Anne honni m’a
vendredi 5 août 2005Enfin, elle aurait pu. Elle me pardonne, je crois, elle me pardonne beaucoup, car j’ai cette chance insigne qu’on partage elle et moi une certaine tendresse pour la faiblesse humaine.
Enfin, elle aurait pu. Elle me pardonne, je crois, elle me pardonne beaucoup, car j’ai cette chance insigne qu’on partage elle et moi une certaine tendresse pour la faiblesse humaine.
Melie m’a proposé de contribuer mon point de vue sur quelques questions qui lui ont été soumises au décours de la Marche des fiertés de juin. D’autres s’y sont également collé-e-s, voir leurs réponses ici.
Je traite d’un coup deux questions connexes (la première et la dernière) :
S’agissant de « fierté », ne penses-tu pas que c’est antinomique avec la théorie selon laquelle on ne doit pas se poser la question de l’origine de l’homosexualité, dès lors que l’on ne se pose pas la question de celle de l’hétérosexualité ? Y a t-il une « fierté hétérosexuelle » ?
Certain-e-s disent qu’il ne faut pas rechercher la cause de l’homosexualité, au prétexte qu’on ne recherche pas celle de l’hétérosexualité : n’est-ce pas anti-scientifique ? D’accord par contre sur une reformulation de la problématique qui doit plutôt être : pourquoi certains sont ils hétéros, d’autres homos ?
Hétérosexualités, homosexualités, bisexualités, ce sont pour moi autant de catégories que l’on peut observer, constater, dans la palette des relations entre les êtres humains. De mon point de vue scientifique, il n’y a pas de tabou à s’interroger sur l’origine du fait anthropologique que ces pratiques sociales (j’entends par là micro-sociales) constituent. C’est justement dans cette perspective qu’on peut tenter une explication de l’émergence des revendications de fierté des lesbiennes, gais, bis et trans : en tant qu’on reconnaît la diversité des modes relationnels amoureux, sensuels, sexuels comme un fait des individus pris dans leurs relations les uns aux autres, et les uns à l’ensemble des autres, c’est-à-dire à la communauté.
Ce que signifie, à mon sens, la revendication de fierté, c’est la nécessité pour chacun d’être admis, dans le regard de l’autre, avec sa spécificité propre, en particulier avec ses modes relationnels. La nécessité d’être vu tel que l’on est (parce qu’à défaut de cela notre identité même, niée dans ses caractéristiques les plus fondamentales, serait niée, et par là c’est notre existence en tant qu’individus qui serait mise en danger).
À ce titre-là, on pourrait aussi bien légitimer une revendication de fierté hétérosexuelle d’ailleurs ; et à la rigueur de fierté d’humain en général. Pourquoi alors spécifiquement une manifestation de fierté des homos, gais, bis, trans ? Peut-être face à une majorité d’individus conformes à des schémas relationnels hétérosexuels qui se trouvent constamment donnés comme modèles, références, standards, comme normes finalement. Ceux-là reconnaissent dans leur entourage les interactions qui sont les leurs propres, et qui sont en même temps des archétypes ancrés profondément dans les constructions sociales dont ils font partie.
Dès lors qu’au contraire je me démarque des canevas archétypiques, j’ai besoin, moi animal social, que la réalité de mon fonctionnement soit reconnue et admise au sein du contrat social. La fierté, c’est la revendication que mon mode d’existence soit acté par chacun de mes semblables humains, alors même qu’il n’est pas nécessairement conforme au leur.
La Gay Pride ne va-t-elle pas l’encontre de l’intérêt des homosexuels en véhiculant l’image de « barjots extravertis et sans complexes » tout à l’opposé, me semble-t-il, de la réalité ? Ne serait-il pas bon de montrer de montrer que c’est souvent une souffrance, plutôt qu’un « choix » ?
Je crois que l’aspect festif et exubérant n’est qu’un aspect partiel de la Marche des fiertés, comme il n’est qu’un aspect partiel des communautés homo, a fortiori une observation très fragmentaire de la vie des gens qui se reconnaissent un peu, beaucoup, en plein dedans, ou à la marge de ces communautés. C’est une foule plurielle, composite, avec des jeunes, des vieux, des belles, des moches, des folles à paillettes, des garçons et des filles à l’air sage et triste, des ami-e-s qui marchent tranquillement sous le soleil, s’arrêtent à une terrasse pour regarder passer les chars pleins à craquer de danseureuses en folie… Ce sont des basses à pleins pots et des minutes de silence. Celleux qui veulent n’y voir que la réalisation de leurs préjugés y parviendront de toute façon. De l’intérieur c’est bien moins simple que cela. C’est la fête bien sûr, c’est une foule colorée, mais c’est aussi chaque année un grand papillon [1] beau et triste qui vole en silence au milieu du cortège.
