La fin de la sieste
Je suis revenu de Florence. Dans le train qui m’emportait de l’aéroport, l’excitation montait. Dans une demi-heure, je serais à la maison. Je terminais Madrapour de Robert Merle (lecture de circonstances pour un retour par transports aériens), tandis que je glissais vers la ville, les essieux bien huilés soufflant les minutes qui me séparaient de l’instant du retour, les joints de rail rythmant le parcours de la rame à travers les gares de banlieue presque toutes désertes à cette heure-là du soir.
Parvenu Gare du Nord, j’ai quitté le train. La maison était proche. Doucement euphorique, je dévorais des yeux chaque recoin connu dans le dédale d’acier, de béton et de verre. Avide de la cité. J’ai remonté les escaliers de la bouche de métro, j’ai aspiré une grande rasade de nuit. L’air était merveilleusement doux, curieusement parfumé, c’était surprenant tant Paris, d’habitude, sent plutôt la fumée des voitures ou cette odeur si particulière de l’enrobé poussiéreux qui recueille les grosses gouttes au début d’un orage estival.
Demain je retrouverai la ville de nouveau bruissante. Elle n’est plus écrasée par la chaleur d’août, vidée, fermée, recluse et temporairement absente. Elle s’ébroue, se rafraîchit, se dore une dernière fois au soleil avant l’automne. C’est la fin de la sieste, bientôt ce sera le soir.
Il est cinq heures de l’année. Paris s’éveille.
18 septembre 2005 à 22:31
Ou comment rendre poétique le retour à Paris qui souvent a perdu tout son romantisme dès lors que l’on y vit. Tu as l’écriture séductrice, Thomas.
18 septembre 2005 à 23:13
La dernière phrase est délicieuse elle suspend le texte dans un temps auquel le lecteur n’était pas tout à fait près … quoique mais dans une continuité naturelle avec ce texte lui aussi suspendu avec peut-être un clin d’oeil au plus français des dilletentes fumeurs de cigare.
Pour le reste cette solitude absolue de quasi fin du monde se goute comme un soupir de Keith Jaret entre deux rondes.
Merci pour ces instants.
18 septembre 2005 à 23:44
toujours au plus juste …
19 septembre 2005 à 10:22
quel amoureux de Paris tu fais !
La dernière phrase, quelle pirouette… un acrobate parigot, voilà ce que tu es…
20 septembre 2005 à 21:23
Tiens, nous avons la même amante 😉
23 septembre 2005 à 21:30
Je reviens sur ce texte attiré par cette obscurité qui rend Paris si désirable et que tu donnes si bien à humer
c’est ce Paris que j’aime lorsque la ville n’est plus une ville mais presque un bout de campagne endormi qui se serait un tantinet travesti avec un peu de brume (celle qui se répend des dernières paroles ouvertes où l’esprit se distant à la recherche d’une cohérence que tu dérobes sous lui) oui d’autres l’ont dit un vrai morceau de poésie
23 septembre 2005 à 22:22
À mon sens, Paris diffère en cela de la campagne que précisément, elle n’est jamais tout-à-fait endormie. Elle me veille nuit après nuit, ne dormant que d’un œil, toujours attentive à mon chevet.
Et si je ne dors pas, aux petites heures du matin, que je me plante à ma fenêtre sans allumer la lumière, elle éclaire ma pénombre de la lueur orange d’un réverbère public. Elle berce mon insomnie, elle apaise mon angoisse, au bruit si rassurant d’une voiture dans la rue.
23 septembre 2005 à 22:45
Aaaah ! Paris !