Mais en fait, t’es qui ?
jeudi 28 mars 2013Ce jour-là, il y a quelque temps, je suis allé bosser en métro. C’était un de ces matins grisouilles, humides et encore froids, où l’hiver tient bon devant un printemps qui n’ose pas dire son nom. Ça ne motive pas pour enfourcher Belzébuth. Quand je suis monté dans le train, je l’ai remarquée, adossée à la porte opposée. Elle était plutôt jolie, brune et fine, l’air vaguement familière. De vagues réminiscences la raccrochaient à une soirée chez L., je crois, sans toutefois pouvoir en jurer. En tous cas elle m’a souri et m’a tapé la bise. Salut, comment tu vas ?
Zut. Zut zut zut. C’était quoi, cette soirée ? Elle avait un prénom ? Non, c’est pas A., elle lui ressemble un peu mais c’est pas elle. Zut, zut zut zut. Gagner du temps, small talk et cold reading en attendant qu’elle lâche par inadvertance une bribe d’information qui me permettra de repêcher son dossier dans les tréfonds de ma mémoire bordélique. Je me justifie maladroitement d’être là — ce n’est pas la station la plus proche de la maison, mais je viens de déposer Choupinette chez sa nourrice. Ah, oui, mumblemumblePèreLachaise, elle marmonne un truc indistinct, semble accepter mon explication.
Rha, je suis naze…, elle fait. Bon, ça veut dire que je suis supposé savoir ce qu’elle a fait hier soir, imaginer pourquoi elle serait fatiguée ? Je suppose que c’est le moment où la perplexité se lit sur mon visage en lettres de feu. C’est là qu’elle percute :
— Euh, excuse-moi, je crois que je t’ai confondu avec quelqu’un d’autre… Raphaël, il a deux filles, il vient de se séparer… Mais… tu as fait comme si tu me connaissais !
— Euh, oui, mais je sais que j’ai une mauvaise mémoire des visages…
Je suis du même coup soulagé, pour cette fois ma mémoire avait raison de me dire « inconnue au bataillon ».
Elle est allée s’asseoir, à la fois rigolarde et penaude. J’ai plongé dans mon bouquin en la regardant en coin. Quand je suis descendu on s’est souhaité Bonne journée !
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