Au bord de la nuit
Dans le plat pays il y a un champ. Près du champ venteux se dresse un hôtel. Dans l’hôtel morne se trouve une chambre. Dans la chambre glaciale, un lit double où j’étais étendu. Seul.
Sous la couette, les yeux grand ouverts dans le noir, j’écoutais les bruits du couloir. Mon ventre était noué, ma tête prête à exploser. Je me sentais couler dans une eau froide et glauque. L’angoisse glissait sur ma peau et pénétrait mon corps.
Je ne lâchai pas prise. Pas tout de suite. Faire face.
Qui était-ce, déjà ? Un aviateur, je crois. Il a donné sa devise à l’École de l’air.
Tenir. Encore un jour. C’est à cela que servent les médicaments ? Pour supporter la crise ? L’heure noire avant l’aube grise, l’heure où l’esprit s’efface, où ses maux sans mots submergent les âmes perdues ? Ces secondes suspendues où je ne sais plus bien pourquoi je me sens mal, où je sais seulement que ça ne va pas ?
J’ai oublié son nom, c’est agaçant.
Mais ils me font peur, les médicaments. Je m’en méfie comme d’une solution trop simple, comme d’une dépendance. Je ne veux compter que sur moi-même, parce que parfois je ne peux compter que sur moi-même. Et je veux le délice amer, la joie suprême à l’acmé de la crise : pouvoir me dire au moins que j’aurai su me battre, debout dans la tourmente, seul contre mes démons. Mon âme est un champ de bataille et je veux en être le héros.
Georges Guynemer. Faire face, c’est lui. Peu à peu les pensées noires refluent. Sur la grève, au bord de la nuit, je m’endors.
24 novembre 2005 à 09:41
Je te souhaite de ne pas finir comme Guynemer 🙂
24 novembre 2005 à 12:19
Toujours avoir une bouillote dans sa valise…
24 novembre 2005 à 12:54
Si tu étais bien à l’hôtel auquel je pense, dans le vide déshumanisé auquel je pense, alors je te comprends. L’endroit est terriblement angoissant.
28 novembre 2005 à 22:21
et moi je ne connais pas cet hotel mais je connais cet état
je comprends aussi ta victoire