Charlie restera chez lui ce dimanche
Je suis Charlie. Et je n’irai pas défiler dimanche.
Mercredi tout au long de la journée il y avait eu ces messages. Tu viens ce soir ? J’y serai vers 17, 18 heures. Les copains, les copines, toutes et tous des larmes plein les doigts, et l’incrédulité, et le besoin d’être ensemble. J’aurais aimé vous rejoindre, à l’appel de personne, tous autour d’une République de bronze. Cent mille personnes qui se retrouvaient là à l’appel des copains pour pleurer en silence et pour se réchauffer. Sans autre mot d’ordre que leur chagrin révolté et la dignité de leur silence. Cent mille Charlie, debout, qui refusaient d’avoir peur, qui refusaient de se taire, qui refusaient surtout d’inventer des coupables. Et qui disaient Je. De petites pancartes individuelles, bricolées comme ça. Au bout de chaque pancarte il y avait la main d’un de vous, et j’aurais voulu y être. Je suis resté à la maison, cloué là par la fièvre et les miasmes hivernaux.
Dimanche je serai guéri, mais je n’irai pas défiler sous les banderoles des corps intermédiaires. Je n’irai pas faire bloc derrière un carré de tête qui comptera tout ce que Charlie conspuait de puissants corrompus par le pouvoir, de réacs allergiques à la liberté de parole, de pensée et de remise en question du système dont ils ont pris les rênes. Ni derrière Valls, ni derrière Sarkozy. Ce serait aussi absurde qu’un poisson sans bicyclette. Aussi grotesque qu’une messe ou un glas pour les bouffeurs de curés de Charlie.
Ces gens-là, qui osent se prévaloir de la liberté d’expression, sont les mêmes qui infatigablement travaillent au détricotage de la démocratie. À coups de loi de programmation militaire, sous couvert de sécurité nationale, ils pourront demain écouter, ou faire taire, chacun d’entre nous selon leur bon plaisir. Sans qu’un con de juge par trop indépendant vienne fourrer le nez de la Justice dans les petites affaires de l’Administration. Et ils continueront cela précisément en surfant sur l’émotion de faits divers barbares, en répétant encore et encore le même mensonge éculé :« C’est pour votre sécurité ».
Deux branquignols dégénérés, deux abrutis manipulés par des organisations terroristes croyaient tuer au nom de leur prophète. Mais ceux qui les ont envoyé là avaient un tout autre dessein que quelques caricatures : l’objectif stratégique de nous saisir d’effroi et d’horreur, de nous cliver, de nous monter les uns contre les autres. Si nous avons peur, ils auront gagné. Et la classe politique qui joue de cette peur pour mieux nous contrôler et nous asservir, qui sous prétexte de nous en protéger et de nous rassurer fabrique la prison idéale, panoptique de nos mots, qui nous endort et nous enferme, elle n’est que leur petite hyène charognarde et mesquine qui essaie de grapiller quelques bouts de cadavre tiède après le passage du monstrueux prédateur.
Je n’irai pas faire masse derrière ceux qui conçoivent sans sourciller d’inclure Marine Le Pen dans un hommage à ceux qui, infatigables, ont toujours dénoncé et combattu les idées délétères qu’elle colporte, et son père avant elle. Leur cynisme, à ceux-là, c’est un glaviot sur la terre encore fraîche des tombes à peine creusées. Je ne serai pas derrière eux pour qui la liberté de la presse, celle que doit encourager, soutenir l’effort public pour le bien de la Nation, c’est Télé 7 Jours, Closer et Gala bien plus que le Monde diplo… ou Charlie.
Je suis Charlie, triste et en colère, parce que des dessinateurs, des victimes collatérales, des otages, des flics ont été lâchements, froidement assassinés par des imbéciles sanguinaires.
Je suis Charlie, triste et en colère parce que des millions de musulmans de toutes nationalités, mes concitoyens, mes voisins, mes amis, vont s’en prendre plein la gueule à cause d’eux.
Je suis Charlie, triste et en colère de la récupération politique cynique qui se joue sous nos yeux, écœuré devant l’hypocrisie éhontée, indécente et indigne dans les mares de sang encore frais.
Je suis Charlie, triste et en colère de ne jamais voir les coupables comparaître devant une cour d’assises. De ne jamais les voir jugés au nom du Peuple français.
Je suis Charlie, triste et en colère. Dimanche je resterai chez moi.
10 janvier 2015 à 00:37
RT @pcouzon: Ni dieu, ni maître, comme du Charb ou du Vian 😉 RT @Scorpaena: [Blog] Charlie restera chez lui ce dimanche http://t.co/TaH3F4…
10 janvier 2015 à 00:45
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10 janvier 2015 à 00:52
Je suis Charlie, triste et en colère. Et parce que mercredi, pour la première fois en deux ans et demi de fac, le sujet principal en sortant du partiel n’était pas le partiel, je serai dans la rue dimanche, place de la république. Parce qu’ils étaient une voix, un dessin et des mots face à ceux qui légitiment un assassinat sans foi ni loi, je serai Charlie, dimanche à 15h, au nom de la liberté.
10 janvier 2015 à 01:01
Et après on se demande pourquoi je t’épouse quasiment tous les ans ?
