Le spectre innommé
Dans le silence de la nuit, nous avons mêlé nos larmes. J’ai écouté ton corps, elle a réchauffé le mien. Nos âmes entremêlées se sont nouées un temps. Un instant seulement. Dix mois, un coup d’aile, un souffle qui n’a fait qu’effleurer les ombres qui toujours voletaient dans ses yeux.
D’un coup de griffe, elle a tranché le lacs. J’ai désinfecté la blessure vive d’une lampée d’alcool. Ça a brûlé. J’ai arrosé le feu de larmes salées. Le feu s’est éteint. La plaie s’est refermée, elle a tiré un peu pendant quelque temps et puis s’est fait discrète cicatrice. Je ne la montre pas ; parfois sans doute on peut la sentir, infime irrégularité qui subsiste, si l’on explore mon âme du bout des doigts.
À l’inventaire de l’histoire, elle convoque les fantômes. Mais le mien n’est pas de ceux qui sont appelés à boire au souvenir des amours mortes. Spectre parmi les spectres, elle ne lui donne pas même la chance d’avoir été.
Alors la cicatrice suinte encore quelques larmes d’oubli.
4 janvier 2006 à 06:07
C’est beau…
Beau et mélancolique.
J’aime vos mots.
4 janvier 2006 à 09:40
C’est magnifiquement bien écrit. Pourquoi ne pas lui donner la chance d’avoir été puisqu’elle a été? On apprend, on retire toujours quelque chose de tout, même de l’expérience d’une amour morte, alors à quoi bon tenter de l’effacer de ses souvenirs ou la réduire à l’état de spectre? Ce serait presque se donner trop de peine à faire cet effort, non?
4 janvier 2006 à 13:44
Nos corps (coeurs) sont empreints de cicatrices, se sont elles qui prouvent que nous sommes bien en vie, ce sont elles qui nous font avancer, alors les pansers oui mais les cacher?