Électron périphérique
mercredi 31 mai 2006Arrivé à Lyon par le train du matin, bondé à l’orée du week-end prolongé, je les avais rejoints pour déjeûner, puis nous nous sommes mis en route pour la maison familiale, perdue dans la campagne, isolée au point qu’il y faut mille acrobaties subtiles pour trouver le lieu et l’orientation adéquats chaque fois qu’on veut utiliser son téléphone mobile.
Nous allions être ensemble quatre jours, retrouvailles des copains, dix ans déjà qu’on fait les quatre cents coups. Ensemble. Eux naturellement s’assemblent, s’agencent, me semblent trouver chacun intuitivement son rôle, sa fonction. Machine qui glisse presque sans bruit, cliquetante, onctueuse comme le doux glissement d’une mécanique fine. Merveilleux orchestre des grégaires qui savent vivre en parfaite symbiose, qui l’ont appris tandis que je n’ai jamais su que graviter autour du noyau, à plus ou moins de distance, singulier, attaché et éloigné à la fois.
Les uns s’occupent du barbecue, les autres en cuisine concoctent des sauces succulentes, d’autres encore prennent un apéro bien mérité au retour des courses matutinales.
Au milieu d’eux je me débats, je m’agite, je m’épuise à chercher comment prendre part à cela. Je désespère de ce sentiment d’inutilité profonde. Et ce n’est qu’à la nuit noire, dans le silence de la maison endormie, que je trouve enfin une place. Je range les derniers verres, la bouteille presque vide de vieux malt, je m’assure que ceux qui dans quelques heures se lèveront tôt trouvent une table propre et vierge. Farouche et solitaire, je n’existe que seul au cœur de la nuit.
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