Je thème ?
Une question en forme de sujet de dissert’ : Selon vous, un blog doit il avoir un thème ?
Ahem. Excellente question qu’on peut analyser sous au moins deux angles, ce que je vais m’empresser de faire de ce pas.
1. Cas d’un blog existant
On se place d’abord dans le cas d’un site web qui existe et auquel on accorde d’emblée (ou auquel on a déjà accordé) la nature de blog.
Alors la question doit être entendue au sens de la systématique : un blog a-t-il toujours un thème (ou des) thème(s), c’est-à-dire : existe-t-il un lexique de descripteurs pertinent ? C’est une question de bibliothécaire, au fond. À un instant donné un blog est un corpus écrit, et la question se pose de savoir si on peut le coller quelque part dans une classification. (J’aimerais bien avoir là-dessus l’avis d’un éminent documentaliste.)
On peut toujours trouver à classer le contenu d’un blog sous un sujet ou un autre. Sauf que l’information apportée par cela est toute relative, la plupart des blogs relevant probablement de la catégorie « Élucubrations diverses de Marcel Dugenou, sans autre précision ». Parfois, avec un peu de chance, ce sera « La vie professionnelle de Robert Dupont, représentant pour un fabricant de bistemboires », « Les peines de cœur de Mélanie Zettofrais », ou encore les « Commentaires politiques d’Eugène Tartempion ».
2. Cas d’un blog futur, ou d’un candidat blog
Maintenant on s’intéresse à la question comme portant sur la discrimination entre ce qui est un blog et ce qui n’en est pas un sur le critère de l’existence d’un thème. On peut alors la réinterpréter ainsi : « Le thème fait-il partie des attributs nécessaires d’un blog ? », ou : « tel site existant ou futur, présentant par ailleurs les [autres] attributs d’un blog peut-il n’être pas considéré comme blog du seul fait de l’absence de thème ? »
Là mon point de vue serait plutôt non, car je vois la notion de blog comme une forme du discours : un site web organisé en une succession chronologique d’entrées présentées par un auteur, ou une communauté d’auteurs, comme une unité éditoriale.
Et en manière de conclusion (puisqu’il faut faire comme à la dissert’[1] )
Ce qui précède peut se résumer simplement : « Ce n’est pas le thème qui fait le blog. » Il y a des blogs clairement thématiques, d’autres qui s’ils n’ont pas d’orientation clairement définie et posée a priori laissent tout de même émerger une ligne directrice, et d’autres encore qui n’ont d’autre thème que celui « d’écrits divers ».
Pourtant ce sont toujours des blogs.
- En toute rigueur il aurait aussi fallu se fendre d’une intro qui reprît la question et présentât le plan, mais on n’est plus au lycée, et je m’autorise souverainement en ces lieux à m’en tenir à un formalisme délicieusement déstructuré. ↩
5 février 2007 à 20:57
Moi non plus.
Thomas, j’espère bien que l’éminent scarole interviendra pour
recadrer ta glose sur la nature classifiable ou non des blogs. Tout ça me parait bien rétrograde. Il y a déjà longtemps (au moins 2 ans !) que je crois en la folksonomie (*), moi, jeune homme. Et en l’avenir du web syntaxique (sissi). Et dans la théorie du bordel ambiant. Et celle du bazar et de la cathédrale. Tout ça est infiniment plus marrant et d’jeun’s que la classification Dewey. Encore heureux qu’il y a des vieilles bibliothécaires qui vivent un peu avec leur temps…
D’un autre coté, je fais le pari (j’ai la flemme de vérifier) que les grands
blogs à thème ont souvent un petit frère déstructuré (j’ai pas dit mal foutu). Toujours la même vieille histoire de l’Auteur qui construit péniblement son opus d’un coté, et qui de l’autre, alimente à la va-comme-j’te-pousse ses petits carnets de réflexions, vacheries, et autres brouillons. D’ailleurs à la disparition du Grand Auteur, ce sont surtout les petits carnets qui feront la joie des éditeurs et la fortune des ayants-droit.
(*) sur mon blog, dans le cadre Bog-It-Express, recherche : folksonomie (ce blog).
