sur mes yeux.

Je coupe l’eau. Le gel douche n’a pas du tout la même texture quand la peau est transie, dure de chacun des muscles qui frissonnent en-dessous. Je ne sens presque plus mon corps. Seulement cette impression pénétrante de froid à l’intérieur de moi. Le rinçage même est moins pénible, tant je ne perçois plus rien.

La serviette éponge est douce. Elle paraît presque tiède.