10 janvier 2015 à 01:30
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10 janvier 2015 à 10:23
Thomas, je ne pourrai être à Paris ce dimanche, je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’en avais eu la possibilité matérielle. J’entends bien tes propos toujours d’une acuité extraordinaire mais … je crois qu’intellectuellement je serai au moins avec tous ceux qui, par exemple, partiront de la mairie de Gennevilliers demain … et finalement tout le monde se fout légitimement de ce que je ferai … sauf moi peut-être! Bien à toi mon grand! ChrisTian
10 janvier 2015 à 10:37
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10 janvier 2015 à 11:17
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10 janvier 2015 à 15:11
Bonjour Thomas,
Je comprends bien tes arguments et pour l’essentiel, je les partage.
Moi aussi je me pose des questions sur la pertinence d’aller à cette marche.
Moi aussi la récupération m’effraie un peu, par des gens qui n’ont rien à voir avec Charlie.
Cependant… comme une amie me l’a fait remarquer avec pertinence dès mercredi, cette affaire dépasse largement Charlie.
C’est une attaque contre la possibilité de s’exprimer librement sans craindre de représailles sanglantes.
C’est une attaque même contre les gens qui se contentent de côtoyer ceux qui s’expriment librement.
C’est aussi une attaque contre des anonymes qui ont eu le malheur, dans leur activité de tous les jours, de se trouver sur le chemin des tueurs.
Ce fut complété hier par une attaque explicitement antisémite.
C’est donc normal et même plutôt sain que l’ensemble de la société s’en saisisse, ce qui ouvre la porte évidemment à des récupérations nauséeuses.
Mais ces petites récupérations, aussi écœurantes soient-elles, ne sont finalement pas grand chose à côté de ceux qui vont prôner médiatiquement une chose sous les projecteurs de la bonne conscience avant d’agir législativement dans le sens inverse.
Voilà, juste mes 2 sous sur l’état du moment de mes réflexions toujours en mouvement dans une affaire qui émeut tout le monde…
Pour ma part, je n’ai pas encore décidé si j’irai ou pas à cette marche. Je sais que j’ai des connaissances, famille, amis, qui vont effectuer des centaines de kilomètres pour venir à Paris demain, et que ça ne s’était jamais arrivé avec cette ampleur.
10 janvier 2015 à 17:46
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10 janvier 2015 à 22:29
Mercredi, j’étais à république. L’heure était au recueillement. Les seuls mots étaient Charlie, Charb, Cabu… Jeudi aussi, j’y étais aussi. L’ambiance avait changée. Pas de partis, pas de banderoles, pourtant la récupération avait déjà eu lieu, mais pas par des partis, des organismes : juste par les gens qui ne connaissaient pas Charb et Wolinsky mais ont compris, tout seuls, qu’on parlait là de valeurs qui étaient les leurs : la tolérance, la diversité, la liberté. Dimanche, encore plus que jeudi, ce n’est pas pour le message de ceux de Charlie Hebdo que l’on marchera, mais pour ce qui leur permettait de le dire et le publier : la liberté.
Dire « Je suis Charlie », ce n’est pas, ce n’est plus, dire « je suis Charlie Hebdo ». La récupération, elle a eu lieu, mais les gens n’ont eu besoin d’aucun partis, d’aucun leader pour la faire. Et finalement, ça, c’est très Charlie-Hebdo
11 janvier 2015 à 00:55
Thomas, je comprends totalement tes arguments, et je crains autant que toi les récupérations minables et la mise en place des nouvelles mesures de sécurité « pour notre bien ».
Mais si j’avais pu être présente, j’y serais allée comme beaucoup d’autres pour une simple raison : faire bloc. Derrière personne, mais avec des milliers d’autres, dont certains n’aimaient pas Charlie Hebdo mais n’acceptent pas pour autant ce qui s’est passé ni ce qui va se passer à partir de maintenant.
Sur 66 millions de Français, une portion infime sont mes amis, probablement une petite partie des autres partagent plus ou moins mes idées, mais j’ose espérer qu’une très grande majorité partagent les idées fondamentales de la République Française. Je suis une optimiste. 😉
11 janvier 2015 à 01:47
Hi Thomas, cela fait longtemps…
Entièrement d’accord avec toi surtout quand tu dis :
« Je suis Charlie, triste et en colère de ne jamais voir les coupables comparaître devant une cour d’assises. De ne jamais les voir jugés au nom du Peuple français. »
Peut-être y avait t’il d’autres méthodes moins radicales pour faire cesser de nuire ces assassins…
11 janvier 2015 à 06:00
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11 janvier 2015 à 06:00
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11 janvier 2015 à 10:23
RT @lpenet: Joli coup de gueule d’un qui ne manifestera pas http://t.co/mPPNM3lZVr J’y serais bien allé, moi, mais la fièvre, etc.
11 janvier 2015 à 11:10
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11 janvier 2015 à 11:23
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12 janvier 2015 à 06:01
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14 janvier 2015 à 06:01
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15 janvier 2015 à 17:06
C’est dommage de laisser passer l’occasion unique de « marcher pour la liberté d’expression » en compagnie d’Erdogan, de Netaniahu et de Valls… Quoi qu’il en soit, je ne sais plus pourquoi ni comment je suis arrivée ici il y a assez longtemps, mais chaque fois que je repasse sur ce blog je bénéficie d’un bain de poésie, de sensibilité et d’intelligence. Merci !