Ondes transversales

18 juin 2008

Soit un plancher en béton flambant neuf, de la meilleure facture (il a été tout refait l’année dernière).

Soit un estimable co-bureau qui travaille d’arrache-pied sur des problèmes épineux qui semblent lui causer grand souci.

On considère le mouvement oscillatoire machinal qu’il imprime à ses pieds pour évacuer le stress.

Connaissant la rigidité du plancher dans sa direction normale et le coefficient de propagation des vibrations ainsi engendrées à travers mon fauteuil, calculer au bout de combien de temps je vais péter un plomb.

(Coucou, co-bureau !)

Déchiré

6 juin 2008

Ça devait être le ti’punch. Enfin, le troisième (ou le quatrième). Ou les deux précédents. À moins que ce ne soit le champagne qui les a précédés, la fatigue accumulée et la pression qui retombe. C’était la soirée d’adieu, après la dernière du spectacle.

Je me souviens du début de la soirée, vers minuit. De mes doigts collants du jus des citrons verts pressés dans les verres, du sucre de canne et du rhum blanc. Du niveau qui baisse à vue d’œil. Je me souviens encore des discours et de la musique. C’est ensuite seulement qu’il y a un trou noir. Un coma d’heures que je n’ai pas imprimées. Je ne me souviens pas avoir dansé, ni dit au revoir aux gens, ni être parti. Je ne me souviens pas les conversations qu’on aurait eues. Dommage…

Je me souviens un peu le taxi. On l’a eu tout de suite, j’ai toujours de la chance. Il a fait un détour, je nous voyais partir bien trop loin, droit à l’Est, alors qu’il aurait fallu tourner bien plus tôt pour rentrer à la maison. Il y a perdu son pourboire. Je me souviens ma chemise que tu as déboutonnée (mais je ne me souviens pas que ce n’était pas la première fois de la soirée), de tes mains et de ta peau contre la mienne. Je me souviens l’heure à laquelle j’ai fermé les volets pour dormir un peu alors que le jour se levait. Je me souviens m’être levé, et m’être rendormi.

Au réveil, j’avais la mémoire en lambeaux. Sensation étrange de la limite, en creux, des morceaux qui manquaient. J’appréhendais ce que tu me raconterais des moments occultés. Et puis tu m’as raconté, et j’ai seulement regretté de ne plus me souvenir de tout ça.

Comment cultiver le manque de sommeil en passant ses vacances à Paris

2 juin 2008

En écoutant lundi soir Lynda Lemay à l’Olympia. Ri, pleuré (aux endroits attendus et puis encore à d’autres), et resté scotché à la fin d’une ou deux chansons. Putain, elle est forte. Merci Mlle Toi.

En courant les magasins mardi pour renouveler ma garde-robe d’été et trouver un cadeau d’anniversaire. Ce sera Millenium. En arrosant tes trente-et-quelques, le soir, avec elleux tous.

En écoutant mercredi Didier Super au Point-Virgule avec les copines et les copains book-crosseux.

Jeudi en pensant avoir enfin une soirée où buller et dormir par suite d’annulation de choses prévues, et en changeant de programme par suite de désannulation. En chérissant les garde-manger vides qui offrent un prétexte commode pour inviter à dîner dehors.

En entreprenant un lointain et périlleux voyage vendredi soir (on a pris le RER jusqu’à Gagny, c’est dire !) pour fêter l’anniversaire d’une amie d’enfance de Melie.

En mettant au point un éclairage de spectacle avec les moyens du bord samedi. C’est tellement plus drôle d’illuminer un plateau quand on ne peut accéder ni au gril, ni aux patches. Tant pis, j’attendrai le prochain week-end de via ferrata pour étrenner mon tout beau baudrier bleu.

En redécouvrant au creux de la nuit les joies insoupçonnées de l’électroménager moderne. On oublie trop souvent l’effet que ça peut faire, un glaçon sur la peau. Ou tout ce qu’on peut faire sur une machine à laver.

En courant tout dimanche de la régie à la scène, et retour, parce que c’est bien plus drôle de faire les photos de plateau en même temps que les lumières.

En concluant le week-end en revoyant Créatures au théâtre de l’Épée de Bois. C’est toujours aussi chouette.

