Archive pour la catégorie Général

Exuviation

jeudi 2 février 2006

Le jour s’est levé. Le soleil m’a tiré d’un sommeil, dernier sommeil près de toi. Ce matin mon corps est lourd, gourd. Je le traîne hors du lit, lesté d’absence, pesant de souvenirs. Avec peine, je file sous la douche salvatrice. Tu t’es rendormie, un peu.

Je m’habille, péniblement. Bientôt prêt. Prêt à partir. Le ventre noué par l’instant qui approche. Je m’asseois près de toi, au bord du lit, pour un au revoir.

– Ça va ?
– Moyen…

J’ai besoin de te serrer dans mes bras. Les mots se bousculent dans ma tête. Ils planent, vautours verbaux, et je te serre contre moi en silence.

J’ai envie d’une vie écrite à quatre mains, d’une vie tracée à deux. Oui, je sais, tu ne peux pas m’offrir cela. Je ne peux pas te le demander. Je ne te le demande pas. Il faut juste que je parte. Besoin d’ailleurs.

Je cherche tes yeux du regard. Les miens débordent, ça y est. Je pleure sans bruit sur ton épaule.

C’était le contrat. Nous le savions dès le départ. Faisons, chacun, ce qu’il faut pour être heureux. Prends soin de toi.

Un dernier sourire échangé, un regard encore, et puis je file. Vite, sans me retourner, sans réfléchir, parce que j’ai besoin de sentir l’air glacial du matin me fouetter le visage. Parce que j’ai besoin que le vent endorme ma peau brûlée par les ruisseaux de larmes.

Putain que ça fait mal de faire ce qu’on sait devoir faire pour être heureux.

Secondes intercalaires

dimanche 29 janvier 2006

Lundi d’il y a deux ou trois semaines, sortie du bureau. La journée a été éprouvante, mais au moins je ne rentre pas trop tard. Mes jambes savent m’emmener toutes seules dans les couloirs du ventre de la ville. Tant mieux, ma tête est occupée à autre chose.

Un escalier mécanique. Un niveau après l’autre, je m’enfonce sous la terre à la lumière artificielle. Un coup d’œil à peine au tableau des trains au départ, quai trente-deux dans cinq minutes.

J’ai le temps de remonter le train à quai pour être près de la sortie à la prochaine station. Je lève rituellement les yeux vers le panneau lumineux. Départ, dix-neuf heures zéro sept.

Un escalier mécanique. Tiens, cette fois-ci, il monte. C’est étrange.

D’habitude, avant d’être sur l’escalier qui monte, il y a le signal sonore, les portes qui claquent, le train qui roule dans le tunnel. Il y a l’arrêt en station, descendre du train, croiser les voyageurs qui montent et la flaque d’eau sous la voûte qui fuit.

Mais là il y a juste le quai avant de partir. Et puis plus rien. Jusqu’à cet escalier qui monte. Je cherche les panneaux des lignes en correspondance. Manifestement, je suis bien arrivé. Il est dix-neuf heures onze. J’ai le mal de mer. Ça arrive, parfois, quand le temps est agité.


Ça arrive aussi à Jun.

La ligne cinq vers le Sud

dimanche 22 janvier 2006

Tu viens de croiser les visages matinaux de la gare de l’Est. Comme toi, les autres voyageurs ont des restes de nuit dans les yeux.

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Amour digital

dimanche 15 janvier 2006

C’était en 20.., le soir du quatorze juillet. Avec elle, j’étais allé au bal des pompiers, juste un peu, pour s’amuser et prendre une coupe de champagne. Nous avions été sages et rentrions à pieds. La nuit estivale était douce.

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Berceuse

mercredi 11 janvier 2006

Dodo… Fais dodo, petit Thomas que j’aime
Dodo, jusqu’à demain, petit Thomas que j’aime bien.

Fragment de voix…

L’agnelet dort près de sa mère
Les oiseaux dorment dans leur nid

Il devait y avoir un autre vers là…

Viens dormir aussi…

Doooooooooooooodooooooooooooo
Doooooooooooooodooooooooooooo.

J’ai oublié presque tous les mots. De la voix qui m’accompagnait à l’orée de la nuit, il ne reste que l’écho, dans un coin de mon cœur.

Le spectre innommé

mardi 3 janvier 2006

Dans le silence de la nuit, nous avons mêlé nos larmes. J’ai écouté ton corps, elle a réchauffé le mien. Nos âmes entremêlées se sont nouées un temps. Un instant seulement. Dix mois, un coup d’aile, un souffle qui n’a fait qu’effleurer les ombres qui toujours voletaient dans ses yeux.

D’un coup de griffe, elle a tranché le lacs. J’ai désinfecté la blessure vive d’une lampée d’alcool. Ça a brûlé. J’ai arrosé le feu de larmes salées. Le feu s’est éteint. La plaie s’est refermée, elle a tiré un peu pendant quelque temps et puis s’est fait discrète cicatrice. Je ne la montre pas ; parfois sans doute on peut la sentir, infime irrégularité qui subsiste, si l’on explore mon âme du bout des doigts.

À l’inventaire de l’histoire, elle convoque les fantômes. Mais le mien n’est pas de ceux qui sont appelés à boire au souvenir des amours mortes. Spectre parmi les spectres, elle ne lui donne pas même la chance d’avoir été.

Alors la cicatrice suinte encore quelques larmes d’oubli.

Modus amandi

dimanche 1 janvier 2006

Il y a les amants de toujours, ou de si longtemps qu’on ne sait plus bien quand. Ceux-là parfois font des enfants. Un, deux déjà…

Il y a celles et ceux qui papillonnent. Une conquête après l’autre, ils alignent les histoires, un jour, deux semaines, trois petits tours et puis s’en vont.

Il y a celleux qui sortent un soir dans un bar et, au hasard, tissent une rencontre d’un soir d’un fil intense et éphémère.

Il y a ceux qui s’aiment au loin, s’attendent, se retrouvent bientôt.

Il y a ceux qu’au contraire la distance sépare, déchire puis abandonne, jetés chacun de son côté sur le rivage d’un continent à explorer.

Il y a celle qui est incapable de rester seule.

Et celui qui en est tellement capable qu’il a peur, parfois, de ne plus savoir vivre autrement.