Glisser un bulletin dans l’urne

Du fond de mon enfance je me souviens des dimanches d’élections. Un rituel immuable, la table des enveloppes, les bulletins, l’isoloir, et puis Papa et Maman allaient glisser l’enveloppe dans l’urne qui faisait Ding ! et le Président disait A voté !. Tout gamin déjà je pouvais voir comment ça marchait. Plus tard j’ai régulièrement participé aux dépouillements, compté et recompté les suffrages exprimés, les blancs et les nuls, soulevé à l’occasion les cas litigieux pour classer un vote douteux dans l’une ou l’autre des catégories de l’article L. 66 du Code électoral.

Après-demain encore, j’y serai certainement ; une fois de plus je pourrai me convaincre par contrôle immédiat et direct de ce que l’élection est régulière. En faisant confiance à mes propres yeux, je pourrai m’assurer de la légitimité de la représentation nationale. C’est ainsi que la démocratie marche.

Seulement, je voudrais bien que cela dure. Je voudrais qu’un jour mes (futurs) enfants puissent m’accompagner dans un bureau de vote, voir ces petits bouts de papier qu’on cache dans une enveloppe qui atterrit au fond d’une boîte transparente. J’aimerais que nous tous, citoyens de la République, puissions continuer à voir la manifestation sensible de la démocratie en marche. C’est pourtant une chose dont certains élus locaux et leurs partenaires industriels veulent priver les français en leur faisant utiliser des ordinateurs de vote : des boîtes noires informatiques au fonctionnement secret, aux plans jalousement gardés, qui seraient supposés enregistrer fidèlement les votes des électeurs, mais sans qu’aucun citoyen ne soit mis en mesure de s’assurer de l’exactitude ou de la sincérité du décompte.

C’est un vrai danger pour la République, pour une démocratie que ceux qui nous ont précédés ont gagnée puis défendue de leur sang. C’est une injure pour leur mémoire, une trahison pour leurs valeurs, une condamnation pour notre futur. Alors j’ai signé, et je vous invite à le faire aussi.

Pétition pour le maintien du vote papier.

14 réponses à “Glisser un bulletin dans l’urne”

  1. GroM a dit :

    Dites-moi pourquoi tous les informaticiens que je connais sont contre le vote électronique, et tous les politiques, pour.

  2. Bloghorrée » Machins à voter a dit :

    […] J’ai rajouté un lien vers la pétition contre l’usage de machines à voter dans la colonne de droite. En cette veille d’élection présidentielle, Il me semblait important d’expliquer pourquoi je suis contre, jusqu’à ce que je lise ce billet de Thomas, qui dit en peu de mot tout ce que je pense. […]

  3. Dr Jekyll & Mr Hyde » Blog Archive » Pour ou contre le vote électronique ? a dit :

    […] Thomas nous invite à signer la pétition contre les machines à voter. Les procédés électroniques utilisés aujourd’hui ne garantissant pas la sincérité des résultats, je l’ai signée sans aucune hésitation. […]

  4. Jaina a dit :

    Tout comme Sam (pour ceux qui, comme moi, ont suivi le lien vers son blog), je ne suis pas fondamentalement opposée au vote électronique. Je n’ai pas signé cette pétition parce que je suis opposée au progrès, mais parce que je pense qu’en l’état actuel des choses, les ordinateurs de vote n’en sont pas un.
    Quand à savoir pourquoi les informaticiens peuvent être contre ce système Grom, peut-être est-ce tout simplement parce qu’ils voient plus facilement que les politiques comment ces machines pourraient être truquées, et quelles garanties il faudrait imposer pour être sûr qu’elles ne le soient pas. Garanties qui n’existent pas pour le moment, sauf à avoir une confiance aveugle dans les entreprises privées qui les fabriquent. Un peu dangereux quand il s’agit d’une élection aussi importante…

  5. Thomas a dit :

    Jaina, je suis bien d’accord avec Sam et toi : je n’aurais rien contre des ordinateurs de vote qui fournissent une preuve matérielle vérifiable de façon manuelle et indépendante. On peut tout-à-fait en concevoir. Voir en particulier les recherches à ce sujet de Rebecca Mercuri.

    Le problème réside bien dans le fait de faire utiliser à des électeurs des ordinateurs de vote qui ne permettent pas le moindre contrôle direct sur l’enregistrement des suffrages ni la vérification manuelle de leur décompte.

  6. LAURENT a dit :

    GrosM:
    Tous, les politiques: NON. Je suis maire, j’organise des élections depuis 10 ans avec des vrais assesseurs, un rituel humain et je ne veux pour rien au monde des machines à voter. Sans parler fraude et panne !

