2005, année 28 — Les âmes errantes
C’est la nuit. Elles et moi dans l’ombre, la lumière seule des écrans qui nous bercent, et nos mains caressent des claviers de plastique au lieu de s’attarder sur la peau nue de nos semblables. Envoie des mots comme des bouteilles à la mer. Rejoue du Polnareff, avec juste Internet à la place du Minitel.
Quand l’écran s’allume je tape sur mon clavier
Tous les mots sans voix qu’on se dit avec les doigts
Et j’envoie dans la nuit
Un message pour celle qui
Me répondra OK pour un rendez-vous
Et parfois on se rejoignait le temps de quelques nuit.
Jusqu’à l’été. Alors µ m’a présenté Dorine. Nous avons couru comme des enfants ce soir-là au pied du campus de Jussieu, mus par l’urgence de serrer nos corps, radieux de rire de l’envie simple l’un de l’autre. Nous avons profité ensemble de la lumière qui s’appelait Septembre et qui caressait Paris, les bords du canal Saint-Martin, les terrasses de Belleville et quelques autres coins qui n’étaient qu’à nous.
Dorine est partie, ensuite, pour d’autres cieux. Elle m’a laissé un bout d’elle et elle a emporté un fragment de moi. On n’a rien promis, on n’a rien prévu, et je suis resté là, suspendu seul au milieu de l’histoire. Toujours lié malgré la liberté dite.
Vingt-huit de trente petits cailloux.