Me prends pas pour un con, mec

Ce soir il y avait coupure de courant prévue à la maison. EDF bla bla intervention bidule améliorer réseau de distribution tout ça. Bref, ça allait couper. Quelque part entre vingt-trois heures et minuit. J’avais déjà descendu les machines proprement – les utilisateureuses avaient été prévenu-e-s par une circulaire rédigée avec le délice des termes choisis qui fleurent bon l’exploitation bien huilée des grands réseaux modernes. Je n’avais guère envie de me caler au fond du canapé en attendant, tendu, le moment où le noir se ferait, probablement à l’instant précis où la soirée télévisuelle se serait apprêtée à présenter un regain d’intérêt aussi improbable qu’éphémère.

Bref, je ne tenais pas à mettre en scène soigneusement l’interruption inopinée d’un larvage télévisuel en règle qui n’aurait pas manqué d’être source d’une frustration de beau calibre. J’ai donc chaussé mes pompes, revêtu blouson et écharpe, saisi le bouquin qui m’accompagne ces jours-ci, et me suis mis en quête d’un endroit où poser mes fesses au chaud pour une petite heure avec un vieil alcool et le livre susdit.

Le Caffè Lafayette[1] me semblait convenir. Je m’y suis installé, calé dans un fauteuil, un armagnac pour réchauffer la lecture. Un chapitre puis deux, et puis ce fut minuit, la coupure devait être finie, si tout allait bien, le moment était venu de régler ma consommation et de retrouver le chemin de mes pénates pour aviser lesquelles de mes horloges s’étaient mises à clignoter 00:00 et vérifier que le congélateur n’avait pas eu le temps de trop décongeler.

Je paye donc donc au loufiat les huit euros demandés. Je termine mon verre quand mon regard glisse juste par habitude sur la carte posée sur la table voisine. Tiens, l’addition a été généreusement majorée. Non, nulle surtaxe n’est prévue pour les heures tardives. Oh, et comme c’est bizarre, ma monnaie est bien revenue, mais sans ticket.

C’est curieux, d’ailleurs, il n’a pas fait de difficultés pour rendre le pourboire qu’il s’était octroyé d’autorité. Une malencontreuse erreur, sans doute. Sans aucun doute.


  1. Angle des rues Lafayette et de Saint-Quentin – Paris Xème.

5 réponses à “Me prends pas pour un con, mec”

  1. Esculape a dit :

    Tu vas pas te plaindre, pour 8€, t’as eu 4 demis !?!

  2. Melie a dit :

    Ben euh, ça arrive les erreurs… Tu surinterprètes peut-être un peu là Thom, non ? 😉

    (bon ok, moi aussi ça m’arrive parfois la paranoïa, l’important c’est de s’en rendre compte)

  3. Thomas a dit :

    Oui, oui, Melie, ce doit être une malencontreuse erreur, sans doute. D’ailleurs c’est bien en tant que telle que je l’ai signalée à l’intéressé.

    Cela dit, la coïncidence avec le fait qu’il ait oublié de me donner un ticket, et celui que l’établissement, proche de la gare du Nord, reçoit beaucoup de touristes (ça parlait étranger à toutes les tables autour de moi, ce soir-là) colore tout de même la situation d’une façon particulière qui n’est pas neutre pour la plausibilité de certaines interprétations.

    Esculape, bin si, je vais me plaindre. Pas pour quelques euros – j’ai la chance de ne pas être à ça près. Mais de la petite arnaque ordinaire commise par habitude, juste parce que le pauvre type en face a de bonnes chances d’être un touriste qui ne se doutera de rien. J’ai une vieille rancœur contre les voleurs à la petite semaine.

  4. Esculape a dit :

    Tu penses qu’il t’a pris pour un touriste de quel pays ?

  5. Thomas a dit :

    Peut-être un anglais ou un belge, tout juste descendu de l’Eurostar ou du Thalys, ou peut-être même pour un français de ces contrées reculées que l’on dit exister quelque part entre Paris et l’étranger…

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