Hier soir, après le ciné, on est allés manger des sushis. Pendant que je me délectais d’un bout de saumon frais sur son canapé de riz gluant, elle m’a dit qu’elle avait enfin évincé son ex de ses pensées. Pourquoi cette maïeutique avait-elle été si pénible et si longue ? L’attachement lui paraissait irrationnel aujourd’hui, puisque cela ne faisait que la rendre malheureuse. Pourquoi le quitter pour de vrai, pour de bon, avait-il été si difficile ?
Recouvrer sa liberté, c’est se retrouver seul devant sa glace le matin. Et le soir, aussi. Ça laisse un grand vide dans la vie, et le vide fait peur. Il fait peur parce qu’il attire, parce qu’il avale, il engloutit. Sortir d’une relation-prison, c’est faire le grand saut dans l’abîme de la liberté, et sans parachute. Cela peut faire peur, je le conçois, je le crois en tous cas. Quand de l’amour il ne reste plus que des souvenirs, qu’une souffrance dans la présence de l’autre, cette présence est encore quelque chose. Mettre fin à la souffrance, cela ne se fait qu’au prix du dernier sacrifice, de l’abandon, du deuil de cette présence. C’est peut-être là ce qui fait toute la difficulté d’une vraie séparation, toute indispensable qu’elle apparaisse.
Pour cesser de souffrir, il faut trancher dans le vif, briser ces chaînes qui sont autant des entraves qu’une ligne de vie, et prendre la responsabilité de plonger sans savoir s’il y a un filet en-dessous. (En général il n’y en a pas, de toute façon.) L’instant d’avant le saut, c’est celui du nœud dans l’estomac, celui où rien n’existe que le vertige. Et là, on hésite toujours, comme quand on est assis au bord de la porte ouverte d’un avion en vol.
Mieux vaut être seul que mal accompagné… ou pas.
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