Le temps des noyaux

Ça a commencé il y a huit presque neuf ans, j’avais vingt ans et toutes mes dents, tralala. Et puis un soir je suis tombé amoureux sur une marche d’escalator. J’ai voulu l’embrasser fougeusement, elle m’a pété deux dents. Les marches d’escalator sont toutes des salopes. Et c’est comme ça que j’ai commencé à avoir des relations plus suivies avec les dentistes, et qu’on m’a offert deux jolies incisives en céramique.

J’avais appris la sensation de ces dents pas comme les autres, surtout quand le bout de la langue se pose sur le métal derrière la couronne. Je les avais apprivoisées, elles passaient presqu’inaperçues, bien malin étaient celleux qui voyaient, au premier coup d’œil, que c’était pas du vrai. J’allais ainsi, croquant la vie, les amours et les fruits sucrés. Ah, les fruits sucrés. Ce jour funeste d’août, je couronnais mon déjeûner de quelques reines-claudes juteuses quand ma dent a buté sur le bois rugueux d’un noyau. Crac. Malheur, misère et consternation, un horrible trou dans ma jolie quenotte. Un éclat de céramique s’était cassé, et je me retrouvai avec le sourire d’un gamin turbulent et intrépide qui aurait mangé le bitume une fois de trop en courant après les indiens.

Le dentiste a été clair. La première chose qu’il a dite devant la scène du crime, c’est « On est mal. Là, vraiment, on est mal ! »

Je retourne le voir cet après-midi. On va déposer la vieille couronne cassée pour en mettre une neuve à la place. Ça veut dire qu’il va prendre son petit marteau et taper sur la dent. Jusqu’à ce que le ciment casse. (Et d’après les essais qu’on a fait la dernière fois, c’est pas du ciment de merde, il va falloir mouiller la chemise.) En espérant que ce soit bien le ciment qui casse, et pas ce qu’il restait encore de la dent sous-jacente. Chouette après-midi en perspective.

6 réponses à “Le temps des noyaux”

  1. nezumi a dit :

    Y en a qui disent que les dents ébrechées ça donne un look mauvais garçon très sexy. 😉

    Courage en tout cas!

  2. Melie a dit :

    J’ai passé beaucoup de temps chez le dentiste et sa pote l’orthodontiste. Bizarrement j’en garde plutôt des bons souvenirs…
    Faudrait que je pense au détartrage tiens !

  3. Un soir de pluie et de vent » L’artiste a dit :

    […] Enfant du bitume, fils de pub et cœur d’artichaut, Thomas dans tous ses états, surtout les plus improbables. « Le temps des noyaux […]

  4. Thomas a dit :

    Nezumi, moi j’aimais pas du tout.

    Melie, comme la suite de l’histoire le montrera (cf rétrolien), ça s’est passé dans une atmosphère d’humour badine et potache, et pour ce qui concerne le registre purement technique, on s’est trouvé dans le cas le plus favorable. Je suis content !

  5. Moon a dit :

    Mince…

  6. Un soir de pluie et de vent » Vertige lexical a dit :

    […] Mais depuis quelque temps un drame couvait. Mes soirées et mes nuits occupées jour après jour, à courir sans relâche de la piscine à la chorale, d’une bouteille de bière à une flûte à champagne ou à un diabolo-menthe suivant l’état de sortie au décours de l’itération précédente, à faire des courses entre les deux tout en répondant au téléphone et en entamant des travaux majeurs de maçonnerie buccale entre deux séances de chirurgie réparatrice appliquée au plafond du salon, qui en avait bien besoin. […]

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