L’oxymore

La grande brune aux cheveux longs, on l’avait repérée de loin. Au milieur de la soirée étudiante, on la remarquait. Pulpeuse sans avoir l’air ronde, des formes généreuses à se damner que soulignaient un t-shirt moulant qui seul avait la chance d’épouser ses courbes. Elle nous attirait l’œil et nous tâchions de rattraper maladroitement notre langue. Baver d’envie en public, ça ne se fait guère.

Et puis elle s’est tournée vers nous, et on a été pétrifiés. Sur le galbe magnifique de sa poitrine s’étalait un slogan en larges lettres blanches. Printemps 2007 – Nicolas Sarkozy.

On a fini nos bières d’un trait pour se remettre du choc. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre un oxymore incarné.

15 réponses à “L’oxymore”

  1. Jaina a dit :

    J’ai déjà fait remarquer oralement à Aurèle que conceptuellement, ça n’a pas grand chose de plus choquant que de porter un T-shirt « Désir d’avenir – Ségolène Royal ».

    Franchement ça me pose un problème qu’en France, des gens puissent être ostracisés de cette manière à cause de leurs opinions politiques. Pour aller plus vers les extrêmes, 18% des électeurs français ont voté Le Pen le 5 mai 2002 ; est-ce que c’est en les traitant de cons que ce problème sera résolu ? C’est pourtant la solution de facilité choisie par beaucoup trop de monde à mon goût…

  2. Thomas a dit :

    Jaina, la différence, c’est que les idées sous-tendues par un t-shirt Désir d’avenir me plaisent plus que celles qui vont avec le t-shirt bleu Nicolas Sarkozy.

    En ce qui concerne l’ostracisme supposé dont ces gens-là feraient l’objet, je suis un tantinet dubitatif. Je n’ai pas eu l’impression que la demoiselle en question se faisait jeter des cailloux par les gens qui passaient par là, dans l’ensemble.

    Et tu me permettras, enfin, de continuer de dire que de ses formes et de ses idées (affichées) résultait à mes yeux un curieux mélange d’attraction et de répulsion. Cela étonnera sans doute, choquera peut-être… mais il m’arrive en effet de m’intéresser non seulement à la plastique de mes semblables, mais encore à ce qu’illes ont dans la tête.

  3. Calamity a dit :

    Une fois, aux USA, un collègue était arrivé au labo avec un t-shirt « Friends don’t let friends vote democrate ».
    Ça m’avait agacée.

  4. Pierre a dit :

    Eh bien moi, je prétends que des idées qui ne sentent pas bon, il n’est pas besoin de creuser très fort pour en trouver très facilement chez les 12 candidats, autant qu’ils sont.

    Donc on est toujours le con de quelqu’un.

    Il faut reconnaître qu’un t-shirt moulant simplement marqué désir, ça aurait autrement plus de gueule :-).

    PS (si j’ose dire) : c’était Désirs d’avenir, et le bouquin prévu n’est jamais sorti.

  5. Jaina a dit :

    Pierre, désolée pour la fôte d’ortograf. ^^

    Thomas, elle est fortement sous-entendue dans ton article, et explicitée dans ta réponse : la répulsion. Tu trouves ça très normal d’éprouver ce genre de sentiment vis-à-vis des idées de quelqu’un ?

    C’est ce sentiment qui me pose problème, et pas seulement dans ton article : il me semble que cette politique de l’autruche est par trop répandue ces temps-ci…

    Il y a des gens qui votent pour cet homme. En tant qu’électeur opposé à ses idées, ne crois-tu pas que, pour convaincre ses partisans que les tiennes sont meilleures, il serait plus efficace d’en discuter avec eux sans mépris ou dégoût a priori pour leur opinion ?

    Pour la sérénité du débat et le retour du dialogue. Tout simplement.

  6. Pierre a dit :

    C’est amusant parce que si je comprends tout à fait la répulsion pour des idées, donc la deuxième explication de Thomas, j’étais beaucoup plus sceptique sur l’oxymore, qui tel que je le comprenais laissait entendre ni plus ni moins qu’il est contradictoire d’être jolie et partisane de Sarkozy…

  7. goon a dit :

    Hé bien faute d’être impartial et rationnel, encore moins rassembleur, en tout cas il m’a quand même bien fait rire ton billet! 🙂

    (et pourtant j’étais à fond dans le débat ill y a peu, mais une fois arrivé à 38° de fièvre, on prends de la distance tellement plus facilement…)

  8. Jaina a dit :

    Mea culpa Pierre, tu as parfaitement raison : on peut bien sûr éprouver de la répulsion pour des idées. Je corrige donc : éprouver de la répulsion vis-à-vis de quelqu’un à cause de ses idées.

