Les trottoirs de Broadway
Nous venions d’atterrir, deux heures plus tôt, à l’aéroport JFK. C’était un après-midi de fin d’été et, tous les trois, nous marchions sur le béton défoncé des trottoirs de Manhattan, dégustant qui un bagel, qui un muffin en partageant une bouteille d’iced tea.
Avec l’habitude enracinée du piéton parisien, je m’ingéniais à traverser les rues sans vraiment tenir compte des feux, du moment que la voie était libre. Mon collègue enrageait, qui se sentait perdu dans cette ville étrangère et préférait attendre la bénédiction du signal lumineux avant de s’engager dans la traversée des larges artères. Le regard pétillant d’indiscipline légère, comme un poisson dans l’eau entre bitume et gratte-ciels, je l’attendais, hilare, de l’autre côté de la rue. Cela faisait deux heures qu’on était ici, et je m’y sentais bien, je m’y sentais chez moi.
Personne n’est étranger à New York. Personne n’est américain, bien sûr, les gens d’ici sont de toutes les couleurs, de tous les accents, ils n’ont pas les mêmes dieux, pas les mêmes yeux, mais ils sont tous d’ici et nous aussi participions de cet endroit un peu spécial. De cette ville cabossée de partout, aux trottoirs lézardés, aux façades de brique déchirées par le zig-zag des escaliers de secours, de cette grille parfaite… ou presque, des immeubles de verre et d’acier lisses et des roulottes à bagels au coin de la rue.
Nous sommes passés par Herald Square, au coin de Broadway et de la Sixième avenue (Avenue of the Americas). Quelques tables de jardin dans un coin de verdure, qui semblent presque incongrues au cœur du mouvement de la foule et de l’animation ininterrompue du quartier, accueillent celleux d’ici comme les gens de passage pour un moment de pause.
Nous marchions dans l’air idéal d’une belle journée d’août. Nous étions un peu citoyens de la capitale de l’univers.
27 août 2005 à 11:18
Chouette texte… on s’y croirait !
27 août 2005 à 15:14
Sans connaître New York, il me semble que cette mixité que tu décris si joliment n’est avérée que dans certains quartiers, non ? Que beaucoup d’autres sont « riches » et de fait dévolus à une population blanche ?
27 août 2005 à 16:38
c’est vrai c’est chouette!
New York c’est trop bien :o)
28 août 2005 à 01:01
Pour sûr, Melie, pour sûr. Personne n’est étranger à New York. Mais c’est évidemment plus facile à clamer pour un blanc bien habillé qui vient à Manhattan pour affaires que pour le mec, là, qui dort dans la ruelle et cherche le souffle chaud d’un conduit de vapeur pour ne pas crever de froid.
28 août 2005 à 11:07
Je vous recommande à ce sujet la lecture des oeuvres du poète et président Léopold Sédar Senghor sur New York.
28 août 2005 à 18:22
En tout cas ton texte donne envie d’y aller…
28 août 2005 à 19:41
Finalement, à New York, la fusion des nationalités est au milieu de la rue, là où les taxis jaunes passent… conduits par des portoricains, des afghans, des cubains et cetera. Le trottoir est bien plus WASP. Je trouve.
30 août 2005 à 10:05
Moi ce qui m’avait frappée quand j’y étais allée (en 1993) c’était le mélange des odeurs dans les rues : odeurs de hot-dog, de patchouli, de café et autres senteurs indéfinissables.
30 août 2005 à 10:20
@laurence: ça n’a pas changé, New-York est une ville qui « sent », et force est de constater que toutes les odeurs ne sont pas suaves … Qu’on ne vienne pas nous faire des commentaires désagréables sur les odeurs corporelles supposées des Français après ça !
2 septembre 2005 à 13:14
Pour ma part, j’ai été fasciné par l’amabilité des gens en général, le civisme (?) des passants et le relatif silence de la circulation (les gros V8 des taxis, l’absence de diesels, de vélomoteurs, les avenues larges…) Manhattan est bien moins fatigante de Paris…
2 septembre 2005 à 18:35
I love NYC so much! But I am frightened sometimes when I think that last time I was there, You know who were with me…?