Les passagers du Roissy-Express
C’est l’histoire d’un écrivain, éditeur et d’une photographe qui partent en grand voyage. À la découverte de contrées inconnues, de leurs populations, des mœurs et de la vie là-bas, si loin qu’on ne s’imagine même pas que ça pourrait exister.
C’est que François et Anaïk ont décidé de descendre le cours d’un long fleuve bleu : le RER B. D’un bout à l’autre, de Roissy (et Mitry-Claye) à Saint-Rémy-les-Chevreuse. Trente-huit gares (à l’époque, en 1989) et cinquante kilomètres du Nord au Sud de la banlieue parisienne.
Ils traversent l’Île-de-France en un mois, à la rencontre de ceux qui vivent là, dans ces villes et ces quartiers de banlieue qui pour les parisiens ne sont rien d’autres que des gares abstraites entre eux et les aéroports. Derrière les gares, ils prennent les bus improbables, marchent à travers cet espace urbain pensé seulement pour les voitures. Ils finissent par trouver quelque hôtel minuscule, loin du luxe ou du gigantisme de la grande ville, pour poser leurs sacs soir après soir et décanter les rencontres du jour.
Et ils racontent les femmes, les hommes, les gamins et les vieux, ceux qui se souviennent des jardins ouvriers… et ceux qui voient les vieilles barres de béton se dégrader lentement mais sûrement, bouffé par le mal de vivre de ceux qui ont été entassés là vingt ans auparavant pour louer leur travail aux usines disparues. Ils notent, ils écoutent, photographient, et parlent de violence et de respect perdu, de chômage et de racisme, du Front national qui devient le premier parti ouvrier de ces coins-là de France, de la solution tout-répressive qui ne marche pas. Des mots d’il y a quinze ans mais qui pourraient avoir été écrits hier sur la carcasse d’une voiture encore fumante.
Ils s’arrêtent un moment à Drancy dont le nom seul me gèle chaque fois que je dois prendre l’avion à Roissy. Une gare que je traverse sans jamais m’arrêter mais jamais sans la voir.
La cité de la Muette, 1935, l’une des plus grandioses tentatives de logement social de l’entre-deux-guerres.
La cité de la Muette, 1941-1944, camp de transit vers la mort.
La cité de la Muette, 1989, HLM décrépite.
Il aura suffi d’enclore la triste cour de métal gris de grillages barbelés pour faire d’une cité radieuse l’antichambre des camps d’Auschwitz et de Buchenwald. Pas de grand chantier, juste une mince dentelle de fer. Il n’est jamais loin, le monstre. Il reste là et la cité de la Muette est toujours debout. Il n’y a plus de miradors, plus de barbelés. Pour le moment.
Les Passagers du Roissy-Express de François Maspero, photographies d’Anaïk Frantz. Seuil, 1990.
J’ai découvert ce bouquin au hasard de la Pile à Lire de Pascal, qui pensait qu’il s’agissait d’une étude sur les passagers du RER B.
5 janvier 2007 à 12:27
Salut Thomas, j’avais adore’ ce bouquin que j’ai lu a sa publication. Tellement, que je l’ai prete’, re-prete’, et bien evidemment perdu. Tu me donnes envie de le retrouver… Maspero a egalement ecrit un joli roman au tres beau titre « Le sourire du chat », ca aussi il faut que je le retrouve et le relise. Et aussi une histoire de plage noire (le titre exact m’echappe), roman tres dur sur l’exil politique (il y a eu un film recent fait a partir du roman, je crois).
Bonne annee ! Fait, lit et ecrit tout ce qui te plait ! Au fait tu swingues toujours ?
5 janvier 2007 à 12:35
PS – pourquoi ton blog m’a-t-il toujours donne’ envie de repenser ma vie 😉
Moi, j’etais etudiante a Orsay et passagere de la ligne de Sceaux dans les annees 60-70, la portion sud, bourge, du Roissy-Express d’aujourd’hui. Maspero en parle aussi. Je me souviens du passage a propos du viaduc d’Arcueil, ma soeur habite maintenant dessous ! Ensuite j’ai habite’ a cote’ de Cite Universitaire, pres du parc Montsouris que l’on voit du train, et maintenant du tram. Mais tu as raison, ce sont les chroniques sur le nord de la ligne qui sont les plus belles et les plus poignantes, dans mon souvenir aussi
6 janvier 2007 à 17:26
Tilly, ça alors, quelle surprise ! Je suis content que tu repasses par ici. Te reverra-t-on lors d’un prochain Paris Carnet ?
Les Passagers est épuisé, mais on peut encore le trouver d’occasion.
Effectivement il y a quelques chapitres sur la section Sud, mais j’ai trouvé qu’il passait dessus très rapidement, contrairement à la plongée fort détaillée dans toute la partie Nord.
18 octobre 2007 à 19:54
Je tripote Google pour lui faire dire ce qu’il sait sur ce livre, qui a illuminé quelques une de mes nuits, et inspiré un projet un peu fou, et je tombe sur ton blog, alors forcément je laisse quelques mots… pas le choix, hein !?
19 octobre 2007 à 22:10
Gei, j’aime ces chemins qui se croisent. Qu’est-ce que c’est que ce projet un peu fou ?
23 novembre 2007 à 18:01
Moi aussi je tripotais google pour en savoir un peu plus sur ces passagers du Roissy Express…et je tombe ici, alors moi aussi je veux dire quelque chose!
Ce livre m’ai tombé dessus ,je l’ai lu et emporté partout depuis une semaine, si bien que j’ai renversé du jus de poulet dessus( la lecture olfactive: un nouveau concept)
On m’avais conseillé une liste de livres à parcourir dans le cadre de mes études (architecte-paysagiste), j’ai choisi un titre qui me faisait le plus réver. Entre histoire de l’architecture et urbanisme moderne et les passagers du Roissy Express, le choix est vite fait!
J’ai adoré, c’était pour moi la meillleure façon de me parler d’urbanisme, de sociologie, d’histoire, de géographie.. pour que j’en retienne quelque chose.
Et un voyage de ce genre ça me tenterais bien…c’est quoi le projet un peu fou alors?