Au bord de la nuit
mercredi 23 novembre 2005Dans le plat pays il y a un champ. Près du champ venteux se dresse un hôtel. Dans l’hôtel morne se trouve une chambre. Dans la chambre glaciale, un lit double où j’étais étendu. Seul.
Dans le plat pays il y a un champ. Près du champ venteux se dresse un hôtel. Dans l’hôtel morne se trouve une chambre. Dans la chambre glaciale, un lit double où j’étais étendu. Seul.
Vol Air France 304, Paris – Atlanta, au moment des plateaux repas.
– Poulet ou poisson ?
– Poulet, s’il vous plaît.
– Et comme boisson ?
– Je prendrai du vin rouge.
– Vous avez plus de seize ans ?
Hin hin. Rire jaune. Oui, ça fait un bon moment. Allez, dites un chiffre. Vous ne devinez pas ? Et si, déjà tant que ça.
Le steward est tellement surpris que plus tard il interpellera sa collègue lorsque je viendrai à la cambuse demander une tasse de café :
– Tiens, tu lui donnes combien ?
– Vingt-quatre, vingt-cinq ?
Elle est gentille, je prends ça comme un compliment.
Vol Air France 307, vingt-quatre heures plus tard, Atlanta – Paris. J’entre dans la cabine. Tiens, le même équipage !
– Bonsoir !
– Bonsoir Monsieur, oh, mais on se connaît, qu’est-ce que vous faites ici ?
– Ben, et vous ?
Moi, je rentre à Paris. Et dans quelques jours je fêterai mes vingt-huit automnes.
Dimanche après-midi. Je me retrouve seul à la maison pour les derniers préparatifs de ce voyage-éclair aux États-Unis. Il faut aller vite, préparer mes affaires, ne rien oublier. Bien sûr ce n’est que pour 36 heures, tout tiendra dans le petit sac à dos, et pourvu que je n’emporte pas par erreur un objet nterdit, je pourrai même éviter le bagage enregistré.
Sept heures, le bip-bip du réveille me vrille les tympans. Dorine dort encore près de moi. Je me lève sans bruit, la laisse profiter d’encore un peu de sommeil.
J’ai la chance d’avoir un sommeil de bébé. Peletonné sous la couette en position fœtale, bien calé contre mon oreiller chéri, je m’abandonne sans crainte à l’étreinte de Morphée. Le plus souvent, il ne tarde pas à m’emmener dans un sommeil profond.
Seulement, depuis une semaine, je suis fatigué. Épuisé, même ; et à cause de celà, tout désorienté, et à moitié à côté de mes pompes. Et pour cause : depuis une semaine, nous avons changé d’heure. Le temps a insidieusement dérapé pendant que je dormais, et comme les bébés, j’ai le plus grand mal à m’adapter aux perturbations arbitraires de mon rythme nycthéméral.
Le fil du temps se tend, se déchire, se casse, et ma chair rétive s’insurge et fait la grêve. Je ne veux pas dormir, je ne veux plus me lever. Je ne sais plus quand je suis.
Il faudra bien des grasses matinées pour doucement glisser de nouveau dans le tic-tac huilé des heures qui s’égrènent.
Depuis quelques semaines, une angoisse sourde tenaillait le peuple de Berryer. Une justice aveugle, à la sévérité implacable, d’une dureté d’airain sous la robe herminée, allait-elle reléguer la réunion rituelle hors les murs du Palais ?
Hé bien non ! Vaillament représentée et défendue par Benoît Boussier, quatrième secrétaire de la Conférence du stage du barreau de Paris, la conférence Berryer revit ! Maître Boussier, grâces lui soient rendues, a sans nul doute plaidé avec brio la cause de la Berryer auprès de Monsieur le Premier président de la Cour d’appel, de sorte qu’il nous annonce aujourd’hui la tenue de la prochaine conférence ce jeudi, en salle des criées.
Toutes les informations (importantes) sont récapitulées chez Eolas.
C’est le soir, tard, on dîne d’une tarte au Maroilles simplement délicieuse. La discussion autour de la table va bon train. Sur le monde tel qu’il est, dans lequel nous vivons.
L’énergie, l’écologie. Panneaux solaires, nucléaire. Politique, on nous ment, on nous cache des choses. J’ai du mal à entrer dans ces débats-là. Je ne sais trop que dire. Je n’ai pas l’impression qu’on me cache tant de choses que ça. Et ce qu’on me cache, je ne le sais pas.
Il paraît, pourtant, qu’on en parle dans la presse. Celle qui sait, celle qui remue les scandales qu‘on tente d’étouffer, celle qui nous défend, nous, citoyens, contre eux, élites, gouvernement… J’ai l’impression de ne pas voir, de ne pas entendre.
Je me sens en porte-à-faux. Je n’adhère pas aux idées à la mode. Je ne crois pas qu’il faille urgemment sortir du nucléaire, je vote (un suffrage exprimé) à chaque scrutin, je considère que c’est un droit sacré auquel je refuse de renoncer, et aussi mon devoir de participer à la décision collective.
Mais au-delà de cela, je suis là décalé. J’ai l’impression de passer à côté des informations, des théories, des thèses et des systèmes que les uns et les autres adoptent, reprennent, critiquent ou fustigent. Je me sens un peu à l’écart, un peu idiot, hors du flot de la pensée du temps. Avec mes idées et mes idéaux probablement un peu naïfs, je ne sais pas très bien refaire le monde. Je préfère l’habiter tel qu’il est, m’y faire un petit nid douillet, et si je le peux le faire un peu meilleur aussi.
« Et toi, Thomas, tu ne dis pas grand’chose… »
Old soul
Très beau
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Ça valait le coup d'en l'attendre, ce...
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Un an plus tard Thomas, ce texte...