Recuit mobilier
lundi 9 mai 2005Il suffit de pas grand’chose pour définir l’ambiance d’un chez-soi. Dans l’entrée, depuis deux ans, le bureau était le long de ce mur, là où je l’avais installé le jour de printemps, quand les copains étaient venus prêter main-forte pour le trimballer dans l’escalier. On avait partagé comme de juste la bière et le saucisson au milieu des cartons, épuisés, suants, et contents d’être là.
Depuis ce premier jour, depuis ce premier mai, c’était en deux mille trois, il restait ces boîtes d’archives à même le sol, ces deux tiroirs félins (ils doivent avoir neuf vies, ils m’ont accompagné dans quatre logements et quand je les ai eus ils étaient déjà vieux) dormant au pied du bar. Le pourtour de la pièce était cet entassement, et au centre un grand vide. Un grand vide encombré, transitoire. Illogique. Une pièce qui résumait que les choses étaient là un peu par hasard, et donnait l’impression, vingt-quatre mois après, que je venais juste d’arriver.
Et puis il a suffi de quelques bouts de câble, d’un après-midi rare où l’envie et l’énergie coïncident par chance, de bouger les tas de boîtes ici, les caisses de vin là, de mettre le bureau à la place, dans le coin, et de faire un saut chez le marchand de meubles scandinave pour mettre de jolies planches de bois clair autour des moches trucs qui traînaient.
Le bureau ne trône plus, absurde, au milieu d’un mur. Dans son coin, il a compris qu’il devait être là la bulle où je travaille, où je rêve, où j’écris. Je lui ai enseigné, avec une lumière douce pour éclairer mes mains quand je suis au clavier qu’il se fasse plus discret, et laisse à d’autres jeux le reste de la pièce.
Et l’âme de cet endroit semble se réveiller. Le vide est encore vide, mais maintenant il sait pourquoi il est là. Il recevra la table, et la table, les amis, le soir pour dîner, boire, et puis refaire le monde.
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