Archive pour le 23 mars 2005

Tête en l’air

mercredi 23 mars 2005

En ce moment, j’égare tout. L’autre soir, en revenant de chez Gluon, j’ai oublié mes gants dans le taxi. Là, ils sont perdus de chez perdus. Lundi encore, la totale. Oublié le GSM à la maison, la carte Intégrale au bureau. Ça m’a coûté deux tickets de métro, que ça me serve de leçon.

Et puis on m’a demandé l’autre soir : Mais au fait… Qu’est-ce que tu as fait de ta timidité ?

Là, un blanc. C’est vrai qu’à ce moment-là j’avais la tête ailleurs, les yeux dans les siens et l’esprit occupé à courir après mes lèvres qui s’approchaient des siennes.

– Ah, ça, c’est une excellente question. Je perds tout, en ce moment, je suis si étourdi…

En vérité, je ne sais pas ce que j’ai bien pu en faire. On m’avait pourtant fait valoir, étant petit, l’importance vitale de bien ranger ses affaires pour éviter ce genre de mésaventure. Il fallait néanmoins se rendre à l’évidence. L’objet de la question demeurait introuvable. Il me semblait me souvenir, pourtant, l’avoir eue sur moi quelques heures seulement auparavant. Je me rappelais distinctement cette confortable petite coquille capitonnée à l’intérieur de laquelle sentiments, désirs et pensées s’ébattaient gaiement sans que rien ne transparaisse à l’extérieur. Cette image était si vivace que l’idée même de l’avoir perdue en chemin, sans m’en rendre compte, me laissait incrédule, pour ne pas dire dubitatif.

Et puis j’ai encore l’impression de retenir mes gestes, de choisir mes mots. De toujours conjuguer le sous-entendu avec le démenti plausible, de nourrir le paratexte de tout ce que la bienséance interdit au discours, de jouer du regard avec bien moins d’hésitation que des mots. Le pouvoir de la parole est tel qu’il me reste une vieille crainte de (me) blesser avec, fût-ce seulement par maladresse.

Peut-être est-ce pour ça – parce que je ne saute pas sur toutes celles et tous ceux qui me plaisent – que j’avais l’impression d’avoir gardé encore un peu de timidité. Mais finalement, je crois qu’elle s’est envolée pour de bon.