L’attroupement

Au coin des deux rues. Il y a un attroupement. Une voiture qui part, des gamins qui restent — il y a deux collèges dans le coin. C’est le printemps, le matin est frais. Clameurs. Pas de cris, pourtant. J’avance vers eux, c’est mon chemin. C’est là que je l’aperçois, entre deux voitures, sur le trottoir d’en face.

Il-ou-elle est là, grotesquement tordu sur le bord du caniveau. Visage sans âge aux traits maintenant indistincts. Il ne s’est pas protégé de ses bras, il a embrassé le sol de plein fouet. Fenêtres ouvertes, quelques étages au-dessus ?

Sous lui, la flaque de sang. Rouge, brillant. Téléphone, 17.

– L’adresse ?
– 4, rue D***-T***…
– Il parle ?
– Je ne me suis pas approché… J’ai pas l’impression qu’il soit en état…

Déjà, le deux-tons hurle, le camion rouge arrive, par ici, on fait signe, par là. Ils descendent, vite, vite, le gros kit sur le dos et les gants bleus.

Il est derrière le camion, rouge comme son sang, ils sont là maintenant. Reprendre mon chemin, sans tarder. Son corps disloqué sur le bord du trottoir, gravé dans ma mémoire.

Une réponse à “L’attroupement”

  1. gilda a dit :

    Ton billet me ramène vers celui-ci de Matoo :

    http://blog.matoo.net/index.php/archives/2011/03/05/le-suicide-du-boulevard-voltaire/

    ainsi que vers un souvenir personnel d’un ancien collègue et ami qui avait lui aussi choisi d’en finir ainsi – et ce n’était pas une impulsion il avait tout préparé, organisé -. 15 ans après je ne peux toujours pas repasser près de sa rue sans y repenser.

    On n’oublie pas.
    C’est bien que tu sois parvenu à en faire un billet.

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