5 février 2007 à 22:02
Tilly, les folksonomies ne changent pas grand’chose à la question, à part une inversion de temporalité entre la production du corpus et celle des termes qui le décrivent. Lexique statique posé a priori ou folksonomie définie dynamiquement et communautairement, ce que je cherche à comprendre ici (réflexion sur la question en exergue, posée par un ami – peut-être futur blogueur ?) c’est dans quelle mesure un blog est toujours classifiable, ou pas.
Si les classifications statiques sont « rétrogrades », si la folksonomie est l’avenir de la systématique de l’écrit, alors la question peut s’envisager sous un angle nouveau : la folksonomie peut-elle se trouver prise en défaut ? I. e. se trouve-t-il des documents non classifiables en folksonomie ?
Le bon fonctionnement du système est un pari sur le nombre, finalement. Étant donnée une communauté de lecteur, on compte bien que pour tout document il se trouvera au moins un individu qui voudra bien prendre le temps de l’étiqueter et qui le fera au moyen d’un terme qui fera sens à la fois eu égard à l’ensemble des étiquettes existantes et aussi à l’usage qu’en feront les usagers de la folksonomie. Et ce pari-là, à mon humble avis, il n’est pas gagné d’avance. Raison pour laquelle tout le concept continue de me laisser plutôt dubitatif.
Et qu’en est-il du petit-frère-caché du grand-blog-thématique ? Du trop-plein, du déversoir à débordements d’âme, de la collection de miettes ? Analectes, c’est un thème ?
5 février 2007 à 22:09
(Au fait, Tilly, avenir du web syntaxique ? N’est-ce pas précisément l’archétype du concept has been et hyper nineties ?)
5 février 2007 à 22:31
Je suis ravie que tu abordes la question du thème des blogs, j’étais justement en prise à d’affreuses crampes de doute. Pour être un blogueur de bonne famille, faut-il n’avoir qu’un seul blog quitte à mélanger les thèmes/genre/format ? Ou gagne-t-on à organiser sa production avec rigueur en rangeant bien les choses, entre autres pour permettre au lecteur de savoir où il atterrit ? Je sais bien qu’au final on fait un peu comme on veut et c’est ça qu’est chouette, mais n’empêche, que veux-je ?
5 février 2007 à 22:34
Ecrits divers, n’est-ce pas déjà un début de thème ?
Je trouve cette question intéressante.
Quel est le but d’un blog ?
Non, je m’égare. Qu’est-ce qu’un blog d’abord ?
C’est avant tout une interface, une plate-forme avec laquelle on peut poster des billets. Après libre à vous de faire ce que bon vous semble.
Ca peut être tout et n’importe quoi.
Est-ce que tout et n’importe quoi doit avoir un thème ?
Blog militant, blog personnel, blog pro, photoblog, artblog, journal intime, etc.
Ils s’appellent tous « blogs », mais quel est le point commun entre eux ?
5 février 2007 à 23:13
Jojo, voir supra une proposition de définition :
Je crois que l’outil n’est pas du tout un critère pertinent pour définir ce qu’est un blog. Je pourrais tapoter amoureusement chaque page de ce blog à la mimine dans mon vieil éditeur de textes, ce n’en serait pas moins un blog. En tous cas, de votre point de vue à vous lecteurs, rien ne permettrait de voir la différence. Ce n’est pas juste un exemple théorique, d’ailleurs. Prends par exemple le blog de Stéphane. Il n’y a pas un atome de plate-forme de publication en ligne dans ce site, juste une floppée de moulinettes astucieuses qui génèrent pages et flux de syndication à partir de documents XML.
5 février 2007 à 23:30
Raphaële, y a deux écoles. Voire trois. Voire plus. Une par blogueur, peut-être, ou même une par blog, ce qui est encore pire, vu que justement il y a des blogueurs facétieux qui nous étonnent chaque jour par le miracle de la multiplication des blogs.
