Archive pour la catégorie Général

Let me see your beauty when the witnesses are gone

mardi 4 janvier 2005

Let me see your beauty when the witnesses are gone
Let me feel you moving like they do in Babylon
Show me slowly what I only know the limits of
Dance me to the end of love

J’ai toujours dans l’oreille et dans le cœur la voix grave et chaude de Leonard Cohen, unique, cette sensation lumineuse et sombre. Une chanson comme une sculpture sensuelle. Mais là, c’est la voix d’une femme qui la revisite, et qui l’éclaire sur un arrangement jazzy-cozy. Une heureuse surprise offerte par Madeleine Peyroux sur le blog de Krome. Merci Krome.

Sic transit gloria mundi

dimanche 2 janvier 2005

Vingt heures. Un soir de premier janvier, l’année s’ouvrait, ma journée aussi, bien qu’il fît déjà nuit. L’air était suffisamment frais pour m’inciter à entrer dans le piano-bar, désert en ce lendemain d’agapes. Même les plus mondains des parisiens s’étaient autorisés, une fois n’est pas coutume, à surseoir pour un moment aux activités festives. Je trouvai donc le patron et une amie à lui sans autre visiteur, ce qui nous permit d’échanger quelques mots en même temps qu’il me préparait un jus d’orange on the rocks.

Quand ils sont arrivés tous les deux – ensemble – j’étais toujours seul, à quelques mètres. Il s’assit dos à moi, j’étais face à elle, j’apercevais parfois son visage par-dessus l’épaule de son ami. Elle n’était pas heureuse. Il ne l’écoutait pas, ne lui répondait pas, ne lui parlait pas le soir à la maison. Il prenait sa guitare et jouait sans un mot, tandis qu’elle se sentait s’éloigner, le sentait étranger. Il valait mieux qu’il parte. Then they switched to English. She explained it wouldn’t work for her if they had to live as strangers in the same house. Il lui répondait, et sa voix se faisait plus grave. Je n’entendais que le poids des larmes retenues. Gorgée après gorgée, mon jus d’oranges avait un goût de mélancolie pressée.

Celle que j’attendais arriva, avec dans les yeux ce sourire pétillant qui n’appartient qu’à elle. Nous avons changé de table, pour profiter de la lumière douce qui baignait le fond de la salle, près du piano noir et brillant. J’ai oublié sur l’heure mes âmes déchirées. Ils étaient toujours là quand nous sommes partis.

Toute fin, semble-t-il, appelle un commencement.

Le premier pas n’est pas le plus difficile

lundi 22 novembre 2004

Longtemps, je me suis couché de bonne heure, en me disant qu’un jour il faudrait que j’apprenne à faire le premier pas. Ne pas être intimidé face à une inconnue, pas du moins au point d’être incapable de lui adresser la parole ou d’échanger quatre phrases sujet/verbe/complément sur le temps qu’il fait ou la conjoncture actuelle dans le domaine du transport ferroviaire.

Maintenant que j’entretiens mon manque de sommeil avec une rigueur et une régularité qu’on pourrait qualifier d’exemplaires si on n’avait peur d’encourager le monde sur la pente glissante du dérèglement et de la décadence (mais je digresse, et ça n’en devient que plus glissant), mainteant donc qu’il n’est plus l’heure de dormir, je me rends compte que les choses ne sont pas si simples, et les gens encore moins. Le premier pas, en fin de compte, est le plus simple de tous. Un regard, un sourire, une conversation qui part sur tout ou sur n’importe quoi. Le plus souvent sur n’importe quoi, d’ailleurs, et peu importe en fait, puisque dès lors la glace est brisée.

Cela fait, on peut parler des heures. Et bien sûr, là, c’est le drame. Pourquoi ? Parce que l’étape suivante et décisive, c’est celle qui peut faire basculer la rencontre sociale dans le domaine de la rencontre de deux êtres à l’exclusion de tous les autres, au seuil de ce qui n’est pas encore une rencontre d’un soir ou d’une vie. Ce point-là, celui où on se demande si l’autre nous invite sans paroles à nous approcher plus qu’il n’est raisonnable, celui où naît l’intimité d’une rencontre, me reste inaccessible. Le premier pas n’est pas difficile, parce qu’il est social, parce qu’il n’est pas engageant, et parce que mon aversion au risque tolère encore d’échouer à ce niveau-là.

Mais à l’étape suivante, le spectre de l’échec me tient dans une terreur sans nom. J’ai peur de surprendre, et que cette surprise soit déplacée. Que mon interlocutrice soit choquée, mal à l’aise de ce que je m’intéresse à elle. Pour m’assurer de ce risque, la seule solution est de ne rien tenter. Au moins je ne risque de blesser personne. Ni, au deuxième pas, de me prendre les pieds dans le tapis.

C’est traîtreux, les tapis.

Pour voir

jeudi 11 novembre 2004

L’écriture qui démange, c’est comme une maladie bizarre, ça gratte jusqu’à ce qu’on s’y mette. On hésite, on cogite, on se demande quoi et comment, on achète un stylo, un carnet qu’on se reproche de ne pas ouvrir, de ne pas remplir, et puis finalement on se dit qu’on s’est peut-être juste trompé d’instrument. Et de modalité. Et donc, on essaie autre chose. L’intime n’a pas marché, parce que la page blanche, enfin grise une fois qu’elle est remplie, n’est plus jamais relue, et que les écrits qui dorment du sommeil éternel de la belle endormie ne valent guère mieux, en fin de compte, que les paroles pour toujours envolées. Verba volent, mais si scripta manent cachées sous mon oreiller, quelle différence ? Dans ces pages interdites, personne non plus ne vous entend hurler.

Donc, le journal intime semblait une impasse. Bienvenue dans mon journal extime.