  9. Sarita a dit :

    Considéré que une jolie brune est une réalité contradictoire avec un vote Sarkozy et que le T shirt et la brune sont intimement lié… c’est vrai on peu envisager cela comme un oxymore…
    -sight-
    on peu vraiment plus rien utiliser comme mot sans que cela tombe dans le politique 😉
    si… choux de bruxelle (et encore, on peut y trouver une conotation politique j’en suis sûre!)

  10. OB a dit :

    Je suis d’accord avec Jaina.

  11. Thomas a dit :

    Jaina, le processus métonymique qui associe les idées à celleux qui les professent ne me paraît pas moins normal que celui par lequel illes l’affichent sur leur personne.

    D’autre part je n’ai jamais dit que je trouvais cette demoiselle repoussante, mais que l’attraction exercée par ses formes, soulignées par son vêtement, et la répulsion exercée par ses idées, tracées sur le même, inscrivaient dans mes yeux un message contradictoire.

    Parler de « politique de l’autruche » me paraît complètement déplacé, sauf à considérer que je méconnaîtrais un « devoir de militantisme » qui m’imposerait d’aller porter la bonne parole à toute personne avec qui je ne suis manifestement pas d’accord.

  12. Thomas a dit :

    Sarita, le chou de Bruxelles (Brassica oleracea L. var. gemmifera Zenker) est un objet politique de premier ordre, qui a fait l’objet de multiples directives européennes, l’une des plus récentes datant de février dernier.

  13. Jaina a dit :

    Thomas : Il ne s’agit pas de t’obliger à porter la bonne parole. Simplement de te faire remarquer que trouver repoussant l’ensemble de l’électorat de Sarkozy t’amène à éprouver de la répulsion pour près de 30% des électeurs français (et encore, sans prendre en compte le report des voix au 2e tour, ce qui nous amènerait à 50% environ).

    Il ne me paraît pas bon de couper ainsi le dialogue entre deux parties de l’électorat. On l’a déjà fait en 2002 en refusant de se demander pourquoi presque 20% de la population avait voté Le Pen. On l’a déjà fait en 2005 quand les gens qui ont voté « oui » au référendum n’ont pas compris la victoire du « non » (qu’ils la respectent, comme toi, ou pas). Et on s’achemine vers une nouvelle fracture au sein de l’électorat si jamais Sarkozy devait gagner au second tour. C’est le fait de ne pas vouloir voir cette répétition que j’appelle « politique de l’autruche ». Cette incompréhension m’inquiète, or j’avais l’impression que tu assumais pleinement le fait de refuser de comprendre l’opinion de cette fille…

    PS : Et s’il-te-plaît, j’assume le fait d’être inculte, mais essaie d’utiliser des mots comprehensibles quand tu me réponds dans tes commentaires. Histoire que je comprenne à peu près ce que tu racontes… 😉

  14. Hémisphère M a dit :

    Jaina: Il est de notre devoir d’accepter qui que ce soit pour ce qu’il est. Mais il est de notre droit ne pas accepter qui que ce soit pour ce qu’il pense.

    Or donc, je ne suis pour ma part absolument pas bousculée par le fait qu’une opinion contraire à la sienne, qui plus est opinion affichée (donc assumée et militante), puisse être répulsive et contraire au sentiment d’être « séduit ». (pour moi l’oxymore était d’ailleurs dans la séduction, pas dans le physique)
    Au paroxysme (et je dois avouer que pour moi NS en fait déjà partie, mais passons…) tu n’imagines pas une seule seconde sourire à un jeune homme au physique agréable qui milite haut et fort pour un Le Pen, ou bien? (ou alors…)

    J’ai l’impression quand je te lis que Thomas est soudainement allé gifler cette jeune fille. Alors que tout comme lui j’aurais eu la sensation de l’être moi.
    Stop donc aux bons sentiments mal dispensés, ils ne servent aucune cause eux non plus et sont bel et bien à l’origine d’une grande forme de « politique de l’autruche ». Et personne n’a parlé d’hostilité, il s’agit dans ce cas précis de se rendre compte qu’il n’y pas seulement un fossé d’opinion (et cela en effet se débat et se discute), mais surtout de valeurs (encore une fois on parle de quelqu’un qui arbore, qui milite… pas de l’électorat croisé au zinc de quartier et qui croit vraiment à ce qu’on lui a dit)

  15. obni a dit :

    Excellent !

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