N’as-tu pas l’impression que les « assos », quelles que soient leurs bonnes intentions, renforcent la « ghettoïsation » en ne s’ouvrant qu’aux homos eux-mêmes ?
Joker, je ne suis pas du tout impliqué dans le milieu associatif homo, je ne me sens pas très bien placé pour répondre à cette question. Bien sûr, à partir du moment où un groupe défini par une affinité d’expérience vécue s’identifie et se structure en se dotant d’organisations associatives, elle accède à la qualité de communauté, et de là se ménage un « dedans » et un « dehors ». Maintenant, est-ce que l’existence même de cette ligne de partage (floue, perméable, mouvante d’ailleurs) est un prix inacceptable au regard du bénéfice apporté par l’existence des associations ? Je ne le pense pas – autrement elles n’existeraient pas ou plus.
Au lieu de faire des « plans media » (et l’on sait bien que ceux-ci ne retiennent que le « sensationnel ») au sujet du mariage gay et de l’homoparentalité, ne vaudrait-il pas mieux en utilisant le lobbying et les relais d’opinion, lutter contre les idées reçues et militer d’abord sur la protection sociale et patrimoniale du couple homo ?
Pourquoi l’action médiatique spectaculaire ne pourrait-elle pas être l’un des instruments, parmi d’autres, de l’action militante d’une part, de l’action pédagogique d’autre part (car c’est bien de pédagogie qu’il s’agit, c’est-à-dire d’un travail de fond et de longue haleine d’explication et de répétition, lorsqu’on parle de lutter contre les « idées reçues ») qui ont pour but de promouvoir la protection sociale et patrimoniale de chacun, qu’il soit homo, hétéro, bi, célibataire, en couple, en trouple…
Bien sûr, l’événement seul ne suffit pas. Bien sûr, c’est une arme à double tranchant, qui peut saisir l’opinion mais aussi l’effrayer. Bien sûr, le lobbying et plus largement l’action politique sont essentielles, parce que c’est par la seule action politique qu’il nous est donné d’infléchir la règle de droit qui régit la société, et que cet infléchissement est l’un des enjeux (mais pas le seul !) de la Marche des fiertés.
Il s’agit d’instruments d’action complémentaires, et les uns ne peuvent ni ne doivent se substituer aux autres.
Les années et les mers les séparent. Sur elles deux mon regard s’est posé. Sur mon épaule leurs yeux se sont fermés. C’était le soir. Au creux d’une nuit d’automne, au long d’un soir d’été, j’apprenais leur cœur à tâtons.
Petit à petit une porte s’est ouverte. Au-delà du voile, elles se sont racontées. Si éloignées, et si étrangement semblables. Elles m’ont confié en partage le poids de leurs blessures, de leurs corps meurtris et de leurs âmes volées. Deux anges déchus par la violence des hommes. Deux récits de vie que je recevais en silence en réchauffant leurs mains entre les miennes.
Pourquoi précisément elles ? Pourquoi précisément moi ? Est-ce l’odeur du sang qui se lit sur mon visage ? Est-ce la trace de la mort qui lie nos destins ? Est-ce l’écho d’un cri qui résonne dans nos cicatrices ?
Venez, compagnes d’infortune. Venez, vous les âmes déglinguées. Déversez sur mon corps votre trop-plein de larmes.
Alice reposa son pinceau de lumière. Elle venait de terminer un nouveau texte pour le Carnet, et prit un peu de recul pour embrasser du regard sa dernière création, un artefact ciselé que bientôt quelques amis fidèles ou inconnus de passage viendraient contempler. Alice mettait un soin particulier pour calligraphier les pages que la jeune fille aux grands yeux tristes, là, au-delà de la dalle de verre, lui dictait patiemment.