  7. Badinages » Archive du blog » A la recherche de débats intéressants a dit :

    […] Jusqu’à ce qu’un nouveau débat commence à enfler dans les milieux blogueurs : celui des ordinateurs de vote. Enfin un truc intéressant. Un coup d’oeil sur les arguments présentés sur le site d’abord, puis une bonne matinée passée à consulter divers articles, reportages (là et là) et autres commentaires d’internautes sur le sujet. Je ne vous ai retenu que ce qui m’a paru le plus important dans ce que j’ai lu, mais je ne prétend pas que l’opinion de tout le monde sera identique (cf les articles respectifs de Thomas et Sam). Libre à vous donc de vous ballader sur le site pour vous faire votre propre opinion. […]

  8. brigetoun ou Brigitte Celerier a dit :

    ce qui m’énerve c’est la fausse bonne raison : économie de papier (parce qu’économie tout court, compte tenu du prix des machines ça ne tient pas) et que je vois les bulletins reçus avec les professions de foi, parfaitement inutiles sauf pour les listes de courses.
    Et puis il y a un coté désacralisant qui me semble peu propice à faire prendre conscience de l’importance (tout de même) de ce geste.
    Sans compter, même sans triche, les risques de mauvaise programmation, de dysfonctionnement (voir en Amérique les machines qui affichaient des scores négatifs)

  9. archimboldo a dit :

    vous manquez de contradicteur semble-t-il, alors je m’y colle.
    A l’exception de l’argument subjectif, à l’appréciation de chacun, de la nostalgie d’un rituel de vote papier, je ne partage pas les autres arguments.
    La triche, grand dieux, le papier nous a largement démontré toutes ses vertus en la matière, et je serai curieux de connaitre l’opinion des envoyés internationaux contrôlant les opérations de vote dans certains coins chauds;
    Le papier permet de recompter certes, mais qu’est-ce qui empêche de rajouter une pile de bulletins .
    Sur le risque informatique, sincèrement je ne comprend pas.
    Nous avons confié tout notre argent à l’informatique et d’une manière générale l’économie mondiale. la monnaie scripturale, donc numérique, donc informatique, et on voudrait me faire croire que nous ne pouvons sécuriser une machine, au demeurant non connecté au réseau, ce qui est LE risque majeur pour une bécane.
    je rajouterai que j’aimerai qu’on aille encore plus loin, comme pour les élections au Conseil de l’ordre des avocats, élection validée par la Cour de Cassation, avec le vote en ligne;
    Ce vote en ligne a permis un rel accroissement du taux de participation
    Je sens que je viens de lacher une bombe !
    A+

  10. µ a dit :

    J’ai signé

  11. GroM a dit :

    @LAURENT: Merci, ça rassure. J’ai pu, au sein du PS, mesurer la solidarité de corps: « Contester les machines à voter ? Tu es fou, il y a des maires PS qui les ont fait adopter ». Bhen il y a des maires PS qui ont faite une connerie.

    @Archimboldo: c’est pas bien de copier/coller ses commentaires !

  12. Thomas a dit :

    Archimboldo, la triche invisible est beaucoup plus facile lorsque personne ne peut contrôler de visu la régularité du décompte des suffrages. Ce qui empêche d’ajouter une pile d’enveloppes ? Précisément le fait qu’en France tout le moins, des observateurs de toutes sensibilités politiques peuvent librement surveiller l’ensemble des opérations de vote dans des assemblées électorales où aucune arme ne peut pénétrer.

    L’analogie avec le système bancaire et financier ne me paraît pas pertinente, pour plusieurs raisons. Il y a d’abord lieu de faire une considération de localité. Faire confiance au système informatique de mon banquier n’engage que moi (et mon banquier). Faire confiance à un ordinateur de vote engage la Nation tout entière. Ensuite, les préoccupations de traçabilité ne sont pas du tout les mêmes. Une opération financière est toujours enregistrée en de nombreuses copies (au moins deux dans la comptabilité de chaque intervenant). Elles sont liées à l’identité de cellui qui les ordonne. Des reçus, relevés, bordereaux sont émis pour en attester l’inscription. Il y a donc de multiples moyens de croiser, collationner… et le cas échéant contester ces enregistrements.

    Rien de tout cela n’est possible avec les ordinateurs de vote, sauf à renoncer à des garanties essentielles pour la liberté du vote que sont l’anonymat et l’impossibilité pour l’électeur de prouver à un tiers le contenu de son vote. (Si cette impossibilité est levée, il devient possible de vendre son suffrage, ce qu’on veut éviter).

    Enfin, l’informatisation et l’interconnexion des systèmes bancaires et financiers a aussi rendu possibles des fraudes astucieuses à grande échelle d’une ampleur insoupçonnée jusque-là. Je ne suis pas persuadé que reproduire cela dans le système électoral soit souhaitable.

    Et sur ces bonnes paroles, je m’en vais voter.

  13. Laurent GUERBY a dit :

    Heureusement quelques politiques (de tout bords) commencent à prendre les décisions qui s’imposent, lire ici et la

  14. Un soir de pluie et de vent » Premières heures au Sarkoland a dit :

    […] 21:14. Je quitte le bureau de vote. Pour cette fois encore, j’ai pu m’assurer de mes yeux, de mes mains, que l’on comptait sincèrement les suffrages exprimés. Pour encore combien de temps ? […]

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