La reine des neiges

Je l’ai vue. D’un regard elle m’a glacé. Je tremblais. J’ai pris en masse, gelé de l’intérieur.


Je suis devenu iceberg. Immense bloc lisse et blanc, livide, flottant sur l’océan. Le froid m’a rendu insensible : anesthésié au monde. Plus rien ne m’a ému, plus rien ne m’atteint. Inerte, les courants qui traversent les cœurs de mes semblables m’ébranlent à peine. De glace, je glisse entre les îlots sans jamais m’y arrêter. Sans jamais qu’on m’y retienne.

Ce jour-là j’ai tu la voix qui criait, qui hurlait de joie ou de souffrance. J’ai tu la colère, la violence et l’amour passionné. Le feu a déserté, ne laissant qu’un petit tas de cendre. Il m’a laissé, détaché de ce monde, hébété.

Je vois les hommes et les femmes qui passent. Je vois les voix qui s’aiment et tour à tour se haïssent. Je sens les corps qui se donnent et se refusent, les baisers qui se volent ou qui s’envolent.

Et je reste assis au bord de la route. Bonhomme de glace depuis ce jour où je l’ai vue.

La mort.

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