Un peu plus près du ciel
AF6, le Paris-New York de l’après-midi. Je suis entré le dernier, ou peu s’en faut, dans l’A380. Faire la queue, ce n’est pas mon truc, j’attends aussi bien assis. J’avais la place que j’aime bien, 45J, près des galleys, couloir, place pour les jambes.
Lui, il était au 45K. Allemand, il avait retrouvé fortuitement son amie américaine juste avant d’embarquer. Elle aurait bien voulu échanger, d’ailleurs, mais le 45A, emprisonné contre le hublot, je ne peux pas. En avion, je suis un peu claustro. À sa droite, 45L, la jeune maman italienne installait confortablement son bébé de deux mois.
Il a posé son ordinateur sur la tablette. Moi, j’ai rangé mes journaux (Le Monde, Libé, mais pour cette fois pas Le Canard, que j’avais prêté, ni Courrier international, parce qu’il n’y en avait plus) et sorti mon bouquin.
Je lisais, il écrivait. À la fin d’un chapitre, mon regard baladeur s’est posé sur l’écran.
Inventory of my fears
Le titre en gras a retenu mon œil. Une pensée pour soi-même ? Un de ces monologues que j’aurais pu glisser sur les pages blanc crème de mon vieux Moleskine ? Non, c’était une missive, à la deuxième personne. Confidence ? Confession ? Non plus, je ne crois pas. Nul ami bienveillant n’apaiserait ses craintes. Perclus d’humanité, il ne confessait à nul marabout sombre le péché de son doute. Auprès de nul saint intercesseur il ne cherchait le réconfort. Il ne plaiderait pas par procureur.
En anaphore.
God, ….
5 septembre 2015 à 11:52
Mais vous, que lisiez-vous à côté de lui ? Deux mondes intérieurs assis l’un à côté de l’autre, presque imperméables, mais non, il y a des fentes de lumière, de vent et d’indiscrétion affectueuse entre les inconnus quelquefois, surtout en plein ciel.
13 septembre 2015 à 19:44
C’était The Physician, de Noah Gordon. Et au retour j’ai regardé Hippocrate. Il faut croire que quelque chose continue de me travailler de cette brûlure obscure, le besoin inextinguible de soigner.
24 septembre 2015 à 16:28
Je vais lire ce livre de Gordon, puisqu’il est depuis longtemps sur l’étagère du couloir. Blessure obscure ? Quand j’ai connu l’étymologie de consoler : con-solus, rendre un, réunifier, j’ai trouvé ce mot de consolation encore plus beau. Les blessures nous désintègrent et les consolations nous réunifient, peut-être ?