Métro — la Muette
C’est la fin de la semaine et le début de la soirée. Ligne M vers le Queens, 34e rue, bien après l’heure de pointe des sorties de bureaux — l’intérêt des pots du vendredi soir. J’avance sur le quai, le nez sur mon téléphone, quand elle me fait signe en me montrant le sien. Dans son Google Translate (portugais/anglais) Can you help me to get to a subway station? Heu, comme qui dirait, on y est, en quelque sorte. Bon, Which subway station? Elle me montre une image.
Elle me tend son téléphone, je réponds en anglais, l’appareil retraduit. Elle n’a pas de chance : la station a changé de nom. Elle a un peu de chance : c’est mon changement. Le train arrive, et sur la frise lumineuse je lui indique où elle devra descendre.
Il y a deux rangées de sièges vides, face à face. Elle s’asseoit d’un côté, moi de l’autre, juste en face, et je sors mon bouquin. Elle est tendue, crispée, le regard fixé vers quelque part au bout de la voiture. Elle arrange son écharpe, vert St Patrick, assortie à ses boucles d’oreilles. Une larme perle au coin de son œil. Coule, traînée brillante solitaire sur sa joue. Je me lève. Are you OK? Un pouce levé et un faible sourire, elle me fait comprendre que ça ira. Je me replonge dans mon bouquin.
Arrivés à la station, nous descendons. Elle me remercie d’un namaste silencieux et nous nous éloignons, moi vers ma correspondance, elle vers l’autre sortie, au bout du quai.
Je ne saurai pas le son de sa voix.