Système granulaire
dimanche 19 mars 2006Au commencement il y a le temps qui coule. Fluide, il m’emporte, parfois je veux m’accrocher un peu au bord et alors il roule contre moi et finalement m’entraîne de nouveau vers l’aval.
Dans le courant, un grain de sable. Du corps étranger dans un fluide en mouvement naît une zone de turbulence. Il suffit d’un mot, d’une phrase volée ici ou là, d’une sensation fugace au creux des tripes. Alors heure après heure, jour après jour, les limons s’amoncellent autour de l’aspérité originaire et l’idée prend corps, ridule sculptée quelque part sous mon crâne.
Ça percole tranquillement. Ça mûrit avec lenteur. Parfois bien sûr les mots débordent, s’épanchent et inondent l’un ou l’autre carnet avant que j’aie pu prendre garde de leur faire une digue. Hors les temps de vives eaux et les soirées d’orage, ils attendent sagement, sans faire trop de vagues. Je finis par m’asseoir, prêt enfin, seul et calme. J’écoute le silence de la ville et le café qui coule. Le breuvage brûlant, la mousse brune dans la tasse, c’est le signal. Les mots ici vont naître.
Coïtus Impromptus II, « Rituel d’écriture »
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