Une connaissance aperçue sur le quai du RER

C’était l’autre soir, je rentrais du spectacle. J’avais salué l’ami qui m’avait invité, félicité les acteurs pour leur prestation, peu de temps mais beaucoup de travail, cela avait payé.

Je ne m’étais pas attardé. Pas la force d’essayer de socialiser, plutôt l’envie de fuir très vite cette sensation aiguë de n’avoir personne à qui parler. J’avais sauté dans le PC Porte de Versailles, au milieu de la foule du Salon de l’Auto, comme un corps étranger et silencieux brinquebalé dans la marée humaine. Plongé dans mon bouquin jusqu’à la Cité U.

Arrivé là, je venais d’arriver sur le quai du RER quand elle est passée devant moi. Je l’aurais reconnue du coin de l’œil. Je me suis arrangé pour regarder ailleurs le temps qu’elle me dépasse.

J’aurais pu la saluer, ç’aurait été urbain, papoter de tout et de rien, prendre des nouvelles des uns et des autres que sans doute elle continue de voir chaque semaine et que j’ai perdus de vue. Mais j’étais bien trop las pour chercher laborieusement quelque bon résumé de mes derniers mois. Elle n’aurait pas manqué de s’enquérir, bien sûr : « Et toi, tu deviens quoi ? Tu fais quoi, en ce moment ? »

Et rien ne m’effraie plus que ce genre de question. Je me sens faible et vide quand je me sens tenu d’avoir une vie passionnante. Je n’aurais pas pu l’émerveiller, qui voyage sans arrêt, intrépide et fantasque, jamais à court de rencontres improbables. Réfugié dans ma bulle de silence, j’ai préféré la laisser filer sans faire de bruit.

6 réponses à “Une connaissance aperçue sur le quai du RER”

  1. nezumi a dit :

    Si tu as fais ça, c’est que pour toi ce n’était pas « le moment »…
    Moi je trouve que tu as bien fait.

    Cela dit, je ne suis pas d’accord quand tu dis que t’as vie n’a rien de passionant. D’abord qu’est ce que c’est une vie passionante en vrai???
    :o)

  2. Justine Miso. a dit :

    Tu vois, quand je lis ça, je me dis « et si c’était moi »

    J’M.

  3. Sam a dit :

    Tout pareil que Justine et toi. En général, ma réponse est « oh, toujours pareil, rien de neuf ».

    Dans le même ordre d’idées, depuis des années, quand des amis ou des collègues me demande « Ça va ? », je leur réponds « Ça va toujours ! ». C’en est même devenu un rituel.

  4. Solveig a dit :

    Peut-être aurait-ce été pour elle une rencontre improbable, que de te croiser sur ce quai de RER 😉

  5. Thomas a dit :

    Oui Solveig, certainement très improbable… j’étais tellement loin, parti à l’intérieur, qu’il aurait fallu faire bien du chemin avant de me trouver ce soir-là…

  6. Aphrodite a dit :

    ça fait 1h que je suis sur ton blog trouvé au hasard d’une recherche sur l’expression « donner le change », alors je voulais te remercier pour cette écriture fine, précise, soignée, et pas indigeste, ni dans le fond, ni dans la forme. merci pour ce moment. et bonne route…

Laisser un commentaire