District 9
J’ai fini par voir District 9. On m’en avait dit beaucoup de bien, et j’avais lancé un appel à la cantonade pour ne pas y aller tout seul. Incompréhensions et Mlle Elle ont répondu présentes. Je m’en suis voulu de les avoir traînées dans ce traquenard.
De fait, c’est loin d’être un bon film. En fait d’une réalisation prétendue « à la manière d’un documentaire », une caméra à l’épaule et quelques témoignages de protagonistes d’un événement entrecoupés d’images d’archives, un montage comme on peut en voir le dimanche soir dans les news magazines servis par la télévision pour meubler à faible effort la torpeur vespérale de la toute fin de semaine. Au mieux c’est décevant, au pire c’est une injure faite au genre.
La parabole promise sur l’état des migrants et la ségrégation brille par son absence. Les aliens se trouvent là par hasard, sans origine ni but, parqués absurdement sans que personne ne se demande ni comment ils sont arrivés là, ni pourquoi ils devraient rester. Ils sont parqués, plus ou moins isolés, sans que soit plus qu’esquissée la question qu’il aurait été intéressant de traiter : l’inscription de ces autres dans la cité des humains.
Le spectateur, sur sa faim, se contente pour maigre pitance de l’enchaînement convenu des péripéties sans surprises d’un humain rebelle, finalement attachant et héroïque (blanc) aux prises avec ses anciens patrons (blancs), plus d’horribles crapules cannibales (noires). Dans cette histoire, la leçon d’apartheid n’est peut-être pas là où l’on croit.
La leçon de cinéma, elle, est ânonnée servilement. Les méchants ne savent pas tirer, les armures des gentils sont les plus solides, et on peut piloter à distance un vaisseau spatial (équipé d’une corne de brume, histoire de pouvoir marquer le coup au moment où il se remet en route après vingt ans de stationnement au-dessus de Johannesburg) avec un module bricolé de bric et de broc dans le sous-sol d’une cahute de bidonville avec des morceaux d’ordinateurs de récup’. Certes, on est au cinéma, je suis censé suspendre momentanément mon incrédulité. Mais certaines pilules sont quand même violemment surdimensionnées pour mon modeste gosier.
La haute teneur en sucre de l’ensemble du propos ne le rend pas moins fade. Les bons sentiments et l’amour éploré mais triomphant dans l’adversité (même quand votre bien-aimé se transforme en crevette géante mangeuse de pâtée pour chats) sont servis à la truelle, histoire d’avoir un joli plan pour la fin du monstre qui fabrique une petite fleur avec des bouts de machins récupérés à la décharge.
En somme, un nanar de fort calibre. On ne peut pas nier que les effets spéciaux sont convenablement maîtrisés, et on ne s’ennuie pas vraiment. On est juste navré d’un bout à l’autre d’une histoire mal ficelée qui ne semble avoir d’autre fonction que d’autoriser un bon gros jeu de massacre où méchants et aliens se font joyeusement exploser les uns les autres.
La seule surprise de ce film, finalement, c’est la passion qu’il déchaîne, au point qu’un certain nombre d’aficionados en délire ont commencé à me jeter des cailloux dès qu’ils ont su que je n’ai pas adoré. Je m’en vais d’ailleurs de ce pas enfiler un caleçon ignifugé, car je laisse — pour l’heure — les commentaires ouverts.
25 septembre 2009 à 20:47
En attendant la volée de bois vert, je suis heureuse d’être la première à te tirer mon chapeau, mon cher.. j’ai toujours pas vu le film (et je n’irai certainement pas donner mes sous à un film où les noirs sont méchants en plus d’être cannibales) mais j’aime te voir te dresser envers et contre tous (dont Télérama!!). Merci, décidément, pour ton art d’assortir les chaussettes 😀
26 septembre 2009 à 09:44
Merci pour le temps qu’ainsi tu me fais gagner, en plus que mes soirées sont précieuses. Tes arguments « contre » me sont convainquants – quand je n’aime pas un film c’est souvent pour ces mêmes raisons -.
Il y a en effet en gros et je crois deux façons de diverger d’avis sur un livre ou un film.
L’un dit, Je déteste il est vert fuchsia. L’autre dit J’adore, trop génial, il est vert fuchsia. Ce que l’un aime l’autre n’aime pas mais tout le monde a perçu la même chose.
L’un dit, Comme c’est beau ce vert fuchsia. L’autre dit, mais tu n’as rien compris il était bleu pomme. Et c’est comme si personne n’avait vu ou lu la même œuvre.
Dans le cas de ce film-là, j’ai l’impression que tout le monde a vu le vert fuchsia mais que certains aiment et d’autres pas ou ont trouvé la teinte réussie et d’autre pas, et je crois que si je le voyais je penserais comme toi.
27 septembre 2009 à 09:30
Je n’ai pas vu le film. Très jolie critique, effectivement ça me fait penser que si j’y vais ça risque de m’énerver pour les mêmes raisons.
Juste une remarque : contrairement à ce que tu sembles insinuer, ça peut être très délicat, une truelle.
28 septembre 2009 à 08:36
C’est peut-être juste qu’il ne faut pas chercher un message politico-philosophique là où il n’y en a pas ? J’y étais aussi allé en espérant voir un truc intelligent, et puis très vite, j’ai compris que c’était un bête film d’action avec sa dose de complot gouvernemental et de gentils très beaux et de méchants très laids. Un « Raison d’Etat » ou un « The Sentinel » comme il en existe déjà des milliers, mais avec un poil d’originalité en plus : les aliens. (D’ailleurs, as-tu remarqué les quelques hommages à « Alien », celui de Ridley Scott ?)
Au bout de 15 mn j’ai changé d’état d’esprit, je suis passé du mode « film philosophique » au mode « film divertissant » et au final, je me suis pris au jeu et je me suis bien amusé.
Accessoirement, c’est dépaysant de voir un film d’action où le héros n’a pas l’accent américain mais l’accent néerlandais !
29 septembre 2009 à 19:57
Bah, pareil que Vigil en fait. J’y etais alle dans l’espoir d’un film intelligent, mais c’est juste un bon film d’action que j’ai vu, et au final, je crois pas y avoir trop perdu en change. Je me suis bien amuse, Les critiques que tu faites au film sont justifiees (le coup des vilains noirs un peu debiles et canibales m’a fait bondir). Ca n’empeche, me suis bien marre, et de plus, je n’avais pas vu de film de science fiction valables ces dernieres annees ,celui ci est bienvenue donc.
1 octobre 2009 à 06:53
Bonjour, merci pour cette critique et surtout le talent littéraire avec lequel tu sers ton propos. Je n’ai pas vu le film, mais ça, il me semble que c’est secondaire.
4 octobre 2009 à 19:45
[…] des copines : Eric, Julien, Raph et Fred, Jarod_, Thomas, [Elle], Anne-Laure, Brice, Sikander, Zéro Janvier, BREIZHBREIZHGALETTESAUCISSE, La […]
8 octobre 2009 à 16:11
*lance son caillou et puis s’en va*
(après tout j’ai déjà publié ma propre critique, pas grand chose à rajouter…)
8 octobre 2009 à 16:14
Goon, un lien vers ta critique…