Archive pour le 25 avril 2005

Le cuistre

lundi 25 avril 2005

Avenue de l’Opéra, samedi soir de printemps. Un petit creux après le ciné, on est allés voir Garden State. Nous sommes installés en terrasse à l’Indiana. On pouffe comme des collégiens entre deux bisous et une gorgée de frozen margarita.

À la table voisine, il est là, ou plutôt il trône. La trentaine hautaine, le vilain brushing, créneau à la Tanguy, la gueule d’enfant sage, il pourrait vouloir dominer l’avenue d’un regard circulaire. Mirador de terrasse, il scrute le va-et-vient dans la lumière du soir, pas encore la pleine Lune, les genoux absurdement écartés dans une posture qui semble signifier : « admirez-moi ce matos ». Il vide, solitaire, des litres de bière blonde.

Passe alors une serveuse, frêle blonde pressée, et dans le feu de l’action, gling gling, sa monnaie lui échappe, se sème sur la terrasse. Roulement de tambour, le type va parler. Mieux, nous offrir un trait d’esprit. « Hé, ça ne pousse pas, ces choses-là. » Ran, plan, plan, fermez le ban.

Hin hin[1]. C’est tellement bon d’enfoncer le petit peuple. Elle, elle est déjà ennuyée de devoir ramasser au milieu des clients les quelques centimes d’euros qui se sont fait la malle. Il pourrait l’aider, serviable, ce serait élégant. À défaut, il pourrait juste avoir la délicatesse de ne pas ajouter l’insulte à la blessure.

Non, il ne fait que cracher le venin de sa bêtise. Si ça se trouve, être méchant, c’est un mode d’être chez lui. C’est peut-être le seul moyen qu’il a de parler aux gens.

Si ça se trouve, il s’appelle Hilarion.

Notes

[1] Rire jaune.