1997, année 20 — Trois cent deux

302, c’est la piaule de mes copains Laurent et Roland. C’est le point de ralliement de toute la bande.

Le dimanche soir on squatte la cuisine d’étage, en face. On organise de monstrueux graîllous, on miame, on rigole, pour finir le week-end en beauté avant d’attaquer une nouvelle semaine. Et puis je rentre à la maison. Ah, oui, je n’habite pas encore à la Maison des élèves. Je fais l’aller-retour depuis ma banlieue tous les matins, tous les soirs, cinq jours par semaine pour venir en cours. Et le dimanche pour voir les copains.

C’est là et avec eux que je fête mes vingt ans. J’ai aussi invité quelques amis de prépa, de ceux qui étaient là déjà deux ans auparavant pour m’aider à souffler les bougies de mes dix-huit. Thierry est là, Muriel aussi…

Parfois les soirées se prolongent. Un peu après minuit, je sais que mon métro se transforme en citrouille. Alors, c’est taxi, ou bus de nuit. Ou plus souvent, on déroule un sac de couchage sur le parquet de la 302, et je reste pour la nuit.

À l’été je rate mon permis de conduire. Après la conduite accompagnée, c’est rare. Je n’ai jamais été préparé à conduire en autonomie, je n’ai pas les réflexes essentiels. Mais c’est seulement à l’examen que je l’apprends. Quand je dois déboîter, l’inspecteur ne me dit pas, comme Papa, quand c’est bon et que je peux y aller. Il me laisse oublier de contrôler mon rétro et mon angle mort, rectifie la trajectoire au dernier moment et me fait bien comprendre que je suis ajourné.

Heureusement que les copains ont, pour la plupart, déjà leur permis. Ça fait un conducteur de moins, mais on peut quand même prendre la route pour notre virée camping au Danemark. Malgré les divergences d’opinion sur la nécessité, ou non, des oignons dans les pâtes carbonara, malgré les hurlements de Flore lorsqu’une fois le Tetra-Pak de yaourt liquide vidé de son contenu, je le déplie et le mets à plat pour léchouiller avidement les dernières traces qui subsistent à l’intérieur, nous passons un excellent séjour. La route du retour traverse les Pays-Bas, et la douane française ne nous embête presque pas à cause d’hypothétiques stupéfiants que nous aurons pu rapporter de là-bas. Nous sommes de bons enfants, ils finissent par en convenir, et nous laissent filer.

La rentrée arrive. Pour cette deuxième année, je ne veux plus m’épuiser à faire deux heures de métro tous les jours. Je ne veux plus devoir partir, devoir rentrer, quand tous les autres sont là ; revenir, le lendemain matin, et apprendre à la pause café tout ce qui s’est passé entre-temps et que je n’ai pas pu partager. Je demande donc à emménager à la Maison des élèves. Je serai en chambre double avec Éric.

Nous aurons la 304.

Vingt de trente petits cailloux.

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