* * *

Et cette semaine je ne dors pas non plus, puisque c’est spectacle tous les soirs. Viendez, les gens !

Le coup de la panne

27 mai 2008

On était jeunes, on était beaux. Les filles étaient arrivées en retard, bien sûr, le temps qu’elles se pomponnent. Avec Bob, en attendant, on s’était fait des pâtes à l’ail. Avec à peine un petit quart d’heure de retard, en fin de compte, on avait sorti la voiture. Elle affichait fièrement un demi-réservoir. Très bien, on ferait le plein là-bas. On s’en allait au fin fond de nulle part, aux confins, après Montargis. C’est là qu’on mariait J.-G. et M., ce samedi-là. On serait sur place presque à temps pour répéter les chants de messe.

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How to Succeed in Business Without Really Trying

22 mai 2008

How to Succeed in Business Without TryingLorsque J. Pierrepont Finch arrive au boulot ce matin-là, il est simple laveur de carreaux. Mais il a en poche un opuscule qui pourrait bien changer le cours de sa vie professionnelle : How to Succeed in Business Without Really Trying. S’il met en pratique chacun de ces bons conseils, il est promis à une ascension fulgurante… À moins que l’amour ne vienne s’en mêler ?

Suivez son plan de carrière dans la dernière comédie musicale produite par l’English Theatre Club de l’ENST Télécom ParisTech : How to Succed in Business Without Really Trying, de Frank Loesser (paroles et musique), Abe Burrows, Jack Weinstock et Willie Gilbert (livret).

Mardi 3, mercredi 4 et jeudi 5 juin 2008 à 20:00, amphithéâtre Thévenin à Télécom Paris[1]. Entrée libre.


  1. 49, rue Vergniaud – Paris XIIIe – métro Corvisart ou Glacière, RER Cité universitaire. Se munir d’une pièce d’identité.

Au vert

11 mai 2008

La grande maison est posée au milieu de nulle part. Il y a un champ, quelque vaches. En bas de la colline, le petit cimetière. On enterre encore un peu, ici. On marie, parfois. On ne naît plus. C’est ici qu’on s’est retrouvés, avec les copains-copines (quatre couples, six enfants en bas âge, deux célibataires).

Je surveille le barbecue. Il faut pas mal de braise pour les côtes de bœuf. Fendre du bois, préparer le feu, l’entretenir : activités ancestrales et solitaires. C’est propice à la réflexion. Progrès notable depuis Neanderthal, on peut s’accompagner d’une bière fraîche. De fait, le soleil cogne. Ce soir il faudra tartiner de crème les premiers coups de soleil de l’année.

Dans le silence d’ici j’ai tout le temps d’être taraudé de questions. Elles dansent dans ma tête. Eux ici ne posent pas de questions, n’en sauront rien, ou si peu.

Rappelle-toi

29 avril 2008

Rappelle-toi que tu n’es pas ici pour plaire. Pas ici pour séduire. Qu’ici n’est pas le lieu seulement du beau, du joli. C’est le lieu du dedans avec des larmes, du sang, du sperme, aussi. Rappelle-toi qu’à force de vouloir montrer une surface lisse et blanche, immaculée, tu n’arriveras jamais qu’à construire un mur sans aspérités. Rappelle-toi que tu n’es pas tout blanc ou tout noir. Tu es gris, tu es vert, vert glauque, vert prairie, c’est selon, bleu, rose. Rappelle-toi que tu n’écris pas pour donner en spectacle de l’aimable polissé.

Rappelle-toi d’être toi-même. Ah, bien sûr, tu as choisi d’écrire sous ce nom-là, celui des pères et des pères de nos pères, et celleux-là dont tu croiseras le regard demain savent bien que tu es celui qui s’expose ici. Ce serait si pratique, hein, de n’avoir l’air de rien. Mais n’oublie pas l’injonction qui est à l’œuvre, l’envie, le désir d’écrire qui rampe et s’empare de ta main. Ne cherche pas à la tordre pour en faire autre chose. Tu n’es que l’instrument. Laisse couler ce qui doit.

Rappelle-toi qu’il est vain d’être lisse et stérile. Et alors de nouveau tu arriveras à écrire.