En attendant Godot
L’espace est dépouillé. Une vaste étendue lisse et lumineuse, au fond un horizon vide. Un arbre. Même pas, un arbrisseau. Au bord une vieille palissade, et dans l’air un bruit de ville et de nature. La scène est baignée d’air urbain — ou plutôt péri-urbain. Trottoir, terrain vague… C’est là qu’ils attendent.
Ils attendent un sauveur, un messie qui par ses conseils avisés les extrairait du trouble dans lequel ils se trouvent. S’il vient. Mais rien n’est moins sûr, d’autant qu’ils l’ont déjà attendu, peut-être bien ici même, peut-être bien hier. Ou avant-hier, ou un autre jour. Ils glissent et perdent pieds, et nous avec, tant les fils qui les accrochent à la trame du temps sont ténus. Ils sont à la dérive, ballottés sur un océan qui n’a ni début ni fin. Battus par l’inertie des nuits et des jours qui leur tombent dessus.
Pourtant ils ne sont pas seuls. Chacun avec ses travers, ils sont là l’un pour l’autre, l’un avec l’autre, quotidiennement. Ils partagent l’attente interminable ensemble, et avec l’un pour l’autre une infinie tendresse.
C’est le Godot du clan Kouyaté, une famille de très grands gens de théâtre et de conte burkinabè, avec notamment Sotigui, le vieux griot, que je revoyais sur scène pour la première fois depuis la Tempête de Shakespeare montée par Peter Brook, à Avignon en 1991. (C’était aussi les débuts sur les planches de Romane Bohringer, ah…).
À voir très vite, car c’est seulement jusqu’au 31 mars 2007.
En attendant Godot de Samuel Beckett, mis en scène par Hassane Kassi Kouyaté, avec Sotigui Kouyaté, Dani Kouyaté, Beno Sanvee, Moussa Théophile Sowie. À la Scène Watteau, théâtre de Nogent sur Marne, du 19 au 31 mars 2007. Rencontre avec l’équipe le samedi 24 après la représentation.