Les catégories qu’on peut attacher à un billet sont un autre moyen d’alimenter sous l’égide d’un même blog des fils thématiques plus ou moins entre-tressés. (Les tags permettent de faire exactement la même chose, sauf que c’est vachement plus trendy.) Finalement il n’y a pas tellement de différence entre plusieurs blogs thématiques agrégés et un blog unique avec des catégories délimitées et relativement étanches entr’elles.
Alors, quel intérêt à tenir plusieurs blogs distincts ? On peut le tirer de l’essai de définition que j’ai proposé. D’une part, l’unité éditoriale, l’unicité de présentation peut très bien ne pas faire sens. Une présentation, un contrat de communication peuvent être adaptés pour un thème et pas pour un autre.
Ensuite l’unité d’auteur n’est pas forcément souhaitée, au sens de l’image portée et perçue par le lecteur. Par exemple, moi-ingénieur, moi-scribouilleur, moi-photographe, moi-amant… chacune des personnalités qui se superposent (quelle cohue !) a vocation à tenir un propos différent, en direction de lecteurs différents, et un moyen de faire cela serait de créer des blogs distincts. Un pour le boulot, un autre pous les états d’âme, un autre encore, anonyme peut-être, pour les anecdotes les plus trash, les plus crues et les plus impudiques.
Qui sait, peut-être me lisez-vous aussi ailleurs…
6 février 2007 à 19:57
Ahem… Comment dire ? Je n’ai pas tout compris à cette réponse dissertée. Mais j’y ai glané (particulièrement dans les commentaires, lesquels ont rendu la chose encore un peu plus compliquée… commentaires dans lesquels j’ose d’ailleurs m’aventurer après plusieurs mois de lecture assidue…) des mots ou définitions qui jusqu’à présent ne faisaient pas partie de mon vocabulaire usuel (bistemboires, glose, folksonomie, systématique de l’écrit, j’avoue, tout cela est nouveau pour moi). Et que je saurai sans nul doute recaser un jour. Dès que mon ami Robert m’en aura livré les définitions… En cadeau bonus, la découverte d’Analectes, drôlissime ! Alors merci Thomas pour la culture et la confiture !
6 février 2007 à 21:36
Pourquoi me fais-je classifier dans les petits frères cachés ?
Oui, Analectes, c’est un thème. Et pas qu’un peu.
Comme disait je ne sais plus qui, l’humour, c’est l’excipient dans le suppositoire, ce qui compte c’est le principe actif.
12 février 2007 à 00:08
C’est toujours un plaisir Zoé ! Il y a des mots qui ont en bouche la même douceur sucrée qu’une cuillère généreuse de confiture à la framboise. J’aime m’en délecter avec une jubilation presque coupable… Mais le vice est si bon…
Élisabeth, je me permettais de vous lier au titre de la collection de miettes. N’y voyez rien de péjoratif, j’aime beaucoup ce que vous faites. (Mais vous n’avez pas un autre carnet, glacé et sophistiqué, où vous traiteriez doctement de sujets à la mode sans jamais y glisser, sauf en sous-entendus intelligibles seulement à un public choisi, la moindre allusion grivoise ?)
21 mars 2007 à 16:50
J’ai l’esprit d’escalier mais je ne suis pas la seule, non ? Alors me revoila.
Aujourd’hui, j’ai eu beaucoup de visiteurs qui passent chez moi après avoir googlé « le blogue de tilly », et m’est venue la curiosité de browser les premières pages de résultats. Rien de bien étonnant jusqu’à ce que je tombe en page 2 sur le résultat suivant :
http://www.rilune.org/mono5/DeBary.pdf
« Les Blogs. Un effet littéraire ? Cécile De Bary, In : Ri.Lun.E, n. 5, 2006 »
Cécile de Bary est enseignante chercheur à l’Université de Nice, Sophia-Antipolis.
M’est avis que la lecture de son article va t’interesser eu egard au sujet de ce billet. On en reparle un jour ?
14 août 2007 à 16:11
De la classification
Sur le blogue de Thomas, un billet valeureux et stimulant (il faut aussi lire les commentaires !) qui traite d’un sujet, non, d’un thème, qui m’est archi cher (prière de prononcer cette fin de phrase tout haut et sans bafouiller).
Les besoins d…