Carnet à virgule

6 juillet 2006

Hier soir, donc, après une interminable journée de boulot, j’ai rejoint les copains au ParisCarnet du mois, pour profiter d’un moment de détente et de bonne bière en agréable compagnie.

Malgré les efforts soutenus des supporters footeux pour troubler la quiétude du soir estival par force hurlements et coups de corne de brume, j’ai pu assez longuement profiter de la conversation de la délicieuse Kerdekel, défoncée au Coca tiède et à la pizza Roquefort. Triturant sans cesse un instrument en bois tourné de forme vaguement phallique qu’elle avait sans nul doute rapporté des RMLL, elle m’a notamment déclaré, sur le ton de l’experte, que la courgette, une fois qu’elle est épluchée, ça glisse vachement bien.

Tandis que Maurice défendait les formes ouvertes, elle essayait vainement de lui défaire ses lacets avec ses pieds.

— Hé hé, c’est dommage, t’as les jambes trop courtes…
— Comme ta b…, espèce de p’tit con !

Toujours en pleine activité lacive, elle déclarait plus tard C’est pas sexuel, j’essaie juste de démêler un nœud.

S’avisant que j’étais en train de griffonner sur le set de table en papier du restaurant, elle me menaça des derniers outrages au cas où je viendrais à sortir ses propos de leur contexte. Si je passe sous un camion la semaine prochaine, vous saurez qui était au volant.

Piscine, semaine 2

5 juillet 2006

Piscine fermée lundi. Tant pis pour l’entraînement, tant mieux pour le pique-nique. Incident technique sur le système de chloration – à croire qu’il est écrit que nager me sera chose ardue.

Nagé donc mardi en remplacement; Tant pis pour le badminton, tant mieux pour la météo puisqu’il menaçait de pleuvoir.

Semaine 2, donc : 1 km en trente et une minutes, temps somme toute raisonnable vu la densité de population, dûe sans doute à la conjonction de la chaleur de l’après-midi et de la fermeture de la veille. 50 m de crawl qui m’ont laissé épuisé alors que les maîtres-nageurs sifflaient l’évacuation du bassin. J’ai enfin étrenné le nouveau bonnet de bain, tout silicone. L’expérience confirme, s’il en était besoin, q’uil est bien plus confortable que le latex.

Les amants de Paris

5 juillet 2006

On pique-niquait sur les bords de la Seine. Un brass-band s’exerçait, des dryades urbaines virevoltaient sous nos yeux, nos vidions entre amis quelques bouteilles de vin frais en sirotant la douceur du temps et l’aube de l’été au crépuscule du jour.

Puis on s’est séparés, qui vers le métro, qui sur son vélo, et nous qui partions à pieds pour encore boire un peu, dans ce tout petit pub où la Guinness est là, fidèle, depuis plus loin que je ne sais me souvenir. En grande conversation, sur tout, rien, nous, les autres, tant il y a à dire sur nos frères les humains.

À la fin de nos verres, il a fallu rentrer. La rue Clovis somnolait, bordée douillettement de maisons endormies. D’un bon pas nous parlions d’amour et de rencontres. Joviaux, on médisait de ces gens gentils, trop parfois, jusqu’à l’écœurement même, tellement qu’on les compare à ces bêtes en peluches du fond de notre enfance.

Un peu plus loin, un bruit.

Nous marchons, tranquilles, et nous en rapprochons.

Derrière les volets clos, par la croisée qu’on devinait ouverte pour offrir aux corps nus des amants endormis la dernière caresse d’une brise nocturne, on entend nettement, maintenant. Le choc rythmique des corps, et les cris redoublés de plaisir sans mesure d’une baise sauvage.

Au plus noir de la nuit, tout près du Panthéon, c’est là qu’on a trouvé le village des fuckounours.

Un cri dans la nuit

27 juin 2006

Vingt-sept juin. Après un printemps pourri, l’été a fini par arriver. Le soir, il fait tiède dehors, et la fenêtre est ouverte pour évacuer un peu de chaleur stagnante. Assis au bureau, je musarde sur le réseau dans un doux courant d’air frais. Tout est calme.

Soudain une clameur s’élève. Un cri de joie, primal. Une exclamation brève mais reprise par la foule dans chaque rue de la ville. Ouaaaaaaaaaaaais ! Un peu plus tard un autre, puis un troisième encore.

Maintenant cent mille gorges hurlent à la victoire. Cent mille bouches aux dents exhibées déchirent l’atmosphère. La meute s’enflamme et vocifère. Les cris de joie se muent en grondements. Le bruit dehors sent la haine et la violence déchaînées, et la peur ancestrale des hordes en furie étreint mon corps entier.

J’ai refermé la fenêtre, dernier rempart bien mince. Rentré dans mon cocon, à l’abri d’eux. Seuls leurs klaxons, maintenant, me rappellent que dehors, ils sont là qui ont pris possession de la rue. Ce sera une nuit en état de siège.

Le triomphe de l’homme contre les éléments

26 juin 2006

Malgré l’adversité et les mauvais augures. Passant outre le fait que j’avais oublié mon bonnet de bain tout neuf à la maison (maintenant, du coup, j’en ai un second en secours)… j’ai triomphé des pièges tendus par l’Univers tout entier, déjoué les chausse-trape et vaincu les destinées contraires !

Piscine, semaine 1 : 1 km en 30 minutes chrono, je suis content ! Les 50 m de crawl en guise de dessert ont encore été laborieux, mais j’étais déjà moins totalement épuisé à l’issue de l’ultime longueur de bassin. Et cette fois, je suis rentré avec mon sac à dos. Il s’agit maintenant de rentabiliser la carte de dix entrées dont j’ai fait l’acquisition. Si je me tiens à mes bonnes résolutions, elle ne devrait pas passer l’été.

Anima dangereuse

26 juin 2006

Mon âme est vagabonde, elle flotte et fuit toujours. Chienne errante, sans maître ni collier, elle divague de plus belle, rétive à toute amarre. Elle ne sait toujours pas où se trouve son bonheur et regarde autour d’elle, hagarde.

L’anima indocile tire sur son entrave. Féroce, toujours sauvage, pour l’apprivoiser il faut la museler. Malgré les tentatives de la domestiquer elle demeure insoumise, et ses crocs sont aigus. Prêts à mordre les cœurs qui passent à leur portée, à se planter dedans et à les déchirer. Ta main qui la caresse, prends garde qu’elle ne la morde. C’est une bête dangereuse.

Vivement ce soir qu’on se couche

20 juin 2006

À une heure passée du matin, après avoir dévoré un morceau généreux de bon gruyère suisse[1], je me pose un instant devant le clavier, un déca brûlant parfumant les parages. Malgré l’épuisement d’une courte nuit suivie d’une longue journée, je viens encore une fois sacrifier devant vous au rituel d’écriture. Qu’importe l’heure, en fait, qu’importe la fatigue. Je me condamne moi-même à vivre sans repos tant qu’il ne sera pas temps. Je n’ai pas un instant à perdre, j’ai une vie à vivre, et je ne peux me résoudre à dire au revoir aux vivants pour rejoindre les ombres d’un sommeil sans rêves.

Qu’importe la fatigue. Un jour je serai mort et là je dormirai.


  1. le vrai, celui qui n’a pas de trous