Ce jour-là, la jeune fille voulait offrir à ses lecteurs une visite guidée de quelques-uns des carnets qu’elle gardait précieusement au creux de sa Marmite à blogs. Elle dit à Alice : « je voudrais leur dire pourquoi j’ai mis ces noms-là, tu vois, sur le côté… » Alice traduisit : « les liens qui agrémentent la marge gauche de cette page ». Bien sûr, de son point de vue, de l’autre côté de l’écran, c’était logique, mais pour qui passait lire par-dessus l’épaule de la jeune fille, c’était de l’autre côté. Parfois elle oubliait ce détail, mais le mur translucide qui les séparaient et sur lequel elle traçait ses mots l’obligeait à jongler pour écrire dans le bon sens.
Alice remplaça sa « gauche » par une « droite » et la jeune fille vit que cela était bon.
Coïtus Impromptus, semaine 21
Au cours des mois passé, plusieurs personnes qui ne se connaissent pas et qui découvraient mon chez-moi indépendamment m’ont fait la même remarque. Selon elles, l’endroit donnait l’impression que je venais tout juste d’emménager, en particulier parce que les murs sont toujours uniformément blancs.
De fait, les quelques posters, affiches et autres planisphères que j’ai en stock sont toujours sagement roulés. Les tirages photograpiques dorment, soigneusement classées dans les pochettes numérotées chronologiquement. Jamais trouvé le système idéal pour accrocher les posters. Patafix qui fait des taches ? Punaises qui font des trous ? Sous-verres ? Cimaises coûteuses et compliquées ? Jamais su choisir non plus quelques photos à mettre au mur, surtout s’il faut faire tirer un agrandissement, exécuter une marie-louise de dimensions adaptées et monter le tout dans un cadre idoine.
Alors, pour l’heure, la Plage immense et colorée demeure la seule image qui interrompt le désert blanc. Et je ne suis pas très motivé pour que ça change. J’aime cet espace vide, cet espace nu, l’élégance et la luminosité de ce Rien dépouillé qui constraste avec la chaleur du parquet de bois clair.
Non, je ne viens pas d’emménager le mois dernier. J’ai mis deux ans à peaufiner ce vide.
J’étais chonchon au réveil. Enfin, pour autant qu’on puisse parler de réveil quand on vient de passer deux ou trois heures plié en douze sur un coin de banquette arrière de Micra presqu’entièrement occupée par une rousse endormie, le dos meurtri par les machins de plastique saillant de la portière, tâchant tant bien que mal de trouver une position qui ne me vrille pas simultanément plus de trois articulations fragiles.
Pourquoi n’ai-je rien tenté samedi soir ? J’étais déjà ivre de fatigue (mais pas d’alcool, heureusement) lorsque nous sommes arrivé-e-s au Tango. Qui pour s’asseoir, papoter et picoler, qui pour observer, sur la piste de danse, mais pas si loin du bord, la foule des danseureuses qui se déhanchaient, se cherchaient, parfois se rapprochaient, s’embrassaient, au hasard des attractions extemporanées de leurs atomes crochus.
Nadia m’enjoignait de passer à l’action et de sauter illico sur quelque beau mec. Malheureusement, ce soir-là, je n’en apercevais aucun qui fût à mon goût, à l’exception peut-être d’un ou deux, trop vite perdus de vue dans la foule. Et pourquoi ne partait-elle pas, elle, à la conquête d’une demoiselle qui lui plairait ? « Oh, les filles c’est trop compliqué, tu vois, il faut leur parler pendant des heures. Vous les mecs, un regard et hop, c’est bon ! » Facile à dire.
Et puis on est allés s’asseoir avec les copains et les copines et j’ai continué de perdre mes pensées dans son regard sans oser lui dire que son charme dévastateur était, pour l’heure, le point focal de mon attention et la raison majeure pour laquelle je n’arrivais pas vraiment à m’intéresser à qui que ce soit d’autre.
J’étais perdu quelque part dans les limbes d’une rêverie éveillée, déconnecté du temps et de l’espace de la conversation, quand l’un de mes camarades m’a rappelé parmi eux : « Eh, qu’est-ce que tu attends ? Vas-y ! » Son regard me montrait une jeune fille seule, de dos, à la table d’à côté.
Bien sûr je n’en ai rien fait. Un mec qui drague une fille dans une boîte homo, ç’aurait cruellement manqué de classe. Et de toute façon je n’ai jamais su draguer en boîte.
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