Discriminant

En arrivant sur le quai du RER B, direction du Sud, je l’avais repérée. Jeune, un peu paumée peut-être, un peu rebelle sûrement. À son oreille, un bijou de corne dessinait un point d’interrogation. Je me demandais quelle question muette il pouvait bien lui murmurer.

Elle m’a abordé, son sourire brillant n’a fait de moi qu’une bouchée, pendant que je me noyais dans ses yeux. Elle m’a demandé quelques pièces parce qu’elle avait faim. J’ai levé les yeux au ciel, et raclé le fond de ma poche.

Non, habituellement, je ne donne pas de fric aux gens qui font la manche. Pour ne pas entériner le fonctionnement d’une société qui génère de la pauvreté, qui fait que des gens ont faim et que la redistribution ne va pas jusqu’à eux. Parce que je ne peux pas donner à chaque fois que je suis sollicité. Ou peut-être parce que je ne veux pas. Et parce que je ne veux pas non plus choisir, et alors être comptable de l’arbitraire de mon choix. Tranquille sérénité, à l’ombre du feuillage des grands principes centenaires.

Et puis je les ai croisés, elle, sa gueule d’ange, ses yeux qui me souriaient, son air adolescent, et je ne pouvais pas lui dire non, désolé, là j’ai pas de monnaie. Pourquoi elle, pourquoi pas d’autres, ailleurs, un autre jour ? C’est injuste, je sais. Il vaut mieux être jeune, beau et bien portant que vieux, laid et malade.

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