Je ne suis pas la cible
samedi 4 novembre 2006Je prends l’occasion d’un commentaire de Nezumi pour revenir un peu plus en détail sur le fonctionnement assez vicieux du site dont il est question.
Ce n’est pas « juste » un site de rencontre, le concept me semble un brin différent.
Un site de rencontres, tel qu’on le conçoit généralement, c’est quelque chose où les gens qui le souhaitent vont s’inscrire pour se rencontrer entre eux. Là, on a quelquechose d’autre. Les quatre courageux anonymes ont commencé par établir un fichier de blogueurs parisiens célibataires, sans leur demander leur avis (je ne sais pas s’il y avait des filles dans le fichier, je me dispense donc de dégenrer, hop). Déjà rien que ça, moi, ça me chatouille gravement sur le problème du respect de la vie privée.
Ensuite décortiquons un peu le principe du site. « Cooptation amoureuse ». Je n’ai toujours pas bien compris ce que ça voulait dire. Une relation amoureuse, ça se construit à deux sur le hasard d’une recontre et une alchimie individuelle. Je ne vois pas bien où est la place de la cooptation, ici.
Ou peut-être simplement que les « cibles » successives s’entre-cooptent : on s’accorde entre amis le privilège d’être mis à la une et en réclame, et se donner l’impression que pour une fois on ne va avoir que l’embarras du choix parmi des prétendant-e-s qui donneraient tout pour vous rencontrer. Chacune des cibles aura à bon compte son quart d’heure de célébrité. Mais peut-on légitimement parler de « rencontre » quand la relation est autant faussée par la publicité et déséquilibrée par la dissymétrie du processus ? Et quand la seule communication possible entre les chasseurs, qui doivent convaincre la cible d’accepter un rendez-vous (et pas lui donner envie) passe par un tiers qui pourrait difficielement être de confiance vu qu’on ne sait pas qui c’est[1].
Ensuite vient le moment du vote des internautes. Ah, oui, parce que la cible n’a pas la liberté de rencontrer le chasseur ou la chasseresse de son choix, non. C’est le public qui vote, comme aux meilleures heures des jeux du cirque, et la cible est tenue de prêter son temps, son corps, son cul au bon vouloir de la foule qui se sentira ainsi un peu plus que simple spectatrice, qui pourra ramasser les miettes de la rencontre à défaut de la vivre directement.
À cet instant-là, la supposée rencontre échappe au contrôle des deux seules personnes concernées. Elles sont dépossédées, au profit de la foule, de leur colloque singulier. C’est là que le jeu devient vraiment malsain et pervers. Humainement, ça ne me paraît pas acceptable.
- Enfin, on a bien une petite idée quand même, on peut aller voir à qui appartient le nom de domaine, et en ce qui concerne la confiance on sait quand même à quoi s’en tenir vu le peu de cas que ces gens-là semblent faire du respect de la vie privée, cf. supra. ↩
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