Le principe entropique
Je n’ai pas d’animaux familiers. Je n’aime pas les chiens, c’est bête et ça fout des poils partout. J’aime bien les chats (enfin, ceux des autres) parce que c’est intelligent (et cruel parfois), mais ça fout aussi des poils partout.
Je chéris en revanche un petit être qui m’accompagne tout le temps, à la maison comme au bureau : l’entropie. Le bordel ambiant est la marque de fabrique de mon environnement de travail. Par principe, tout espace libre de mon bureau est une zone d’atterrissage préférentielle pour le prochain truc que j’aurai à poser. D’une façon générale, tout élément de surface plane (y compris le sommet d’une pile déjà élevée) a vocation à recevoir, dans un futur proche, un nouvel occupant d’occasion. Vu de dessus, l’image parle d’elle-même, quoi que prétendent celleux qui disent que je ne suis pas bordélique :
(Je me demande si le bureau de Cossaw est aussi spectaculaire…)
J’ai en général assez peu de difficultés à retrouver un élément constitutif dans mon fatras, pour peu qu’il ait vu la lumière depuis moins d’un an ou deux. Les papiers à traiter urgemment (c’est-à-dire dans les prochaines semaines, au pire moins de trois mois) sont, par sécurité, centralisés dans une pochette ad hoc (après avoir effectué leur période de quarantaine sur le bar, si c’est à la maison, ou quelque part à portée de main, si c’est au bureau). Ceux qui n’ont pas d’utilité immédiate mais qu’il pourrait être intéressant de lire (ou de relire) un jour finissent par trouver une place, souvent au bas d’une pile, là où ça ne gêne pas, qui devient la leur propre.
Je me souviens, en général, de l’emplacement – au moins approximatif – de chaque chose. Je devrais pouvoir retrouver n’importe quoi en moins de… bon, disons une heure. (Ne pas retrouver quelque chose peut me plonger dans une angoisse authentique des plus préoccupantes, ne vous avisez donc pas de chiper un truc à la maison, vous serez bien gentils).
Certains papiers, quelques objets (dont un maillot de bain bleu) ont cependant, au fil des ans, échappé aux recherches les plus méticuleuses. J’ai fini par les abandonner comme définitivement perdus. Parfois j’ai même douté les avoir jamais eus en main, au point que leur simple existence se colore d’une dimension mythologique. Sauf le maillot de bain bleu, que j’ai oublié sur le radiateur de la salle de bains le jour ou j’ai quitté la Maison des élèves de l’ENST.
Enfin, si l’on en croit la légende.
16 décembre 2005 à 09:45
Le mien chez moi, oui. Mais pas si longtemps, non, parce que la femme de ménage (ie mon mari) est passée par là… J’avoue reconnaître en toi un beau sens de l’entropie galopante 🙂
16 décembre 2005 à 10:09
J’espère qu’aucun de nos clients ne lira ça en sachant dans quelle société tu travailles, ça risquerait de nous faire perdre des contrats 🙂
16 décembre 2005 à 10:32
Alors là mon petit Thomas, laisse-moi te dire que tu es un amateur 😉
16 décembre 2005 à 10:36
Artefact, je te mets au défi de publier une photo de ton bazar à toi à l’appui de tes dires !
16 décembre 2005 à 11:53
Aucune chance que ça rentre sur une seule photo 😉
16 décembre 2005 à 16:09
Un maillot de bain bleu ? Amateur ! Moi, j’ai perdu ma charentaise gauche…
16 décembre 2005 à 18:09
AAAAArrrrrggggg je suis allergique au bordel (ce qui ne fait pourtant pas de moi une maniaque comme certains le disent …)
ainsi quand je cherche quelque chose et bien il me faut en général moins de 30 sec pour le trouver ce qui me laisse bcp de temps pour faire des trucs vachement plus interessants ;o))))
16 décembre 2005 à 18:16
Des trucs intéressants… Comme, par exemple, ranger ce qui n’est pas à sa place ?
;op
16 décembre 2005 à 20:43
Je suis presque d’accord avec Nezumi, mais avec une répartition du temps quelque peu différente : j’évite de ranger, ce qui me permet directement de faire des choses intéressantes.
L’analyse archéologique permet en général, par la datation des couches empilées, de retrouver assez rapidement le document cherché par accès direct, sinon par dichotomie. Il me faut cependant plus de 30 secondes (chiffre exagérément favorable que je pense légèrement embelli, hum, genre quand il faut descendre à la cave).
Ma belle-mère a déjà essayé de me faire croire que je gagnerais du temps en rangeant, mais ce n’est pas un exemple à suivre : elle ne fait que cela toute la journée.
Chez moi de toute façon c’est presque comme chez Thomas : rangé. C’est juste un rangement non conventionnel que les non-informaticiens ne peuvent pas comprendre.
17 décembre 2005 à 19:23
Amateur oui… Et cette volonté d’affirmer ta bordélite me laisse un peu perplexe, encore une fois… Faudra qu’on cause tous les deux un jour Thom ! 🙂
17 décembre 2005 à 23:12
Melie, évidemment, face à une concurrence de carrure internationale, je ne peux guère lutter.
Mais malgré tout j’aime bien mon petit bordel à moi. Tout plein de petits bouts de vie encore tièdes, pour me rappeler à chaque instant que le baiser silencieux de la mort n’a pas encore figé chaque chose à sa place.
Un peu de désordre. Un peu de bruit, toujours. Une voiture qui passe en trombe à trois heures du matin. La lumière d’un réverbère qui veille jusqu’aux heures grises. Toutes choses indispensables pour éloigner, nuit après nuit, la faucheuse qui rôde.
20 décembre 2005 à 10:30
À mon patron qui m’embêteait trop souvent parce que, disait-il, il y avait trop de papiers sur mon bureau (comme les notes dans la musique de Mozart) et qui n’avait jamais, lui, un papier sur le sien, j’ai envoyé un jour un caricature disant : « Si un bureau en désordre est le signe d’un esprit désordonné, que faut-il penser d’un bureau vide ? » Quelques semaines plus tard, j’étais licencié ; je n’ai pas demandé pourquoi ; j’ai pris en souriant intérieurement la lettre qu’il me tendait et qui disait brièvement qu’« en raison d’une réorganisation des services », il se voyait dans l’obligation… J’attendais cela depuis des mois !