Anne honni m’a
Enfin, elle aurait pu. Elle me pardonne, je crois, elle me pardonne beaucoup, car j’ai cette chance insigne qu’on partage elle et moi une certaine tendresse pour la faiblesse humaine.
Anne, ça pourrait être son deuxième prénom. Peu importe. Ce qui compte c’est que ce n’est pas sous ce nom-là qu’on la connaissait. Des présents, j’étais seul dans la confidence, et je devais jouer, sur le fil du rasoir, avec les informations qu’elle et moi avions distillées. Chacun savait que je l’avais rencontrée, mais pas qui elle était.
Elle comptait sur ma probité sans faille pour ne pas trahir son secret. Elle savait que j’aurais soin, en toutes circonstances, de ne pas laisser filer par inattention d’informations déterminantes. Mais elle devait savoir aussi que la probité est une arme à double tranchant. On lit sur mon visage comme dans un livre ouvert, et je ne sais pas mentir.
Surtout pris au dépourvu par une jeune fille à la finesse pénétrante qui, sans savoir expliquer pourquoi, a percé à jour le mystère de son identité. « Mais alors… c’est elle ? » Estomaqué, pas préparé à détourner la conversation, je n’ai pu que me décomposer au milieu des lambeaux du voile pudique qu’elle avait déchiré d’un trait.
Je me suis haï d’avoir trahi son secret. Je me suis détesté de me dire que je ne méritais pas sa confiance. J’ai voulu ramper six pieds sous le sol de béton, écrasé par l’idée que je n’avais pas pu défendre ce qui m’avait été confié. Que je n’avais pu empêcher que la lumière l’éblouisse, elle qui voulait rester dans l’ombre.
Mais il aurait fallu mentir. Or si je vénère la langue, qui permet de draper les secrets dans suffisamment d’oripeaux pour les rendre méconnaissables, j’exècre le mensonge, qui lui ne les protèges qu’au prix inacceptable du renoncement à la vérité. Et de toute façon, je ne sais pas le faire. Comme les deux moitiés de cette toupie en équilibre sur une corde tendue, je suis le funambule qui doit éviter de tomber d’un côté en révélant ce qui doit rester tu, mais ne saurait verser du côté opposé en abjurant l’interdit du mensonge éhonté.
J’étais comme un diabolo qui allait s’envoler dans un coin pas prévu parce qu’on aurait imprimé un coup par trop brutal à la corde tendue sur laquelle il allait.
Mais on ne peut pas se fier aux diabolos, car les diabolos menthent.
5 août 2005 à 17:22
J’ai du raté un passage…
5 août 2005 à 17:27
Elle a l’air d’être une femme intéressante, cette « elle »…
5 août 2005 à 17:27
Par ailleurs ta passion pour le diabolo menthe nous poursuit jusqu’ici, il va falloir songer à faire quelque chose m’sieur Thomas !
5 août 2005 à 19:39
lire cette note est un plaisir, tu écris tellement bien..
5 août 2005 à 20:58
J’hésite entre: 1. Mouaaarf! 2. La patate est brulante 3. Bel écrit.
Et finalement, je me dis qu’il faut que j’arrète de lancer des idées, ca fait du mal à tout le monde…
5 août 2005 à 21:24
l’eclat de rire à la fin … le plomb devient plume :o)
5 août 2005 à 23:49
si j’ignore le fond, j’admire la forme … je crois que je n’aurais pas agi autrement dans un tel cas, même alcoolisée, je mens (très) mal !!!
bizz toi
6 août 2005 à 00:49
J’aime beaucoup beaucoup la chute ! Voilà un garçon qui doit en faire tourner des têtes… de tous les sexes en plus ! Rolalalalala !
6 août 2005 à 18:47
Digne d’un fakyr royal. A la fois acide et sucré. Pétillant et grave. A la tienne.
7 août 2005 à 11:17
c’est bien connu le diable est là pour diviser mais c’est tellement plus intéressant d’etre coupé en dieux ! :-))
7 août 2005 à 22:33
Excellente fin, légère et distillée dans cet écrit poétique que tu nous sers parfois… J’espère qu’il correspond à ton état d’esprit 🙂
10 août 2005 à 10:59
Roue libre..
Sieur Batims nous fait part de ses connaissances sur l’invention de la Roue, mais il ne dit rien sur son inventation (ou plus communément appellé son inventage). Invention et inventation sont deux notions très différentes, mais pourtant leurs…