Archive pour le 1 juillet 2007

1987, année 10 — La classe de neige

dimanche 1 juillet 2007

On va partir en classe de neige. Trois semaines loin de la maison, avec toute la classe, et aussi un CM2 de l’autre école du quartier. Je suis enthousiaste, mais un peu inquiet aussi. Je finis par poser timidement la question qui me taraude : est-ce que Nounours peut m’accompagner ? Ce n’est pas comme si j’avais vraiment encore besoin de lui pour m’endormir, mais quelque part je me sentirais mieux s’il est dans le coin. Tout le monde embarque dans le car.

Tiens, ce n’est pas la première fois que je pars comme ça, j’ai fait une classe verte quelques années avant. C’est curieux, c’est un souvenir qui flotte isolé et que je n’ai pas raccroché au fil en écrivant le petit caillou de cette année-là.

Maman m’a préparé un pique-nique, quelques sandwiches pour le trajet. Je n’ai pas tout mangé, il en est resté un au fond de mon sac, que je retrouve au goûter, deux jours plus tard. Grande leçon de vie : c’est quelque chose qu’il vaut mieux garder au frais si on ne veut pas être malade…

Cette nuit mouvementée passée, le séjour se poursuit plus calmement. Très calmement. Je perfectionne l’art du chasse-neige, au point que j’aurai ma photo dans le journal avec la légende : « Thomas est prudent ». La peur de prendre trop de vitesse, de ne plus contrôler ma route, de tomber et de me faire mal… Alors j’y vais tout doux, tout doux. J’obtiendrai tout de même mes deux étoiles, je peux le raconter tout fier dans les cartes postales que j’envoie à la maison. Maman me répond de longues lettres de son écriture ronde et claire d’institutrice.

C’est à ce moment-là que j’ai rencontré A. pour la première fois. Elle était de l’autre école et je l’avais remarquée parmi la foule. Je ne sais plus comment j’ai fini par échanger trois mots avec elle. Je n’oserais pas lui dire que je la trouve jolie. Surtout pas à la « boum » organisée à la fin du séjour.

Tout le monde semble attendre impatiemment cette soirée-là, comme un grand événement. Mes camarades s’amusent et dansent dans la grande salle du réfectoire dont on a enlevé les tables et éteint les lumières, remplacées par des projecteurs multicolores. Et moi, je suis ailleurs, en marge de l’agitation. Je ne sais pas comment on fait pour s’amuser comme ça ; même en y mettant la meilleure volonté du monde, je ne pourrais pas, juste parce que j’ignore ce qu’il faut faire. Tout ce que je voudrais, c’est pouvoir monter dans ma chambre, bouquiner tranquillement ma bande dessinnée – un vieux Spiderman que je relis avec toujours autant de délectation. Mais on me l’interdit, on m’enjoint de ranger l’illustré et de me joindre à la fête. Obéissant à regret, j’abandonne ma lecture. Assis sur une chaise au bord de la piste, je fais dûment acte de présence, solitaire au bord de la ruche.

Observateur silencieux, à défaut de pouvoir comprendre ce qui se joue ici.

Dix de trente petits cailloux.