Archive pour la catégorie Général

Faire réduire à feu vif

dimanche 14 mai 2006

Un après-midi de mai, l’un des premiers ensoleillés. J’avais même laissé mon pull dans la voiture. Tant pis, pour le cimetière, ce serait en t-shirt. Les morts ne m’en voudraient pas.

Le petit groupe s’est rassemblé autour de la bière de chêne clair. La chaleur nimbait la scène immobile. Un rayon de soleil brillait, brûlant, sur le scellé de cire rouge qui semblait sur le point de fondre de nouveau. Un dernier instant de silence. Pour mémoire. Étouffé de chaleur. La main de l’enfant s’est glissée dans la mienne et je l’ai serrée pour qu’elle ne soit pas seule. La cérémonie simple et grave a lentement concentré l’émotion en une substance épaisse qui devenait palpable.

La terre a englouti le cercueil. Les derniers mots d’adieu, solennels et clairs, sont tombés dans la fosse avec une pluie de roses jaune pâle. Les larmes de l’enfant ont ruisselé sur ses joues, sans que nulle parole ne vienne les entraver.

L’appel du devoir

lundi 8 mai 2006

J’ai toujours eu une conscience aiguë de mes devoirs envers mon employeur. J’ai donc décidé, ces jours-ci, d’apurer avec zèle le solde de mes congés à prendre avant fin mai. C’était là une tâche éreintante, heureusement qu’il y a une semaine de boulot pour s’en remettre !

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Hors limites

lundi 10 avril 2006

Jamais avec les ex. Tu m’avais dit il y a longtemps qu’on renonçait au sexe quand l’histoire était finie. Les anciennes amours et les amantes de passage une fois perdues de vue, c’était zone interdite. J’ai fait mienne cette règle, fièrement intègre, droit dans mes bottes, jusqu’au jour où.
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Contrat Première Étreinte

dimanche 2 avril 2006

C’était soirée Nineties revival. La reine du disco avait convié toute la diaspora anglo-estudiantine, plus quelques copains. Le deux-pièces rue Sainte-Croix était bondé et bruyant du son de notre adolescence et des conversations ; la sangria – une recette non canonique à base de quartiers de pomme et de Fanta citron – coulait généreusement.

J’avais avisé la-coloc’-de-l’amie en arrivant. Une blonde toute fine, plutôt jolie, avec en pendentif la clé d’un placard – celui, peut-être, où dorment ses secrets. Or donc la conversation s’engagea sur ses goûts en matière de garçons. Elle les aime beaux, bien sûr, intelligents, aussi. Et attentionnés ? Surtout pas, je préfère les connards !

Elle nous chambre, bien sûr. Cela ne fait aucun doute. Aucun ? Elle développe. Les mecs gentils, c’est trop facile, c’est gagné d’avance.

Elle est donc sérieuse. Elle aime le défi et l’insécurité permanente, toujours devoir gagner l’attachement de l’autre. Au jeu de la séduction, elle veut jeter sa victoire à la face du monde, triompher des plus durs. Elle veut se battre, se battre et gagner ; à vaincre sans combat, elle triompherait sans gloire.

Alors elle recherche l’amour vache, celui qui peut casser du jour au lendemain, sans justification dans la lettre de rupture. Diane chasse les connards sauvages, elle leur signe des deux mains un Contrat Première Étreinte.

Célibabstinence

lundi 27 mars 2006

Célibataire. C’est la liberté ? C’est pas de comptes à rendre ? Pouvoir draguer qui je veux, quand je veux ? C’est mon bordel chéri qui a le droit d’envahir l’appart’ sans que personne n’y puisse rien trouver à redire ?

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Soirée coton

vendredi 24 mars 2006

La semaine et les microbes m’ont crevé. Lessivé. Las, quelques courses encore pour manger ce soir. Il est tard et le supermarché se vide peu à peu. Bien sûr l’homme devant moi paiera ses courses, sept euros cinquante-six, en un monceau de petites pièces. Bien sûr, quand la faim et la fatigue se font prégnantes, il faut attendre encore un peu. Ce n’est pas grave, va. J’ai la soirée devant moi.

Le froid est humide, pénétrant, et je me réfugie loin sous terre. Un niveau après l’autre, comme tous mes frères voyageurs, je m’enfonce dans les entrailles tièdes de la ville. Le train s’ébranle, glisse dans le tunnel sombre. Je suis ailleurs, détaché, flottant dans l’engourdissement qui gagne tous mes membres. Le médicament commence à faire effet. Mon nez ne coule plus, mon cerveau s’éteint à petit feu, la torpeur douce s’installe. J’aime cette sensation cotonneuse.

Une station. Vite, descendre, maintenant. Je suis bientôt arrivé. Remonté à l’air libre, je marche vers le nid qui m’attend. La maison m’accueille, enfin la douce chaleur. Enfin, se poser. Nourrir et réchauffer le corps. Abreuver et rincer l’esprit. Débrancher l’intellect. Oublier tout. Ce soir, je ne vois personne. Je suis seul. Je suis bien.

Système granulaire

dimanche 19 mars 2006

Au commencement il y a le temps qui coule. Fluide, il m’emporte, parfois je veux m’accrocher un peu au bord et alors il roule contre moi et finalement m’entraîne de nouveau vers l’aval.

Dans le courant, un grain de sable. Du corps étranger dans un fluide en mouvement naît une zone de turbulence. Il suffit d’un mot, d’une phrase volée ici ou là, d’une sensation fugace au creux des tripes. Alors heure après heure, jour après jour, les limons s’amoncellent autour de l’aspérité originaire et l’idée prend corps, ridule sculptée quelque part sous mon crâne.

Ça percole tranquillement. Ça mûrit avec lenteur. Parfois bien sûr les mots débordent, s’épanchent et inondent l’un ou l’autre carnet avant que j’aie pu prendre garde de leur faire une digue. Hors les temps de vives eaux et les soirées d’orage, ils attendent sagement, sans faire trop de vagues. Je finis par m’asseoir, prêt enfin, seul et calme. J’écoute le silence de la ville et le café qui coule. Le breuvage brûlant, la mousse brune dans la tasse, c’est le signal. Les mots ici vont naître.

Coïtus Impromptus II, « Rituel d’écriture »